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PSR

Un bon enseignant se doit d’illustrer ses cours par des PSR :
les Pratiques Sociales de Référence.
En clair, des exemples concrets, empruntés à la vraie vie.
Celle de dehors, qu’elle est dure parfois.
Exemple : Le départ de Johnny Hallyday pour la Suisse permet d’aborder un problème récurrent de notre pays : la fuite des cerveaux.
Ou celui, moins connu, de l’émigration choisie, que l’on pourra opposer à l’émigration subie.

Étant consciencieux, j’applique strictement cette directive.
Ainsi, je n’exclue jamais un élève de mon cours : je le licencie.
Ça, c’est de la PSR.
Pour les évaluations, les notes, je pense PSR.
Le travail n’est plus évalué par une note sur 20 mais par un salaire, fictif bien sur.
Le principe : je multiplie la note par 100€.
Un élève ayant 10/20 se verra attribué un salaire de 1000€.
Le SMIC quoi.
Pour les notes inférieures ou égales à 4/20, un revenu minimum est octroyé : 400€.
Le RMI quoi.
Et bien sur le maximum, 2000€, aux 20/20.
C’est pas d’la PSR ça ? Ça les prépare pas à la vraie vie ça ?
Et j’vous assure qu’avec ce système, les glandeurs commencent à rire jaune.

Le problème, c’est que dans la vraie vie, un patron peut gagner 300 fois le SMIC.
Ce qui correspond à une note de 3000/20.
Et ça, c’est pas possible. Faut qu’je revois mon truc.
Putain ces PSR, c’est pas évident.
En plus, j’sais même pas si c’est 300 SMIC brut ou net.

En fait, j’suis souvent emmerdé avec les PSR.
J’essaie de piocher dans l’actualité.
Tenez, récemment, un type connu ayant tenu des propos racistes, s’est retrouvé avec tous les medias au cul.
Quel foin !
Et dans le même temps, 200 personnes sont virées, juste pour que les actionnaires s’en mettent un peu plus dans les poches.
Et la, calme plat.
Conclusion : tu peux enculer qui tu veux, tant qu’tu veux, mais à une condition :
rester poli. Très important ça.
Et ça, c’est une PSR.
Ben oui. Mais comment la mettre en œuvre dans un cours ?
Si vous avez des idées.
A moins que le principe des PSR, si important pour nos collèges, ait des limites.
Oui, c’est ça. Le concept doit être retravaillé.
Je propose PSRA : les Pratiques Sociales de Référence Avouables.
Au moins, celles la sont compatibles avec les valeurs de la république.
Voilà.
Allez, encore une papillote et hop, j’finis ma pizza.

Ce serait pour un rendez-vous

Le vrai bonheur de l’enseignant, c’est le pouvoir.
Le pouvoir absolu.
Une des expressions de ce pouvoir, c’est de mettre des punitions.
Et ça j’adore.
Parce que je sais qu’ils détestent ça.
En plus, on a toujours raison.
Ça change de la maison.
Ça m’amuse bien aussi.
En fait, j’punis peu mais je menace souvent de le faire.
Je déploie tout l’arsenal préventif : la menace, l’intimidation, la dissuasion, le chantage.
Ça marche bien.
— Continue comme ça, tu vas en prendre une.
Punition, bien sur.
— Si tu fais ta racaille, j’vais faire mon Sarkozy !
Excellent. En plein dans l’actu.

Certains collègues gèrent les punitions.
En consignant chaque manquement à la règle.
Chaque oubli de matériel, une croix.
Au bout de trois croix, une heure de retenue.
Bing.
Moi je ne gère pas comme ça, c’est direct punition.
Des conjugaisons en général.
Très chargées pédagogiquement.
Exemple : J’amène mes affaires de technologie.
À conjuguer au futur. Les autres temps on s’en fout, c’est trop tard.
Mais j’assure pas vraiment le suivi.
Ou je pratique le négoce.
— J’te punis, mais si tu travailles, je retire la punition.
Ça, ça marche très bien.
On ne vantera jamais assez la magie du chantage…

Mais certains élèves sont insensibles aux punitions.
Comme immunisés.
On sait bien que l’habitude, ça désensibilise.

— Jessy, tu n’y coupes pas, tu feras une heure de retenue !
— Mais m’sieur, c’est pas moi qu’ai dit ça !
— Amène ton cahier de texte et ton carnet de liaison.
— Mais m’sieur, c’est toujours moi, y’en a marre à la fin !
— Allez, dépêche toi et si t’es pas content, tu prends un avocat et tu portes plainte.
— J’amène mon agenda aussi ?
— Oui, si tu veux.
— Parce qu’en fait… Heu… J’suis déjà collé.
— C’est pas grave, on va trouver une date.
— Ben attendez, j’regarde.
Et là, feuilletant son agenda.
— Voyons voir… ben là… ça va pas être trop possible…
— Comment ça ?
Il continue de parcourir son agenda.
— Là non plus…
— Dis, tu veux bien t’depêcher ?
— Je regarde…
Et enfin, posant son doigt sur une page.
— Ah oui, là. J’ai un mercredi de libre.
— Bon, donne moi la date.
— Ben, le 13 mai.
— Le 13 mai ? Mais c’est dans trois mois !
— Je sais, mais j’ai rien avant.
— Bon, va pour le 13 mai.
— Bien, nous disons donc, le 13 mai. À c’moment là, c’que j’vais faire… j’vais prendre vos coordonnées. Vous êtes monsieur ?

Réunion mamans-profs (1)

Normalement, c’est parents-profs.
Mais parents, c’est vite dit.
On voit très rarement les pères.
Il semblerait que les hommes soient au boulot.
Enfin, céskysdi.
Pourtant les horaires sont aménagés, les réunions ont lieu de 17 heures à 19 heures.
La dernière fois, j’ai reçu des parents jusqu’à 21 heures.
Donc les mecs au boulot, c’est du pipeau.
D’la flûte.
Du coup ces rencontres, c’est plutôt mamans-profs
Et ça j’adore.
Gros gros succès.
Dommage, sans ce fichu devoir de réserve…
Surtout que contrairement à ce que l’on pense, les profs sont très largement respectés.
D’où un apriori très favorable.
Et les mamans ont toujours une certaine gêne, voire une légère timidité.
Ça minauderait presque.
Coquines va.
En tout cas, beaucoup de gentillesse.
De déférence.
Le prof c’est le prof, quoi.
On a beau dire.
Ça représente toujours quelque chose.
Mais me demandez pas quoi.
Mais ça l’fait.
Si en plus, leur rejeton est un cancre avéré, la déférence vire rapidement à la soumission totale.
Et la, c’est le chapelet d’excuses, la contrition, le mea-culpa.
— Pourtant avec son papa, on a tout essayé.
J’en suis pas sur.
Mais l’aveu est sans appel.
C’est émouvant.
J’abonde.
J’confesse.
J’absous.
— Et puis, j’vous cache pas qu’on est en train de se séparer…
— De votre fils ?
— Non non.
Et oui, la p’tite pointe d’humour délicat, c’est tout moi ça.
Le p’tit truc qui détend, qui relativise.
— Qu’est-ce qu’on peut faire ?
— La solution pour lui, ce serait l’apprentissage.
— Lui voudrait bien, nous aussi.
— Et moi donc. Seulement voilà, le collège unique, c’est 16 ans.
C’est vrai, autant qu’il aille faire chier un patron.
— En tout cas, ça m’a fait du bien de discuter avec vous.
J’comprends que les élèves vous adorent…
— Vous savez, j’peux être sévère aussi…
— Oui mais quand même, vous êtes vraiment quelqu’un de très sympathique, merci.
— Vous voulez qu’on aille prendre un verre ?
— Oh vous alors…
— J’plaisante…
— En tout cas, j’disais pas ça pour vous faire plaisir.
Ah bon ? Et pourquoi alors ?
Bon, là, j’fabule un poil.

Quelqu’un de sympathique
C’est marrant ça.
Mon ex, elle m’dit jamais ça.