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Bardons d'une énième tranche de lard notre rôti de pédagogue

(Attention, ce texte est particulièrement long, et je m’en excuse cher lecteur, aussi pense à te restaurer très régulièrement pendant la lecture, et tant pis pour ton embonpoint, mais bon, en même temps, tu n’es plus à dix kilos près)

Je te propose aujourd’hui cher lecteur d’observer le contenu de nos classes, et de porter notre attention sur le glandeur, qui en est une des composantes essentielles (avec les néons bien sûr).

Préambule
Tous les types de glandeurs abordés ici sont des glandeurs de type laïc.
Avatar du pacte républicain, le glandeur laïc observe avec la plus stricte neutralité toutes les activités proposées, et comme il se doit, ne prendra en aucun cas parti pour l’une ou l’autre, respectant en cela l’impartialité exigée par son rang de glandeur. C’est tout à son honneur.
Fin du préambule

Le glandeur ne peut s’évaluer que par rapport à un étalon de référence : le bosseur. Dieu merci, nous disposons d’un certain nombre de ces spécimens dans nos classes. En 6e4, j’en ai quelques exemplaires, de vrais bosseurs, en général fils et filles de bonne famille (c’est pas un hasard, les pauvres c’est rien que de la feignasse), et bien que de temps en temps je les vois s’amuser peu, mais c’est vraiment rare, le travail est toujours fait et bien fait (vive les riches !!!).

Le glandeur peut se décliner au féminin (la glandeuse), rendons grâce à Sainte Parité, d’avoir semer dans son immense bonté et dans nos classes, un quota tout à fait honorable de glandeuses (perso je trouve même qu’elles glandent plus que les garçons, je n’en ai pas la preuve, mais j’en suis sûr).

Alors évidemment, lors de certains travaux en groupe, j’essaie de mélanger les bosseurs avec mon équipe de bras cassés (j’ai nommé : les mousquetaires !!!), en vertu de la Sainte Loi Républicaine qui veut que tout mauvais élève devient comme par enchantement meilleur au contact des bons. Alors que je dois te confier cher lecteur, que c’est à peu près tout l’inverse qui se produit, mais ça, tu serais gentil de ne pas trop l’ébruiter (sans vouloir être trop directif, mais bon, si tu pouvais te rendre utile, pour une fois).

Règles générales relatives au glandeur

Postulat de Charly n°1
« La glandouille ne vaut que si elle est partagée par tous ».
Car les trois mousquetaires, non contents d’en ramer un minimum, font preuve d’un prosélytisme déloyal, et affichent des signes clairement ostentatoires de glandage. Ils tenteront de convertir sans états d’âme les brebis égarées loin de l’échec scolaire, et ces dernières sont si fragiles, si influençables.
Car enfin, comment travailler sérieusement lorsqu’à coté de vous, Bourzig assène hilare, les dernières blagues de Toto de la semaine, vous pliant en deux de rire (et y’a de quoi, c’est vrai, je vous en raconterai une un d’ces jours), et qu’en plus, n’ayant jamais ses affaires, vous lui prêtez votre stylo, puis votre règle à Trapugne, puis votre gomme à Brizouille, et du coup, vous n’avez plus rien pour bosser, et vous vous retrouvez bien souvent à ne rien faire. Et c’est donc vous que le prof surprendra à bailler aux corneilles, et qui hésiterez à cafter la raison de cette situation, ce qui vous priverait d’une amitié naissante avec la crème de la crème, du contact chaleureux avec ceux qui seront plus tard vos subordonnés, et de l’actualité récente de Toto.

Postulat de Charly n°2
« Tout glandeur ne faisant rien au moins deux fois de suite, est considéré comme étant sujet à un TOC »
Voilà, il est important de poser d’entrée le diagnostic, la glandouille est une pathologie, et doit être traitée comme telle, alors ne ricanez pas bêtement quand vous parlez d’eux en salle des profs, car il s’agit là non pas d’élèves, mais de patients.

Postulat de Charly n°3
« Tout glandeur qui respire tout en maintenant les yeux ouverts est considéré comme surbooké ».
Tenez en compte au moment des activités, évitez de lui mettre la pression, on ne peut pas tout faire à la fois, hé ho, on n’est pas des bêtes non plus.

Postulat de Charly n°4
« Tout glandeur contraint à agir produit immanquablement un acte manqué ».
Évidemment.

Postulat de Charly n°5
« Un cossard extraverti peut ressembler à s’y méprendre à un bosseur inhibé ».
Ce qui peut entraîner de graves erreurs de jugement. Je dois avouer que j’ai personnellement beaucoup de mal à les reconnaître, d’autant que pour compliquer les choses, il existe aussi des cas de cossards inhibés. Toutefois, je précise que le cossard inhibé étant chimiquement peu réactif, il est considéré par l’ensemble de la communauté éducative comme cliniquement mort.

Postulat de Charly n°6
« Tout glandeur qui se voit signifier son état, peut se trouver en situation de blocage »
Le glandeur est très susceptible, alors ne vous avisez surtout pas d’en faire le constat devant lui, car il pourrait très mal le vivre, et cela entraverait son inertie.
Aussi, au mot « glandeur » nous préférons substituer des termes moins agressifs, tel que AEG (actif en gestation), dont la période d’incubation peut être variable (mais en général de l’ordre d’une petite centaine d’années), ou encore l’AC (actif contrarié), dont il faudra surnoter la moindre petite merde afin qu’il veuille bien nous en pondre une autre. Nous préconisons aussi la GA (graine d’actif), actif à l’état d’embryon disposant potentiellement des qualités requises pour remplacer avantageusement une plante d’appartement (de type ficus, peut produire le cas échéant un excellent compost). Mais aussi l’AR (actif refoulé) qui n’assume pas son attirance pour le travail, et dont nous attendons fébrilement qu’il fasse son coming-out. Pour finir, l’ATH (actif transcendant hyperventilé) qui a su dépasser le simple stade de l’action, et sublimer sa respiration en un véritable art de vivre. Je ne m’arrêterai pas sur l’IC (inactif contondant) à tendances agressives, qu’il conviendra de laisser en paix, afin de conserver une vision binoculaire.

Postulat de Charly n°7
« Toute asperge vit aux dépens de celui qui l’égoutte »
Non, çui-là, c’était juste pour rigoler.

Voilà, j’aurais pu évidemment vous parlez du cossard actif/passif ET libidineux et de bien d’autres encore, mais bon, on s’en fout, j’en ai déjà tartiné deux pages, suis tranquille jusqu’à la semaine prochaine, alors bye.

Vissons un écrou supplémentaire sur la tige filetée de notre pédagogie

Aujourd’hui : la pédagogie du contre-exemple (prononcez contrex, vous gagnerez un temps précieux, et profitez-en pour faire un peu de sport, parce que bon, ces petits bourrelets disgracieux, beurk)

J’ai souvent remarqué chez nos jeunes enseignants une parfaite méconnaissance de cet outil que constitue la pédagogie du contre-exemple. Il semblerait que les enseignants en IUFM soient pour le moins circonspects quant à son utilisation. Mais bon, s’ils enseignent en IUFM, sans vouloir dire du mal, j’vous fais pas un dessin, mais quand même, quelle bande de loosers ceux-là.

Mais en quoi consiste cette pédagogie ????
Simple.

Lorsqu’un enfant, un ado, ou assimilé, enfreint une règle de vie, tout l’art de cette pédagogie consiste à lui signifier son erreur par une illustration in vivo, mais a contrario, et sans a priori, de son errement.

Mais foin de théorie, quelques exemples bien sentis valent mieux qu’un long discours, et c’est d’ailleurs le principe même du contre-exemple.

Imaginons deux enfants chahutant dans le salon vous empêchant de faire la sieste.
La première réaction dite « primaire » consiste à réprimander de façon impulsive ces enfants joueurs comme ceci :
— Dites les enfants, ne pourriez-vous pas faire un peu moins de bruit s’il vous plait ??? Hein ?? Vous êtes gentils.

Classe non ??
Ouais bof, faut voir, c’est vite dit.
En tout cas, c’est peu efficace.

La deuxième, qui nécessite plus de sang froid, car imposant une rapide évaluation de la situation, le choix pertinent de la réaction à mettre en œuvre, l’estimation des conséquences possibles sur sa vie d’adulte, vous permettra de convaincre ces vilains polissons des vertus apaisantes du silence, en suggérant tout simplement ceci :
— HÉÉÉÉÉÉ !!! MAIS PUTAIN VOUS ARRÊTEZ DE CRIER OUI OU MERDE ?????????

Voilà.
En gueulant bien fort si possible, et pensez à bien laisser le débat ouvert en proposant l’option « oui ou merde » car l’enfant se trouvera devant un choix et c’est excellent pédagogiquement. Bien que l’expérience nous montre que l’option « merde » est rarement choisie, on ne peut que le regretter, car, d’expérience aussi, le débat qui s’ensuit est nettement plus vivant, enjoué, mais toujours bon enfant.

Et vous venez sans le savoir de pratiquer la pédagogie du contre-exemple. Demander à autrui de cesser de faire une chose, en la faisant, mais beaucoup mieux, et plus fort.

Franchement, c’est dingue ce truc.

Alors que constatons-nous ?? Et bien que la première réaction, en général un pur réflexe, très intuitive, voire un brin vulgaire, vous mène directement dans une impasse pédagogique.
Alors que la seconde, que vous acquerrez à force de travail, vous permet d’obtenir les résultats escomptés, et vous roulez serein sur le tarmac de la réussite, et attrapez sans difficultés le charter du bonheur.

Alors bien sûr, je l’entends bien, certains d’entre-vous ne sont pas d’accord, c’est votre droit, c’est votre point de vue, vous avez bien fait de l’exprimer, c’est tout à fait respectable, mais mon Dieu, qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre comme conneries.

Un autre exemple de cet art si particulier :
Un enfant lambda s’impatiente car il veut faire pipi alors que vous êtes en voiture, et sacrément en retard, pasque vous glandiez devant la télé.
— Z’ai envie faire pipi, dit-il en s’impatientant.
Ah !!! C’est bien les gamins ça !!! Ahahahahahah !!!

Ouais.

Vous noterez au passage quelques traces d’égoïsme sous-jacent dans son propos, petit saligaud, mais ça il le paiera plus tard, car vous avez la rancune tenace.

Ici, la notion à faire passer, le savoir être pour être précis, c’est la patience.
Aaaaah la patience !!! Mère de toutes les vertus, grand-mère des qualités, tante du savoir-vivre, nièce de la bienséance, belle-sœur de la civilité, cousine par alliance de l’élégance, fille d’un premier lit du respect d’autrui, maîtresse de la gentillesse, enfin bref, limite salope quand même.

Mais comment faire ??? Là encore deux solutions.
La première, un peu facile il est vrai, mais bon, admettons :
— Prends ton mal en patience mon chéri, je fais diligence pour trouver le site adéquat où tu pourras t’épancher.

Ouais, limite obscène quand même.

Le petit s’agace un peu, comme quoi, bonjour l’efficacité, et l’exprime avec ses mots d’enfant :
— Vi mais j’ai envie moi !!!! Bouuuuuh, snif, snif…
Que c’est mignon.

C’est mignon, mais visiblement, votre remarque est sans effet. D’où la nécessité de faire tout un travail sur la zen-attitude, en mettant l’accent essentiellement sur la notion de patience, de sang froid, en glissant ceci (attention !!!! Chaque mot compte !!!!!) :
— NON MAIS TU PEUX PAS PATIENTER MERDE ?????

Chouette le contre-exemple non ???
Et vous constaterez que son envie pressante disparaît comme par enchantement. Mais pas de hasard dans ceci, non, car il est démontré qu’un contre-exemple bien utilisé agit directement sur l’organe rebelle. Ici par exemple, la vessie sera dilatée d’un facteur 10, et normalement, vous devriez être tranquille pour quelques semaines.

Que dire pour conclure, si ce n’est qu’après une telle démonstration, il n’y a rien à ajouter.

Du bon usage de la culture dans les matières scientifiques

Je m’adresse à toi, jeune enseignant, qui évangélise nos cités en brandissant le goupillon de la science.
Car c’est bien connu, tu es d’une inculture rare.
La seule vue d’un livre provoque chez toi des ricanements sinistres, l’opéra, des gestes obscènes, et l’art pictural, des érythèmes fessiers ainsi qu’une tendance à la pyromanie lourde.
Tout ceci fait de toi un être veule et pathétique.
Ce goût immodéré pour les chiffres, qui te fait choisir systématiquement les produits les moins chers, c’est petit ça, démontre bien que tu es aussi d’une cupidité pitoyable.
Tu es un être répugnant.
Ta bassesse n’a d’égale que ta médiocrité et ta mesquinerie fait de toi un bien piètre personnage.
Ne le prend pas mal, mais tu es un con.

Je suis aussi inculte que toi mais moi, je suis un grand malin.
Je réussis à assécher tous les puits de culture grâce à mes perfides astuces.
Car je suis un être perfide.
Aussi je me propose, et je vais sans doute accepter, de te divulguer le secret de mon enseignement.
— Mais quel est ce secret ? Demandes-tu avec ce petit air sournois et hypocrite que j’abhorre.

C’est simple.
Il consiste à saupoudrer subtilement mon enseignement de connotations culturelles.
Ceci afin de laisser accroire aux manants que j’instruis, que je suis culturellement fort bien nanti.

Je vais donc te livrer quelques aphorismes puissants, que j’ai cueillis tout au long de ma vie d’aventurier, de baroudeur, et c’est vrai, un peu en regardant M6, grappillant par ci, butinant par là, ces pépites de culture, ces pistils d’intelligence, ces étamines de spiritualité.

Ainsi, lorsqu’un élève se trompe dans un choix, ne dis pas :
— Tu t’es trompé ! Lalalèèèèrrrrreuuuu !!
Mais substitue habilement ceci :
— Comme le disait David Duchovny dans X-Files : "La vérité est ailleurs".
— ???…

Vu la connotation culturelle ? Oui je sais, ça fait un peu style qui s’la pète, et encore là, on n’est pas encore au taquet !

Deuxième exemple, ça va pas trop vite ?
L’élève semble toujours hésiter alors évite les remarques habituelles du genre :
— T’es vraiment qu’un con ! Putain mais c’est pas vrai !!!!
Glisse plutôt ceci :
— Ainsi que le disait Kévin Costner dans "Open Range" : "On reconnaît toujours quand on sait c’qui faut qu’on cherche".
— ???…

Ça l’fait non ? C’est vrai qu’ça donne un p’tit coté précieux, très "Jean d’Ormesson", mais assume !!!

Lorsque pour conclure, tu as constaté que l’élève ne veut rien foutre, ne sois pas taquin comme tu sais l’être :
— Putain de branleur va !!!
Mais use de ceci :
— Sais-tu ce que disait Clint Eastwood dans Pale Rider ?
— ???…
— "Il y a très peu de problèmes qu’on ne puisse résoudre avec un peu de sueur et de l’huile de coude".
— ???…

Et bingo ! Troisième connotation culturelle en cinq minutes !!!!
Ça suit dans l’fond ? Pas trop complexés ?
Ben ouais, le respect des élèves ça se gagne, ça se mérite, ça se conquérit (j’ai bon là ?).
Bon, j’en ai plein d’autres, et si ça t’intéresse, et ça t’intéresse, je te les envoie.
En règle générale, évite les connotations littéraires du genre Victor Hugo par exemple, c’est assez commun et puis entre nous, j’trouve ça assez surfait, en fin de compte.
Voilà.

Ah oui, les Schtroumpfs sont aussi une mine inépuisable d’aphorismes, alors n’hésite pas à exploiter ce filon avec ton petit piochon (ok, ton gros piochon, t’es d’une susceptibilité !!).

Mais comment faire lorsque la situation est conflictuelle, ou, la culture peut-elle venir au secours de ta pédagogie défaillante ?
Bien sûr.

Imaginons deux élèves particulièrement désagréables et se dirigeant vers toi l’air vaguement menaçant, armés de barres à mine.
Tu es désemparé, et ne sachant que faire tu improvises une posture de karaté vue dans "Inspecteur Derrick" mais, et ne le prends pas mal, t’as franchement l’air con.
Et surtout c’est une erreur !!!
Car c’est à ce moment précis que tu vas brandir la botte secrète, le joker, la référence culturelle qui tue : the cultural weapon.
La voici.
Lorsque les élèves sont à deux mètres environ, commence mine de rien à chantonner la chanson des Barbapapa.
Comme ceci :
— Voici venir les Barbapapaaaaaaaaaaaaaaaa !!!!!!!!!!!!
— ????… … .
— Toujouuuuurs, contennnnnnnnnnnnt !!!!!!!!!!!!

Tu vas constater que les deux élèves stoppent net leur progression, ils semblent hésiter un instant, et puis soudain, ils s’effondrent en sanglots dans les bras l’un de l’autre.
C’est gagné !!
Dès cet instant, c’est toute la classe qui reprend en chœur avec toi :
— Dans la famille des Barbapapaaaaaaaaaaaaaaaa !!!!!!!!!!!! Viens avec nouuuuuuuuuus !!!!!!!!
Ils se prennent alors la main formant une vaste chaîne d’amour et dans une ferveur quasi mystique ils dressent leurs mains vers le ciel s’en remettant à Dieu, et ils allument leur briquet.
C’est poignant.

Et complètement con, je te l’accorde.
Mais ça marche !!!!!
Testé et approuvé par Charly himself !!!

Voilà, pas si compliqué qu’ça en fait !

PS : dac, je vais me reposer quelques jours.

Ornons d'une énième boule notre sapin de pédagogue

Aujourd’hui : la branlée.
Aussi appelée : avoinée, soufflante, gueulante, ronflée, beuglante, engueulée, etc.

C’est lors d’un stage où j’insufflais un peu de mon expérience de pédagogue dans le biniou de nos jeunes enseignants que je découvris, horrifié, que nos jeunes maîtres, encore timorés et affublés d’un pusillanime puéril et lénifiant, non mais quels cons, ignoraient jusqu’à son existence même.
Mais où ont-ils donc fait leurs études ? Pas chez moi en tout cas.

Ces derniers, et vous allez rire, oui ben pas trop fort quand même, préférent « gronder » leurs élèves, les « houspiller », les « blâmer », les « tancer », les « chapitrer », les « morigéner », les « admonester », les « gourmander », les « réprimander » (tout ça sans dictionnaire de synonymes, bien sûr).
N’importe quoi.

Mais écoutons un jeune prof à l’ouvrage :
— Bouh !! Que t’es vilain !! Je m’en vais de ce pas te chapitrer.
N’importe quoi.
Et pourquoi pas une petite pipe aussi ?

Et pourtant, cet héritage de l’homo sapiens, notre illustre ancêtre, qui sut affirmer son ego triomphant par quelques vociférations toujours opportunes et de bon aloi, a su parvenir jusqu’à nous dans un état de conservation remarquable, comblant l’ethno-pédagogue que je suis.

En digne héritier d’une pédagogie séculaire qui sut s’inspirer du soufflage de verre pour inventer le soufflage de bronches, je décidai de porter à mon tour le flambeau de l’avoinée, de transmettre cette tradition orale entre toute, s’il en est, et de diffuser son usage.

« Une bonne branlée vaut bien un long discours » disait l’homo erectus lorqu’il fuyait les majestueux mammouths d’autrefois à fond la caisse en gueulant comme un veau à ses potes de faire pareil, inventant sans le savoir le coton tige à air comprimé.
Pour le remontage de bretelles, il fallut attendre bien plus tard, l’invention du pantalon trop large.

Mais abordons, si vous le voulez bien, l’aspect technique.
Caruso disait : une bonne gueulante doit partir du ventre.
C’est en effet la puissance de la colonne d’air qui déterminera l’impact de la soufflante.
Un peu à la façon des orgues d’église.
Quoique qu’en matière d’orgues, pour notre exemple, ceux de Staline soient plus appropriés.

Évidemment au début vous manquez d’assurance car combien d’entre nous se sont retrouvés s’égosillant de façon ridicule, ânonnant des phrases incohérentes devant un parterre d’élèves hilares et nuls en maths ?

Afin de tester votre volume sonore, voici un petit test simple que chacun peut réaliser.
Rendez vous à l’aéroport le plus proche, attendez sereinement l’arrivée d’un Airbus A380, et au moment de l’atterrissage, gueulez aussi fort que vous pouvez.
Normalement, si votre puissance sonore est suffisante, le pilote doit se retourner pour vous faire coucou.
Et l’avion part s’écraser en bout de piste.
Mais là, vous n’y êtes pour rien, c’est parce que le pilote vous a cherché des yeux bêtement dans la foule, sans vous repérer.
Mais ça, remarquez, c’est pas plus mal.
Aussi, quel con çui-là.

Voilà, vous êtes rassurés, nantis d’un mental de winner, mais attention :

Une bonne gueulante doit être soigneusement préparée.
En effet quelques vocalises discrètes dans un coin de la salle seront un gage d’efficacité et de réussite.
Commencez par des gammes simples (évitez les intervalles de quinte augmentée) et modulez d’un demi ton à chaque fois.
Pensez à bien inspirer, soulevez le diaphragme dans un mouvement ample, lent et alterné.
Allez y crescendo.
Si les élèves vous font remarquer votre comportement étrange, dites leur que d’une manière générale, et quoi qu’il en soit, vous les emmerdez.
Mais alors, grave.

Préparez une phrase de trois mots, c’est largement suffisant.
Attention ! Très important : évitez l’imparfait du subjonctif !

Repérez l’élève qui aura la chance de voir son cérumen évacué en urgence et approchez vous.
Sachez que les dégâts occasionnés par la gueulante sont inversement proportionnels à la distance.
Donc approchez vous bien.

On y va.
Bloquez tout… Prêt ? Allons… ne soyez pas crispé… baissez les épaules…

LÂCHEZ VOUS !!!!!!!!!!!!!!!!!

Voilà.
Putain, ça fait du bien.

Mais comment évaluer une gueulante ?
C’est simple.
Observez attentivement l’élève.
Normalement, après la soufflante, les cheveux de l’élève doivent être légèrement brushés.
Mais vers l’arrière.
À fond.
De plus, à l’issue de la branlée, l’élève doit avoir un point commun avec Beethoven.
Profitez de l’occasion pour une activité simple et ludique : demandez aux élèves lequel.
Quand à ses rétines, elles sont réduites à l’état de simples lentilles de contact jetables.
Mais ne les jetez pas.

Hélas, et oui, cent fois hélas, il y a des inconvénients.
En effet, la branlée va légèrement déformer votre visage, juste un peu rassurez-vous, mais juste assez pour que vous ne soyez plus reconnaissable.
Donc munissez vous d’une pièce d’identité.

Évidemment, vous devez accepter le fait que vous perdez tout sex-appeal et que votre élégance naturelle s’est fait la malle.
Et comme vos yeux vont exagérément s’exorbiter, n’hésitez pas à mettre des lunettes de soleil.
C’est pour ça que d’une façon générale, on évitera de passer des branlées en boîte de nuit.
Ou avec Georgette au restaurant.
Sinon pour après, c’est tintin.

Évidemment l’élève peut réagir :
— OOOOOH !!!! M’GUEULEZ PAS DESSUS COMME ÇA !!!!!!
Vous pensez très fort : p’tit con, j’fais c’que j’veux.
Mais soyez malin, ne le dites pas et répondez :
— J’GUEULE PAS, J’T’EXPLIQUE !!!
Ni vu ni connu j’t’embrouille.
Et vous verrez l’élève, soudain redevenu calme, acquiescer, et retourner s’asseoir gentiment.
Elle est pas belle la vie ?

Alors ? Convaincu ?

Oui ? Une question au fond de la salle ? J’enseigne à des sourds, mais comment faire ?
Simple.

Faites leur un bras d’honneur.

Ajoutons un outil à notre râtelier de pédagogue

Aujourd’hui : la torgnole. Aussi nommée taloche, targette, tarte, soufflet, baffe, claque, mornifle, etc.

Connue depuis l’antiquité, et même avant, la torgnole a su traverser les âges, et conserver son caractère rustique et sa concision exemplaire.
La torgnole, un geste simple, pétri de tradition, véritable éloge du travail manuel et persistance d’un artisanat d’antan qui a formé bien des tempéraments et déformé bien des visages.
Il est temps de remettre ce geste à la place qu’il mérite : la joue de nos élèves.

Des études récentes ont démontré que la simple torgnole équivalait à une heure d’exposé pointu, huit pages d’argumentaire détaillé, deux encyclopédies complètes traitant de psychopédagogie et les œuvres complètes de Françoise Dolto.
Édifiant non ?

Mais comme vous le savez déjà, nos jeunes enseignants, encore malhabiles, rejetant la pédagogie d’autrefois, semblent réticents à son usage. Aussi, par quelques rappels simples, je vais tenter de leur donner le goût de la chose, et par définition étant un spécialiste de la leçon, de leur en donner une bonne.

Premièrement, il est hors de question de pratiquer cet acte sans un mobile.
Nos jeunes enseignants sont bien souvent désemparés car quelle est cette frontière vague qui sépare l’échange bon enfant de l’agression verbale caractérisée ? de l’insulte grossière, vulgaire, outrancière, humiliante, dégradante, avilissante, qui vous coûtera cinq ans de psychothérapie, la perte de votre honneur, de votre logement, de votre famille, de vos droits civiques, et j’en passe ?

Illustrons par l’exemple ce pertinent questionnement et imaginons la situation suivante:
Soit un élève x s’adressant à un enseignant y de la façon suivante :
— Monsieur, vous êtes un gros connard.
Voilà, ça c’est un mobile. Ça n’apparaît pas à première vue mais c’est bel et bien un mobile.
Toutefois, vous avez pu mal comprendre, et il est toujours bon de se le faire confirmer comme ceci :
— Tu veux bien répéter ce que tu as dit, s’il te plaît ?
— Monsieur, vous êtes un gros connard.

Voilà.
Les derniers doutes sont levés et il apparaît clairement que l’élève a une piètre opinion de vous et qu’il ne se cache pas d’un certain dédain.
Évidemment vous êtes un peu vexé, car au fond de vous subsiste un vieux fond de susceptibilité, certainement dû à une maltraitance enfantine qui vous a vu pendu par les pieds dans le garage familial pendant des jours par un père cocaïnomane. Ceci a certainement subtilement affecté votre personnalité, expliquant cette sensiblerie exagérée et cette tendance au caprice, mais ressaisissez-vous, ne vous décontenancez pas, faites face, car vous êtes quelqu’un de bien, n’en déplaise à votre père.

Mais comment expliquer à ce galopin que vous êtes en total désaccord, que vous n’êtes pas le personnage qu’il imagine mais une âme sensible, quelqu’un d’attachant, qui aime le macramé, la crème Mont-blanc, que vous avez un poisson rouge, que vous allez voir votre grand-mère pour tous ses anniversaires le 29 février, que vous relevez toujours la lunette avant, et tout ça en un dixième de seconde ?
Impossible dites-vous ?
Et pourtant la solution est là, sous vos yeux : votre main.
Magique non ?

Mais pas d’empressement, un petit échauffement préalable s’impose pour éviter tout accident.
Commencez un léger sautillement en basculant d’un pied à l’autre, comme si vous sautiez à la corde, relâchez bien les épaules et basculez la tête de gauche à droite pour une détente complète des cervicales.
Les élèves vous regardent amusés, et lancent quelques quolibets et autres fournitures de bureau, mais restez concentré, et après quelques minutes cessez le sautillement.

Placez vous face à l’auteur de cette regrettable erreur de jugement, et allongez le bras le long du corps.
Pivotez les épaules autour du bassin, celui-ci restant fixe. Décollez votre bras et levez le vers l’arrière, mais pas trop, coude légèrement plié.
Bloquez sur cette position, respirez profondément.
Et là, d’un coup, pivotez l’ensemble épaules/bras le plus rapidement possible dans l’autre sens, le bras tendu, la main en position d’offrande, et appliquez celle-ci exactement entre la pommette et le bas du menton.
À fond.
Allez-y, lâchez-vous.
Voilà.
C’est un geste simple, donc vous avez toutes les chances de le réussir du premier coup.

Normalement, si le geste est réussi, l’élève ne devrait plus être devant vous, mais légèrement décalé latéralement, de quelques centimètres à quelques mètres, selon son poids.
La mesure exacte du déplacement, à l’aide d’un simple décamètre, pondérée par le poids, donnera une évaluation précise du geste.
Pour ce qui est de la couleur de la joue de l’élève, élément essentiel permettant la validation définitive, je mettrai à votre disposition sur Internet un nuancier à télécharger.
Nota : si l’élève, au moment de la torgnole, se trouve à proximité d’un mur, peut se produire un effet de rebond : attention ! Le rebond ne compte pas.
Ce serait trop facile.

Nous verrons prochainement comment contourner les problèmes posés par les lunettes, les bagues et les conséquences administratives et judiciaires.

Deux remarques pour finir :
Pour une meilleure efficacité, le visage de l’élève doit se situer au niveau de votre épaule soit un élève inférieur à vous de vingt centimètres environ.
N’hésitez pas éventuellement à prendre une marge, soit au total trente centimètres de moins que vous.
Des séquelles neurologiques sont toujours possibles, donc réservez ce geste à des élèves pour lesquels ça ne changera pas grand chose.

Étoffons notre trousseau de pédagogue

Aujourd’hui : le coup de pied au cul, le CDPAC (prononcez cédépack).
Un prof peut-il user de ce geste pour informer de son courroux ? Coucou ?
Bien sûr.
D’ailleurs la question est idiote.
Heureusement, la réponse va compenser.

Il est vrai que dans nos pimpants collèges, bien des enseignants sont réticents et pour certains franchement hostiles à l’octroi du CDPAC. N’y voyons pas mauvaise grâce de leur part mais plutôt un excès de pudeur, la persistance d’une timidité adolescente ou, mais j’en serais étonné, un simple respect de la loi.
Mais je persiste à penser, et qui persiste signe, qu’il ne s’agit que d’une énième lacune dans la formation de nos maîtres. Aussi me proposais-je de combler cette carie par un opportun rappel.

Les pré-requis.
(NDLA : attention, ce geste ne s’applique qu’aux garçons).
Une fois repéré l’élève dissident se livrant à son forfait, élève étant debout et de dos, cela va sans dire (assis et de face c’est coton), approchez vous très lentement, sans bruit, et arrêtez vous à environ un mètre de l’objectif. Surtout pas plus, car lors du lancé vous pourriez basculer vers l’arrière, mais pas trop près non plus car vous auriez l’air con.

Le geste technique
Prenez fermement appui sur l’une de vos jambes, bloquez le bassin, amorcez un léger pivotement autour de la jambe d’appui tout en repliant le genou de l’autre jambe, tirez la cuisse vers l’arrière, et stoppez tout.
Le principe consiste maintenant à projeter la jambe repliée franchement vers l’avant en direction de la cible. On y va… attention… LÂCHEZ !!!!
Bien.

L’évaluation
C’est très simple.
Si l’élève se met à sautiller à travers la classe comme Skippy le kangourou, en se tenant les fesses et en faisant : ouillouillouillouille !!!!, c’est gagné.

Les variantes.
1) Au moment de l’impact, certains préfèreront incliner légèrement le pied afin d’obtenir un léger effet de lift, un peu comme au tennis, ce qui aura pour effet de provoquer un sautillement circulaire. Effet spectaculaire qui n’est pas sans évoquer les ballets du Bolchoï (période Khrouchtchev).
2) D’aucuns utiliseront le cou du pied (partie supérieure du pied), ce qui provoquera un franc décollage à l’impact et qui augmentera de façon sensible l’amplitude des rebonds.
3) La Panenka (voir le penalty de Zidane lors de la dernière coupe du monde).
4) Pour ma part, mais cela n’engage que moi, j’ai une nette préférence pour le pointu.
C’est simple et beaucoup plus franc et le ouillouillouillouille est nettement plus audible.
Dans tous les cas, TOUJOURS accompagner le geste par un commentaire chargé pédagogiquement comme ceci : « La prochaine fois, tu réfléchiras !! ».
Voilà. C’est très important car ne l’oublions pas, c’est quand même le but.
D’ailleurs, d’une façon générale, si certains élèves rechignent à réfléchir, n’hésitez pas, un CDPAC, avec le p’tit commentaire qui va bien, et ça marche.

Conclusion
L’inconvénient du CDPAC est qu’il est réservé aux garçons, et que la parité est peu respectée dans ce domaine.
Pour les filles il existe une solution de repli, la torgnole classique, basique, mais ça devrait suffire.
D’autre part, ce geste s’adresse plus particulièrement à un public jeune.
Au delà, il ne présente plus guère d’intérêt pédagogique et il conviendra donc de ne plus l’utiliser.

Et en plus, ils pourraient réagir

Savoir illustrer une consigne

— Bon, vous écoutez s’il vous plait ?
Bien. Quelques rappels de sécurité sur le fer à souder.
Si vous souhaitez perforer la main de votre voisin avec un fer à souder,
quelles sont les conditions requises ?
— ?…
— Allez, je vous écoute. Axelle ?
— Ben, y faut qu’y soit branché.
— Très bien. Et pourquoi ?
— Pour qu’il puisse chauffer.
— Merci Axelle. Voilà pour la première condition.
En effet, le fer doit être chaud. Et plus c’est chaud, plus ça brûle.
On peut donc dire que la gravité de la brûlure est proportionnelle à la température.
Mais est-ce suffisant pour perforer ? Axelle ?
— Moi m’sieur !
— Émilie ?
— Y faut laisser appuyer longtemps.
— Excellent Émilie !
La gravité de la brûlure est donc proportionnelle à la température mais aussi à la durée d’exposition.
Démonstration. Mon fer est branché, sa température est de 300°, j’effleure rapidement mon index. Que se passe t’il ?
— Rien parce que ça été vite.
— Merci Antoine.
Vous vous souviendrez ? Température et durée d’exposition.
En résumé, pour une perforation réussie de la main de votre voisin, pensez à maintenir le fer suffisamment longtemps afin d’obtenir une qualité optimale.
Bon. Vous avez pas eu trop peur ?
— Siiiiiiiii !!!
— Et ben comme ça, vous f’rez gaffe.
Au boulot.