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J'ai une patate moi…

Bon ben voilà, on a repris le boulot, comme tout le monde.
Pas de quoi s’exalter, on n’est pas le centre du monde du monde, en même temps.
Si le chef nous avait fait un numéro de claquettes, j’dis pas, j’aurais développé, mais même pas.

Comme partout, les retrouvailles, et vas-y que j’te claque une bise par-ci, une tape dans l’dos par-là, les souvenirs de vacances que tu t’en colles grave les fesses au plafond, les p’tits nouveaux qui balisent à mort, auxquels on file des emplois du temps tout pourris du cul, les embrassades, les accolades, les effusions.
Rien qu’du bonheur quoi.
J’avais prévenu, avec mon reliquat de sommeil, j’ai l’enthousiasme rebelle.

Bon, comme d’hab, on a eu droit à un briefing de deux plombes qu’on a écouté bien sagement.
Pour moi, c’était l’occasion de tester mes nouveaux chewing-gums et d’échanger quelques trivialités avec Christophe mais discrètement et sans rire, enfin presque, pasque bon, on avait le chef pile en face.
Tati nous fait toujours la gueule suite à un malencontreux incident qui s’est produit début août du coté de Lunel, où on s’est retrouvés pour une journée au bord de la mer.
Si j’ai un moment j’vous raconterai.
Avec Christophe on comprend pas sa réaction parce qu’on s’est largement excusés, on a payé tous les frais, et on a même été la voir à l’hôpital.
Tu parles d’une rancunière celle-là.

Bref, y nous ont lâchés vers midi.

Bon moi la rentrée, j’m’en fous un peu, par contre, ce matin, j’ai testé le rasoir Gillette Power Nitro, depuis le temps que j’en rêvais, vous savez, celui qu’a un petit moteur et les lames qui vibrent.
Putain, vachement bien le rasoir !! Tu m’étonnes aussi, y’a quand même CINQ lames, ben ouais, y’a pas de hasard dans la vie.
Vous imaginez pour un prof de techno le bonheur que c’est un tel progrès technique.

Ah pis les vibrations, trop géniale l’idée !! Mais curieux quand même.
Surtout pour moi qui ai le dessous d’nez chatouilleux, d’ailleurs j’vous raconte pas les fou-rires que j’me prends lorsque j’me rase, et ben avec les micro-pulsations (deux cents par seconde quand même, sont trop forts les mecs de chez Gillette) j’ai le dessous d’nez qu’a viré zone érogène. J’vous dis pas l’embarras.

Et ensuite j’ai testé un nouvel après-rasage, à base d’alcools forts et de graisse de yack, qu’une copine m’a ramené du Népal, un vrai truc de mec quoi, et ben putain, ça dépiaute !!!
Le genre de truc qui virilise grave.
C’est bien simple, vous entrez dans la salle de bain avec un visage de poupon encore endormi et vous ressortez avec la gueule de Charles Bronson à qui on aurait mis la main au cul.
Après un truc pareil, sans déconner, tu peux partir chasser le bison à mains nues.

Bon je cause je cause mais j’suis naze ce soir, j’ai même raté mes œufs au plat, j’vais pas tarder à pieuter.

Ben voilà, ce sera mon souvenir de rentrée : un bon rasage (j’l’avais pas fait exprès en plus)

PS : et si certains pensent que mes préoccupations sont futiles, sachez que j’y veille.

Mon poisson rouge est mort

Je l’ai découvert en rentrant ce soir.
Il était étendu, là, dans la cuisine.
Juste devant la fenêtre.

J’avais bien remarqué qu’il sautait sans arrêt hors de l’eau.
Son rêve d’être dauphin sans doute.

J’sais pas s’il s’est loupé ce coup là, ou s’il s’emmerdait à ce point.
C’était si dur que ça de vivre avec moi ?

Je l’avais depuis des années, offert par ma fille, ma bulle.
Pour que je ne sois pas seul.
Bon, je dois avouer que ce n’était plus celui qu’elle m’avait offert.
Parce que c’est fragile ces petits trucs mais chaque fois qu’il succombait je m’empressais de le remplacer.
Avant qu’elle n’arrive.
Mais pour elle, c’était toujours le même.

Il s’appelait Orca.
Ça fait peur hein ?

J’ai bien songé parfois à m’en débarrasser.
Lorsque je partais en vacances.
À l’abandonner sur une aire d’autoroute, par exemple, et l’attacher à un arbre.
Mais j’ai pas osé.

Pour l’enterrement j’vais faire simple.
Une cérémonie sobre, sans fioritures, avec les proches.
Moi donc.
Pas de discours pompeux, de regrets éternels.
Pas de prêtre non plus.

Pour le cercueil, j’ai pensé à une boîte de surimi.
Ou une boîte de thon.
Ou une boîte de KiteKat.
Pour faire chier les chats.

Le trou, je le ferai avec la main.
Ça devrait suffire.
Je dirai deux trois mots et puis voilà.
Et j’irai prendre une cuite en ville.

Voilà, vous pouvez faire une prière pour Orca.
Et puis une petite pour moi.

Car maintenant, j’suis vraiment seul.

Salut Orca.

PS : pour l’aquarium, j’peux vous faire un prix.
Y m’reste même de la bouffe.

Et oui, six mois déjà…

Il y a six mois, le 11 novembre 2006 à 10:49, j’enfantai dans la douleur ce blogounet.

C’est à l’issue d’une réflexion intense que je décidai de livrer à l’humanité toute entière mon épopée professorale, le roman de ma vie, la quintessence de ma destinée :
mon odyssée contre l’armée des acnéiques et mon héroïque résistance à l’invasion pubère.
Enfin bref : ma virée chez les ploucs.

Oui, moi, professeur émérite, et selon le jour, matador des bœufs ou torero des ânes, je décidai de rendre accessible à chacun un peu de ma vie, donc un peu de mon génie.

Je fis le choix de mots simples, afin d’être accessible aux profs, et de parler un peu de cul, pour être accessible à tous.
D’anecdotes croustillantes en envolées lyriques vous succombâtes au charme subtil de mon humble personne.
Car je peux me vanter d’être un type humble.

À travers ce blog, ma quête éperdue du bonheur trouva sa récompense.
Je trouvai un sens à ma vie et j’arrêtai la drogue.
Car si ma vie a rempli ce blog, ce blog a rempli ma vie.
(Qu’est-ce qu’y faut pas écrire comme conneries).

Je sus réveiller bien des libidos endormies, croupies au fond des marécages glauques de vos mornes vies, existences besogneuses dont je secouai la torpeur par un sex-appeal torride.

Mais emporté par l’exaltation, je surdosai mon blog en phéromones et vous vous lâchâtes.
Je dus donc refuser systématiquement vos seins exhibés, vos fesses molles et vos infâmes cuisses.
Sans compter les offres que vous me fîtes de schtrumble.
C’est bien simple, par moment, vous m’écœurâtes.
C’est une honte.
(y’en a même qu’ont proposé carrément un schmurphy, hé ho ! Ça va pas la tête ?)

Mais je persévérai.

Je narrai avec brio moult anecdotes, billevesées et fredaines, et daignai visiter vos blogs, oh tristesse infinie, sur lesquels, parfois, je condescendis à laisser un commentaire délibérément médiocre afin d’en respecter la tonalité.

Oui, mais le 18 novembre 2006 à 13:15, tomba le premier commentaire sur mon blogounet.
Imaginez mon émoi.
Commentaire anonyme d’ailleurs.
Je cliquai fébrilement et lus le texte suivant : vous êtes pathétique.

Putain.
Ça m’a cassé.

Mais comment peut-on être aveugle à ce point ?
Et n’avoir pas su voir le talent dégoulinant de ma prose ?

Alors je traversai une grave crise existentielle et vécus les pires heures de ma vie.
Je relus tout Nietzsche et bus tout Heineken.
Je déambulai dans mon salon, hésitant à sauter par la fenêtre (ça caillait encore à l’époque), préférant succomber au doute.

Et si je n’étais pas le génie que je pensais-je ?
Bon, c’est vrai que mes ex me l’avaient plus ou moins suggéré, mais quand même.
Pris d’un accès de folie, et afin d’en avoir le cœur net, j’achetai Télé Z et je fis deux mots fléchés.
D’affilée.

Ouffff !!!!

Rassuré et le cœur empli de joie, je me remis donc à la tâche, et j’œuvrai pour tous, enfumant la blogosphère de mes spirituelles volutes.

La suite vous la connaissez, un succès fulgurant, des stats de folie, un passage en radio, et des rencontres hors blog…

Ouais, ben parlons-en des rencontres hors blog.
Putain, vive le virtuel !
Moi qui pensait que les filles c’était gentil, et ben putain.
D’entrée, je suis tombé sur une allumée du fion, qui m’a pourchassé dans tout le canton.
Dans la foulée, une fracassée de la timbale, suivie par une exaltée de la foune et par une torturée du minou.

Ben moi, j’savais pas qu’elles étaient comme ça les filles.
Vous imaginez le choc.
Bon là, je me remets doucement.

Heureusement, y’en a eu d’autres bien bravounettes.
Dont une, bien gisquette, que j’te basculerais bien à l’occasion sur le lino.
Pourquoi le lino ?
Ben parce que je suis allergique à la moquette.
C’est vrai, ça m’fait comme des p’tites quintes de toux.
Et après je bave.

Pour conclure, j’vous dis pas merci pour tous les commentaires parce qu’ils sont assez nuls dans l’ensemble.
Pas marrants, limite racoleurs parfois.
Pas merci à votre gentillesse largement intéressée, il faut bien le dire.
Ni à votre humour qui bien souvent m’a désespéré.
Et encore moins à vos allusions pornographiques qui en disent long sur vos misères sexuelles.

Voilà.
Et à la vôtre !

Charly

Ps : bon… ben… à tous… heu… merci quoi…
Si j’peux dire
.

The Voice

Je souhaite vous parler de mon organe.
Mais ne vous réjouissez pas trop vite, car bien que j’ouïsse déjà ces dames devant une telle introduction, il ne s’agit ici que de ma voix.
Car je constate avec effroi chaque jour ses méfaits pendant mes cours.

Notamment cette fâcheuse tendance à plonger dans une profonde léthargie les forces vives de la nation.
Car j’intercepte bien souvent, après quelques minutes d’exposé, quelques bâillements furtifs.
De l’entrebâillement discret à la béance offerte, tous les diamètres me sont proposés, et je vois parfois de bien jolies glottes.
Et de bien belles luettes.
Ma foi.

Aussi pour masquer l’orifice, je suggère un paravent improvisé, un vieux cahier fera l’affaire, ou simplement une main, ou deux, négligemment posées.
Comme ça, l’air de rien.
Mais cela n’est pas toujours suffisant.
Car la grimace seyante qui accompagne l’ouverture trahit le plus souvent l’effraction.
Sans parler des yeux humides rapetissés par la crispation.

Mais je suis vexé.
Je n’apprécie pas particulièrement que mon charisme en prenne un coup.
Et ceci a fortement influencé mon enseignement.
Que je souhaite à dessein animé.

Je me dois donc de faire court.
Et c’est bien dommage car un bon public aurait tendance à me faire bien narrer.
Mais évaporés qu’ils sont par la chaleur de mes ondes, je ne suis pour eux qu’un songe.
Mes élèves travaillent donc sous hypnose.

Et combien de compagnes pâmées, combien de maîtresses alanguies se trouvèrent par mes mots endormies.
Ce qui n’était pas l’objectif, j’en conviens.
Mais évaporées qu’elles sont par les fréquences de mes émissions, je ne suis pour elles qu’un songe.
Mais était-ce sans doute, là encore, les vertus anesthésiantes de mon monotone débit.

Une de mes ex, la deuxième, une veinarde celle-la, car j’étais au top, m’a souvent parlé de ma voix.
Elle me trouvait plutôt bon à l’oral.
Je dois dire qu’elle excellait aussi dans ce domaine.
Elle trouvait ma voix joliment timbrée.
Et il faut bien le dire, je pensais la même chose à son sujet.

Elle m’a d’ailleurs plus d’une fois fait remarquer que je devais m’essayer au chant.
Mais je n’ai jamais pu m’y résoudre, lui affirmant que ce n’était pas dans mes cordes.
Et elle du donc renoncer à me faire chanter.
Et pourtant, Dieu sait qu’elle a souvent essayé.

Mais jugez par vous-mêmes tout le charme de ma gutturalité.

Merci voisine

D’abord, mécontent de mon fournisseur d’accès Internet, je lui balance une bafouille de résiliation au vitriol.
Je m’en vais poster la susdite, bien content de moi et avec ce petit air canaille que vous me connaissez et qui me voit remporter un succès fou auprès de la préposée.
Laquelle s’imagine déjà sur une île déserte dansant un tango torride avec votre prof de techno préféré.
Lequel après l’emballement premier et un regard furtif mais tardif reprend son air sérieux et austère car la gisquette s’est levée et même estampillé la poste, je me dois de refuser le colis.
Oui, avec Christophe, on appelle ça une femme-tronc.

C’est donc en ricanant, que je surfe allègrement les jours suivants, bien content d’avoir humilié le grand capital, quand soudain un éclair traverse mon cerveau et mon visage s’assombrit :
Putain ! Faut que je prenne un autre fournisseur d’accès !!!
Pas con.

Donc je contacte mon fils pour avis.
Lorsqu’il est avec moi, ce dernier passe son temps avec son téléphone portable à papoter.
Mais lorsque je l’appelle, il ne répond jamais.
Ou trois jours après.
Et ça ne m’irrite jamais.

Quoique j’ai trouvé un truc pour le contraindre à répondre.
C’est de laisser un message dans lequel je lui dis que je vais être hospitalisé le soir même.
Avec cette astuce toute simple, j’ai réussi à réduire son délai de réaction à un jour.
Comme quoi.
Ou que j’ai 10 000 € à la banque dont je ne sais pas quoi foutre.
Là, une heure après il rappelle.
Mais là, c’est moi qui répond plus, pour le faire un peu chier.

Donc du coup, on a assez peu de relations.

Je décide donc unilatéralement de choisir Free.
Et comme ils sont sympas, ils proposent très gentiment de résilier, à ma place, mon abonnement France-telecom.
Ce qui est fait deux jours après.
Je pensais bêtement que la ligne Free lui succéderait immédiatement.
Ben non.
Comptez quelques jours (combien j’en sais rien)

Donc plus Internet et le petit plus : plus de téléphone.
Autant dire seul au monde.

Mais j’optimise.

Mais c’est comment la vie sans téléphone ? Et sans Internet ?

Ben du coup, plus d’appels de nanas, donc je dispose d’un temps libre considérable sans compter les économies de resto.
— Hé Charly !!!! Les portables ça existe !!
Ouais ben justement, j’en ai pas, donc je suis peinard.
Mais les voisines ça existe aussi.
Et la mienne a une connexion internet.
Héhé.

Elle est bien sympa.
Et mignonne.
Vous pensez bien que ça fait longtemps que je l’ai repéré celle-là.
Héhé.

Mais bon, j’ai un problème avec les voisines.
Ouais, la dernière fois que je suis sorti avec une voisine, elle a déménagé.
Pourquoi ?
Parce qu’elle ne supportait pas de voir monter d’autres nanas.
Ben c’est vrai.

Et je peux me vanter d’avoir fait déménager deux nanas dans le quartier.
Donc pour la voisine actuelle, j’hésite.
Pourquoi ?
Parce que ça me ferait chier qu’elle parte.
Pourquoi ?
Parce que contrairement aux autres, elle sort les poubelles régulièrement.

Ça me rappelle une secrétaire que j’avais quand je bossais dans le privé, avec qui j’ai eu une liaison.
Lorsque cette liaison s’est terminée, elle qui était censée filtrer les appels à mon intention, ne me passait plus aucun appel de nanas.
Jalouse qu’elle était.
Et mes courriers mettaient un temps fou à être saisis.
Toutes les crasses qu’elle pouvait me faire, je les ai eu.
C’était de bonne guerre, et je sais que ça, ça vous réjouit mesdames.

Mais bon, toutes ses vacheries, ça me faisait surtout marrer.
Et ça, elle ne le supportait pas.
J’ai le chic pour excéder les nanas.

Le soir, alors qu’elle avait l’habitude de rester, et pour cause, elle mettait un point d’honneur à respecter l’heure de départ.
Donc mes courriers et mes rapports prenaient du retard, alors dès son départ j’allumais son pc et je les frappais.
C’est comme ça que j’ai appris Word.
Donc je lui dis merci.

Et ben vous me croirez pas, mais elle a démissionné.
Elle ne me supportait plus.
Allez savoir pourquoi.

De là à conclure que j’ai tendance à faire fuir les nanas.

Ah oui, tout ça pour vous dire, je passe chez Free et ça va prendre un peu de temps.
Donc j’écris de chez la voisine.

Et je suis sage comme une image ;-)

Que voulais-je faire grand quand j’étais petit ?

Ben moi je voulais être Zorro.

Et d’ailleurs papa et maman m’ont encouragé dans ma vocation.
Puisqu’ils m’ont acheté une panoplie.

Elle était juste un peu trop grande.
Le masque couvrait mon front et mon nez et les yeux étaient pas bien en face.
Alors pendant les combats acharnés que je menais, je devais tout le temps le régler.
Mais malgré ça, je perdais jamais.

L’épée, elle traînait un peu parterre.
Et des fois, elle se mélangeait à mes jambes et je mordais la poussière.
Du salon.

Quand je menaçais les grands, ils avaient bien peur.
Mais moi quand j’ai peur, ça me fait pas rire.
Ben eux si.

Pis j’ai sauvé plein des gens.
Avec mon Bernardo.
Et mon Bernardo à moi, y parlait.
Mais rien qu’à moi.

Je sauvais surtout les filles.
Parce que c’est gentil les filles.

Pis je m’ai fait d’Artagnan.
Et je suis tombé amoureux de Constance de Bonacieu.
Et je peux vous dire, c’est pas facile d’aimer la fille d’un livre.
Alors pour oublier, j’ai passé deux ans de vacances avec Briant et Doniphan.

La suite ?
Ben j’ai cherché Constance.
Et je passe mes journées avec Briant et Doniphan.

PS : Boudlard, ça te va ça ?

Je me suis fait Chevalier

Dennis, il n’est pas d’ici.
C’est un extra terrestre.
Comme moi.

Il a quatorze ans, en 4e.
Il est tout petit, une tête de clown, ses résultats scolaires sont à sa hauteur.
Pourtant il se donne, mais il est au taquet.
Ses yeux bougent tout le temps, difficile de capter son regard.
Comme moi.

Lorsque je traverse la cour, il fonce vers moi :
— M’sieur, vous avez corrigé les contrôles ?
— C’est en cours…
— J’ai la moyenne m’sieur ? Dites, j’ai au moins quinze ?
— J’te dirai ça…
— Parce que j’avais bien révisé.
Et ça j’en doute pas.

Mais je l’ai corrigé sa copie et je sais bien qu’il a pas quinze mon Dennis.
Mais j’lui dis pas.
Ça m"emmerde de mettre des mauvaises notes à des gamins pareils.
C’est idiot mais c’est comme ça.
Moi, j’aimerai juste noter la gentillesse.

Dennis a les cheveux tout frisou et courts.
— Pourquoi t’as les oreilles toutes rouges Dennis ?
— Ben c’est Driss qui me donne des claques tout le temps.
Ça me fait sourire mais je me reprends :
— C’est pas bien ça, j’vais lui parler à Driss.
— Mais c’est pas grave m’sieur.

Parce que c’est le souffre douleur et ses grandes oreilles sont une cible tentante.
Sa petite taille aussi.
Alors je me ferai Chevalier, et je serai son garde du corps pendant la séance.
À mon Dennis.
Pourtant lui ne se plaint pas, et si je punis Driss, il prendra sa défense.

— T’as passé un bon week-end Dennis ?
Il est surpris et gêné.
— Ben… je sais pas… oui, j’crois, j’ai mangé chez mon tonton.
— Et c’était bon ?
— Ben oui alors…
— Et moi, tu m’demandes pas si j’ai passé un bon week-end ?
Il hésite, puis ça le fait marrer, et il se lance :
— Ben si, et vous m’sieur ?
— Super. Mais je suis content de vous revoir…
— Bah… c’est vrai ?
— Tu m’crois pas ?
— Ben j’sais pas…
Ben c’est vrai.

Et Thomas, si chétif, que ses parents lui ont payé un cartable à roulettes.
Ils sont deux sur tout l’établissement à traîner leur valise derrière eux.
Mais ici comme dehors il ne fait pas bon innover.
Qu’est-ce qu’y s’prennent tous les deux.
Et toujours à se faire piquer leurs affaires ces deux la.
Et puis dans les bousculades, c’est terrible pour eux, surtout avec ces cons de 3e qui déboulent.
Alors je me ferai Chevalier, et je serai leur garde du corps dans le couloir.
Mais j’peux pas être partout.

J’sais pas ce que ça va donner comme adultes des gamins comme ça.
Si gentils, si fragiles, si facilement manipulables.
Gare aux prédateurs.

Parce que je ne serai pas toujours là.
Et ça, ça m’emmerde.

Un concours épique

Christophe est un grand timide.

Cette caractéristique lui a valu bien des déboires dont certains plutôt inattendus.
Cette anecdote qu’il m’a racontée, m’a vu m’écrouler de rire sur la pelouse devant ma salle, où il n’a pas tardé à me rejoindre, pour lacérer de nos spasmes rigolards et imbéciles la terre sous-jacente.

Christophe a passé le concours à Paris il y a quelques années déjà.
Il ne lui restait qu’un oral d’une heure environ.
Mais timide comme il est, il avait prévu d’absorber juste avant l’épreuve, quelques comprimés d’un vasodilatateur afin de calmer son appréhension.
Au moment de la prise, et certainement sous le coup de l’émotion, pensant trouver un mental de winner, il ingère aussi un comprimé de Viagra à effet immédiat.
Et l’oral commence.

Inutile de préciser que son profil fut quelque peu altéré par la prise, et qu’étant au mois de mai, son joli pantalon en toile kaki prit des allures de trimaran.
Le jury ne manqua pas de constater le délit mais continua néanmoins son questionnement.
Tout l’enjeu pour Christophe fut de se retourner à chaque fois vers le tableau le plus rapidement possible afin d’éviter d’exposer son profil et ce, sans heurter le rétroprojecteur.
Mais la proéminence était telle que de face même, la tension exercée par le mât, lui donnait des airs de chapiteau.

L’autre défi fut de maintenir une main dans la poche, vieille astuce née avec le pantalon, mais régler un rétroprojecteur de la sorte, bien que ce soit tout à fait possible, vous fait rapidement passer pour un pas dégourdi du tout, et même éveille les soupçons.
Et plusieurs fois, lors de ses retournements intempestifs, il heurta malencontreusement le rétroprojecteur.

Le jury échangeait à voix basse, bien conscient de l’affront, se demandant ce qui pouvait le mettre dans cet état, et que décidément cette administration était bien attractive, et sa motivation indubitable.
Christophe raconte qu’il contenait aussi un fou rire et qu’il arborait, et ceci fait sens, un discret sourire.
Le jury aussi car personne n’était dupe.

Un peu comme lorsque l’on se retrouve à quatre dans une voiture, et que l’on est soudainement envahi par une odeur immonde, qui fait tousser l’un, siffloter l’autre, et tourner la tête au troisième.
Comme si il ne se passait rien.
Jusqu’à ce que le quatrième, excédé et n’en pouvant plus s’exclame :
— Putain ! C’est qui le porc qu’a fait ça !
En général, s’ensuit un débat où la mauvaise foi pitoyable de chacun s’affiche sans vergogne et où le présumé, avouant son menu de la veille, révèle d’un coup son forfait.
Il subira bien sûr les derniers outrages et quelques jets d’insultes et se verra banni vers la fenêtre ouverte, par moins dix degrés, température à laquelle les gaz se densifient et les muscles se rétractent, améliorant l’étanchéité.

Ce qui est sûr, c’est qu’étant absorbé par son appendice Christophe oublia sa timidité et tout se passa bien.
Son hommage appuyé au menhir d’Obélix n’eut pas de conséquence.
Donc avant un challenge quelconque, vous savez ce qu’il vous reste à faire.

Après avoir bien ri, nous sommes restés dans l’herbe, avec mon pote Christophe, qui me dit que bien sûr, c’était une connerie.
Il faisait beau, on a causé du nouveau programme de 6e.

Y’a des fois, la vie est belle quand même, non ?

Mon odyssée

Tandis que j’explorai des contrées inconnues, aux commandes de mon vaisseau spatial, et aux confins de ma connerie, je reçu un appel de la base.
— Charly, ne vous éloignez pas trop, au delà, nous ne pourrions plus assurer votre sécurité.
— M’en fous. Envoyez moi des films pornos sur le canal urgence, j’ai la libido dans les chaussettes.
Et pendant qu’je vous tiens, lâchez moi !
— Charly, votre connerie est bien trop vaste, vous courez un réel danger. Mais c’est ok pour les films Charly.

J’étais un aventurier de l’espace con.
Satellisé dès ma naissance, je déviai de ma trajectoire et m’enfonçai dans les abysses tourmentés de mon delirium, ou j’interceptai parfois des messages abscons.
La galaxie du connard est vaste et craignant de manquer de carburant, je déployai mes capteurs solaires, assurant ainsi mon autonomie.

— Charly, on va vous perdre… Charly… répondez… ici la base… s’il vous plaît…

Tandis que j’approchai dangereusement du soleil, surgit brusquement sur ma droite une météorite.
Les radars embarqués n’avaient pas mentionné sa présence.
Elle percuta violemment la soute avant et je fis une embardée.
J’interrogeai le module de commande mais sous l’effet de la déflagration, un court circuit général paralysa les centres de décision, l’empêchant de répondre à mes injonctions.

Le vaisseau amorça une chute, comme happé par le météore.
Je fis une ultime tentative afin d’éviter le pire et je vis ma fin venir.
Je déclenchai le mode survie et passai sur déconnage automatique.
Le vaisseau stoppa net à une encablure de la météorite.
Je compris soudain le danger d’approcher des limites de ma connerie.

Le silence se fit.
Je revis son visage.
Je sollicitai une dernière fois HAL, l’ordinateur central, mais ses circuits amorphes agonisaient dans leurs courants résiduels.

Je décidai d’évacuer le vaisseau et me dirigeai vers l’arrière.
Du sas, à travers le hublot, l’insondable m’apparut, et j’ajustai mon scaphandre.
Devant moi, l’intersidéralité de ma connerie étincelait sa splendeur, je me vis flancher.
Je pensai une dernière fois à elle, et m’apprêtai à l’éjection quand…

— Alors docteur ?
— Non madame, votre fils Charly n’est pas sourd
Il est juste dans la lune.

Claire

Il est des rencontres sympas dans la vie.
Et certains élèves font partie de ces rencontres.

Claire était une élève de 6e, 11 ans, une jolie petite fille, très discrète, peu loquace, mais brillante et travailleuse.
Des grands yeux, et un sourire angélique qu »elle affichait volontiers mais toujours en silence.

Lors du premier cours de l’année, je remarquai qu’elle ne me quittait pas des yeux.
Et comme à mon habitude, je glissai dans mes explications quelques zestes d’humour, d’ironie, qui ne manquent pas de surprendre les élèves mais qui les rassurent, inquiets qu’ils sont de mon aspect sérieux et austère.
A chaque trait d’humour, je remarquai que Claire me fixait et commentait en silence la qualité de mes vannes.
Tout simplement en faisant un signe négatif de la tête quand elle estimait que ce n’était pas vraiment drôle, ou faisant la moue, m’indiquant clairement que je faisais dans le mauvais goût. Et approuvant franchement en secouant la tête quand j’excellais.
Chacun de ces commentaires était suivi par un sourire comme pour bien me faire comprendre qu’elle aussi pratiquait l’ironie.
Comme si Claire avait tout de suite compris que je n’étais pas très sérieux en fait.
D’ailleurs, quand il m’arrivait de m’emporter, après avoir répété 99999999999 fois la même chose, et que tous se remettaient au boulot, pour bien me faire comprendre que là, ça y était, c’était pigé, et bien elle non.
Elle me regardait en souriant, comme si elle me disait, c’est pas vous ça, faites pas semblant d’être sévère, moi je sais qui vous êtes.
Je dois dire que certaines fois elle m’a déstabilisé et je lui ai fait la remarque :
— Y’a un problème Claire ?
— Non m’sieur, tout va très bien.
On était de la même planète je crois.
C’était mon ange gardien.

Ce fut comme ça toute l’année et à chaque blagounette je la regardais et je pouvais ainsi parfaitement évaluer la qualité de ma prestation.
Nous étions seuls au courant de ces échanges.
Nous n’avons jamais parlé de ça avec Claire, c’était un truc entre nous, c’est tout.
J’attendais toujours son commentaire mais quand elle souriait franchement, je souriais aussi, content que ça lui convienne.

Elle n’a pas assisté au dernier cours de l’année.
Pendant la récréation j’avais laissé la porte ouverte, pour faire courant d’air, et je m’apprêtais à aller fumer.
J’ai entendu courir dans le couloir.
C’était Claire.
Elle était essoufflée, s’est placée dans l’encadrement de la porte, les bras appuyés sur les montants, respirant fort, sa jupette, ses tongs.
Et puis son pied droit est venu frotter furieusement son mollet gauche, comme un signe de la touchante féminité de son âge.
— J’ai pas pu venir, j’ai chorale, voilà, je voulais vous dire au revoir.
Je lui ai souhaité de passer de bonnes vacances, l’ai félicité pour son année réussie.
Elle n’a rien dit, encore essoufflée, mais elle ne partait pas, semblant attendre quelque chose.
Ne sachant plus quoi lui dire, j’ai souri gentiment, lui ai dit au revoir, et j’ai rejoint la porte du fond pour aller fumer.
— J’aimerai vous faire un bisou.
Je me suis retourné, elle était sérieuse d’un coup, triste même.
— Bien sûr Claire, avec plaisir.
Le temps de la rejoindre jusqu’à l’encadrement de la porte, je compris son coup de cœur pour son prof de techno.
J’en fus un peu ému, mais ne le montrai pas.
Je me suis baissé et elle s’est jetée à mon cou, j’en étais très gêné, et elle m’a fait un bisou force 9.
Elle a relâché aussi vite son étreinte, j’ai de nouveau souri gentiment.
— Je penserai à vous.
— Au revoir Claire.
Et elle est partie.
En courant.

Je suis allé fumer ma cigarette, en pensant à mon ange gardien, me disant que j’avais de la chance d’avoir fait une si belle rencontre.