Oui, ma vie est un manège…

Aaaaah !!! Que c’est dur d’être beau.
Franchement, y’a des jours, j’me demande si j’vais pas me crever un œil.
Pour être tranquille.

Hier matin, alors que j’expliquais aux 3e1 les circuits de la grande distribution, faisant part de quelques remarques concernant l’agencement des gondoles, des filles m’ont dit qu’elles n’imaginaient un prof d’une telle élégance poussant un caddie au rayon légumes d’un supermarché.
C’est vrai, je ne m’en cache pas, je ne suis pas très crédible avec un caddie.
Et pourtant, si elles savaient…

Je suis d’accord avec les 3e 1, le caddie ne me sied pas. J’ai essayé pendant des années d’en convaincre mes compagnes, sans succès.
Alors je pousse, comme tout le monde.

Et comme tout le monde, j’attends patiemment une demi-heure en caisse, que les trente retraités devant déposent bien comme il faut et un à un leur vingt mille produits sur le tapis, pasque deux par deux ça irait trop vite, faut pas brusquer pépé, en te faisant un gentil sourire, que tu leur rends bien volontiers, parce que tu es un type charmant, tandis que tu penses avec nostalgie et un brin d’émotion à ces vieux indiens d’Amérique, fiers apaches, humbles sioux, qui savaient le moment venu quitter les leurs pour aller mourir seuls dans la montagne, soulageant ainsi la communauté, quel cran, tandis que les nôtres, nos vieux, toujours souriants, qui n’ont rien d’autre à foutre de la semaine, viennent te faire chier, toi, un samedi, dans TON supermarché, papotant tranquillement avec la caissière, et que pour finir de t’exaspérer, les salauds, ils paient par chèque.

Aaaaaah !!! Que c’est dur d’avoir de la classe.
Toujours donner l’image d’un homme sérieux et austère, alors que la nuit vous menez une vie de patachon, c’est épuisant.
Dimanche soir par exemple, je suis allé chez Monica pour l’informer gentiment que je ne souhaitais pas prolonger notre idylle, qu’après un week-end de vie commune, je commençais à ressentir l’usure, et que c’était bien dommage, mais que bon, ça arrivait à beaucoup de couples, que c’était la vie quoi. Mais Monica n’a pas eu l’air d’accord, elle s’est précipitée vers la porte, l’a verrouillée, disant qu’on allait voir ce qu’on allait voir, que l’usure c’était rien à coté du rabotage que j’allais subir, et pour être franc, elle m’a vachement déçu sur ce coup-là. Et il faut bien le dire, je ne dois mon salut qu’à la fenêtre ouverte de la cuisine que j’ai promptement enjambée, tandis qu’elle me jetait à la figure l’intégralité de l’Encyclopædia Universalis, pas la version DVD, la version papier en vingt-huit volumes, car Monica est une femme de culture, et je ne dois ma survie qu’à une opportune gouttière que j’ai descendue à la vitesse du son, me retrouvant ainsi devant ma voiture que je n’ai pu prendre car le volume cinq venait de s’écraser sur le pare-brise, 2,5 kg par volume quand même, et que j’ai dû m’enfuir en courant, tandis qu’elle criait « pauvre con !! » dans l’escalier, faisant fi de ma réputation, inconsciente qu’elle est, et si y’avait des parents d’élèves dans le coin ?

C’est donc tout essoufflé et accroupi derrière un bosquet que j’ai aperçu Monica commettre l’irréparable.

C’est vrai que je n’en ai jamais parlé ici, mais en amour, mon point faible, c’est les essuie-glaces.
Et là, mon point faible arrière était en train de se faire plier en quatre, et les deux de devant, en huit.
On a beau être habitué, ça fait toujours un p’tit quelque chose au cœur, les voir ainsi proprement maltraiter, à la limite du supportable, et des tout neufs en plus.
Car si certains dépensent des fortunes en restaurant, moi, putain, c’que je passe comme fric dans ces conneries, sans compter que ça fait déjà dix ans que je n’écoute plus la radio en voiture pour cause d’antennes ratatinées par ces ingrates. Elles me coupent du monde quoi. Franchement, c’est petit.

Je suis rentré à pied, plus de bus à cette heure, tu parles d’une vie de bohème. Je ne vais pas pouvoir vivre longtemps à ce rythme, un jour on me retrouvera dans un caniveau, étranglé avec un Wonderbra, et tout le monde sera surpris, mais pas moi.
Alors le lendemain à la première heure, Christophe m’a accompagné pour récupérer ma voiture. On s’est pas éternisés, on n’est pas des téméraires non plus, mais j’ai quand même actionné les essuie-glaces pour le faire rigoler, et du coup, j’ai bien rigolé aussi.

C’est donc tout fier que ce matin, devant mes 6e4, je brandissais mon essuie-glace arrière tandis que je leur exposais quelques notions sur la résistance des matériaux, et plus précisément sur la variation de la résistance des métaux selon l’alliage et la force appliquée, et ils ont très bien pigé. Bien sûr, ils s’inquiétèrent de l’impressionnante torsion mais je fis une rapide digression sur les microclimats du sud de la ville en évoquant l’ouragan Monica et bien qu’incrédules, ils n’insistèrent pas.
Et puis franchement, si j’avais raconté la vérité, ils ne m’auraient pas cru, car un élève ne peut pas imaginer que son prof de techno puisse vivre comme un patachon, un boit-sans-soif, un baltringue, un va-nu-pieds, et qu’en plus, il danse le disco comme un dieu.

Difficile d’imaginer qu’un prof puisse vivre quoi.
Et pourtant, s’ils savaient…

Je ne sais pas si la vie est un manège, mais alors, qu’est-ce que j’gagne comme ponpons.

24 réflexions sur "Oui, ma vie est un manège…"

  1. C’est la vie, il faut le prendre avec philosophie… et du désastre Monica est né un cours entier, comme quoi les bons profs ont la pédagogie dans le sang !

  2. Des vieux souriants à la caisse, ça existe? Ah oui, et où ça? T’ es d’ où? T’ habites à côté de la fabrique Pepsodent? Ou alors les vieux que tu croises viennent juste de recoller leur dentier comme la faisait la sculpturale et pimpante mamie Sardou.
    Y avait qu’ elle pour avoir la vieillesse fraîche et pimpante comme l’ haleine (et comme la laine vierge aussi).
    Bienvenue au club de la ménagère de moins de 50 ans qui fait ses courses le samedi.

    Finalement tu n’ es qu’ un homme. Tu t’ attaches aux bien matériels automobiles. Il ne faut pas égratigner ta voiture. Vous zêtes bien tous les mêmes.
    Tu peux rouler sans essuie-glaces, t’ inquiète surtout pas. Un essuie-glace ne sert plus à essuyer la glace, d’ abord pasqu’ il ne pleut plus ou presque jamais et que maintenant ça sert à accrocher les papiers pub du Dr Mamadou que pour 500eu il te fait revenir ta Monica en 48H, que le bal des pompiers t’ invite à y participer avec ou sans Monica, que le prochain loto te promet le meilleur jambon comme celui de Monica… Etc

    T’ as quand-même bien raison de laisser tes élèves en dehors des questions de conjugalité du présent comme au futur comme à l’ imparfait, la vie se chargera de leur présenter tous les temps qui existent, de la pluie comme du beau temps. De la pluie? Vite, cours acheter deux essuie-glaces!!!

    Bisous, t’ es gé-nial.

  3. identité

    en lisant l’histoire de Bourzig,je me suis dit: »on dirait Claude Courchay »Vous connaissez?Même style,même verve!!!!à + Jine

  4. Les profs n’ont pas de vie privée

    En boîte de nuit :

    — Ah, M’âme Machin, qu’est ce que vous faites là ???
    — Ben, j’danse pasque sinon, je serai allée au restaurant ou au cinéma…

    Le lundi dans le couloir du lycée :

    — Eh eh, vous savez pas quoi ??? M’âme Machin, elle était au « Blue dancing » l’autre soir.

    Résultat de l’annonce : chutes de mentons, déroulements de langue et fuite de filets de bave, regards amusés en cours et la question qui tue :

    — Vous avez quel âge, M’âme Machin ???? Vous êtes pas mariée ?????? Et vous avez pas d’enfant ??????????

    Genre : les femmes modernes, on en voit que dans les films, pas derrière le bureau du prof !!!

  5. Quel zèle!

    Alors les 3°1 et leur prof préféré poussent la passion des cours à vouloir travailler le 1er novembre? Chapeau!

  6. Oh mais !?…

    « …fenêtre ouverte,…gouttière,…vitesse du son… »
    Bon sens mais c’est bien sûr!…Charly, c’est L’Araignée!

  7. pépé

    Et quand voulez-vous que nos pépé-qui-cotise puissent croiser le prof élégant pour qu’il se rende compte qu’il l’est (élégant), si ce n’est le samedi ? (ou en semaine vers 12 h 15). Il faut bien un faire valoir. En attendant d’être soi-même le pépé-qui-cotise (qui utilisera une carte de crédit).

  8. Monica… Monica… Han Monica ?! Mais t’es un ouf de neptune toi Charly ! Avec un prénom pareil, ma gonzesse est une catastrophe nucléaire dès ses premières couches ! Y’en a qui ont failli perdre leur job à sortir avec des Monica… Sisi… Un certain Bill d’ailleurs, qu’aimait beaucoup l’cigare, qui a plutôt la classe et que je ne vois pas derrière un caddie… Hannnnnnnn mais c’était donc ça ?! Charly le prof en super héros qu’en fait t’as été président des states avant…. Si avoue c’est obligé, un prof ne peut pas avoir de vie privée ? Ou alors c’est une couverture son métier… Avoue…

  9. y a une solution

    …si tu veux pas mourir etouffé par un wonder bra, choisis des filles à forte poitrine qui n’a pas besoin de ça…c’était le conseil de princesse en pleine forme!

  10. J’adore !

    J’ai decouvert ce blog par hasard… Ma niece racontant son VIE me pousse a voir le blog d’une prof de Teuton (mais sympa) et la ! Surprise, le blog d’un collegue !!
    Du coup, je lis, relis et je me bidonne…
    Bon c’est pas tout, il fait encore jour, il fait encore beau (24° cet aprem’), je vais lancer un barbecue sur le theme « Les materieux qui brulent »..

    C’est a peu pres pareil la vie d’un prof de techno, resident au Maroc (d’ou le beau temps ptet ;) )
    A pluche, et que la Force soit avec toi

  11. oui , ma vie c’est un manège

    Tu es pitoyablement drôle … Mais , franchement ça vaut le détour !!! Merci , ça fait du bien !!!

  12. Monica…

    Elle aurait visé juste à l’aide du répertoire de la phylogénie du vivant, c’était pas le pare-brise qui y passait… Mais au moins la moitié de la carosserie…
    Et puis un prof qui vit, c’est comme un prof qui pète, on en rêve, on en parle, mais on ne voit jamais cela… Dommage.

  13. Je t’écris déjà je vais pas me faire chier à trouver un titre

    Bien le bonjour Mr LeProf,

    Pour commencer –et parce que cela me paraît la moindre des choses— je vous avertis (et n’y voyez là aucune agression quelconque de ma part, non juste la preuve de mon absolu honnêteté envers vous) que j’ai toujours détesté cette matière des plus atroces et inutile que vous vous plaisez gaiement (ou pas) à enseigner, j’ai nommé la Technologie (sans faute d’orthographe j’espère, je ne voudrais pas faire mauvaise impression si tôt). Mais au lieu de rechercher les causes profonde de l’antipathiques que je nourris pour cette matière et qui me forcerait certainement à repenser à cette affreuse professeur que j’ai dû me coltiner tous le collège (oui monsieur, c’est comme ça chez les bouseux) je préfère vous dire que votre choix d’enseignements n’altère en rien les sentiments que je qualifierais de sympathique que j’ai pour vous et que peut être (je dis bien peut être) si vous aviez été à la place de cette ledit prof, je n’aurais pas été à ce point traumatisé par un fer à soudure, mais je ne voudrais pas non plus flatter votre ego qui à l’heure actuelle me paraît déjà fort bien surdimensionné, bien que vous aillez raison, il vaut mieux s’aimer que le contraire. Il faut dire aussi que je n’ai jamais été une personne de très manuelle, préférant (et de loin) des matières plus élégante telle que le français que de façonner de mes mains (délicate) un porte-nom où une horloge qui ne me servira strictement à rien et qui –pour l’anecdote— doit aujourd’hui se trouver dans une quelconque décharge ou déjà compacté pour les besoins du recyclage, base de notre société de déchet actuelle.
    J’ai eu aussi le plaisir de lire par ci par là, intelligemment semé par vos soins dans les textes que vous écrivez les péripéties de vos (si j’ai bien compris) maintes aventures et conquêtes féminine, et bien sachez Mr LeProf que les élèves ne déshumanise pas à ce point le corps professorale et se plaît souvent à lui inventer des vies de libertins débridés ce qui n’est généralement pas le cas de la plupart d’entre vous. Enfin bref nous nous égarons, car après tout je ne suis pas là pour parler de Christine que vous avez lâchement plaqué la veille (faut pas pousser mémé dans les orties non plus). Je me demandais –et c’est là mon plus strict droit quand bien même il ne vous plairait pas— quel âge vous aviez ? Je vous donnerais trente ans ou peut être un peu plus…ou peut être un peu moins, qui sait ? Et pensez bien que si je vous froisse par mes suppositions, cela n’est pas du tout voulue et que donc le cas échéant, vous ne m’en voudrez pas.
    Je crois que tout ce que j’avais à vous dire est dis, je vous laisse donc, à vos insupportables [et attendrissant mioche] pour aller lire la suite de ce qu’entre nous, nous qualifieront de journal intime pas si intime. Le comble étant qu’un de vos élèves vous reconnaisse à travers ces lignes, il est sur que cela donnerait l’occasion à de situation très cocasse. Sur ce,

    Bien à vous,

    Kami. ( Histoire que votre culture personnelle s’enrichisse un minimum à la lecture de ces quelques lignes, je vous informe que Kami en japonais signifie Dieu et que je porte ce nom on ne peut mieux).

  14. Haha, on change pas une équipe qui gagne

    Saurez-vous retrouvez la variante ? Ha je rigole mais vous ne devez certainement rien comprendre à ce que je raconte. Tant pis ! Cela est tout de même amusant, sisi, rions ensemble.
    Honnêtement -car vous le savez maintenant (et si je ne m’abuse) que j’aime être honnête— sans fautes d’haurtôgrafe le monde serait si fade.

    Baille baille

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