
Non.
Mais d’abord, les faits.
Ce midi, Cricri passe me prendre dans ma salle pour aller manger.
J’lui dis qu’non, qu’j’ai des trucs à faire et y m’dit qu’y m’ramènera son dessert vu qu’il en mange jamais.
Y s’pointe à 13 h 15, avec que dalle, soi-disant qu’au dessert c’était d’la glace et qu’il avait peur qu’ça fonde (espèce de salaud) et on regagne la cour pour retrouver nos troupes d’élite.
Et là, stupéfaction : j’ai pas d’élèves.
Je me sens vaciller et je cherche désespérément une bouffée d’oxygène.
La p’tite aide-éducatrice vient me dire qu’ils sont en sortie scolaire avec leur prof d’EPS, putain ceux-là j’te jure, et qu’elle est surprise que je ne sois pas au courant.
Surprise que je partage volontiers mais en l’arrosant délicatement d’un léger filet de mauvaise humeur avant de l’enrober d’un délicieux nappage de grossièretés, le tout sublimé par quelques gouttes d’un bon vieux fond de mauvaise foi que je conserve jalousement en fût de chêne, ensemble sur lequel sont judicieusement réparties quelques insultes de bonne facture directement prélevées dans ma réserve personnelle et façonnées à la manière des rustres d’antan, qui permettent de donner à l’ensemble ce caractère prégnant du connard d’autrefois.
Et je fais flamber le tout.
C’est vrai quoi, imaginez ma déception.
Quand je pense que j’avais préparé mon cours, mes photocopies, ma salle, et que je me retrouve livré à moi-même, désemparé, avec devant moi une après-midi de libre, où j’peux faire ce que je veux, en étant payé, mais de qui s’moque-t-on ?
Et j’fais quoi du coup ? J’rentre chez moi p’t’être ? Oui ?
Ah bon.
Excédé d’être pris au dépourvu, et à l’improviste en plus, je décide de récupérer mon cartable et d’investir immédiatement le bistrot d’en face, à 13 h 45 tapantes, et de m’envoyer un demi.
Laminé par l’affront de cette collègue d’EPS, je mate très rapidement les nanas en terrasse, trop rapidement d’ailleurs, c’est carrément bâclé, et fou de rage, je commande une deuxième bière.
Et là, vautré sur mon siège, exposant mon visage courroucé aux doux rayons de l’été, je fulmine en pensant aux gamins : tu crois qu’ils me l’auraient dit ces p’tits cons ?
Et ça, ça me fout dans une colère imputrescible.
Oui imputrescible, c’est comme ça, et si ça vous plait pas, vous voyez la p’tite croix en haut à droite de votre écran ? Et ben vous cliquez dessus !!!
Du coup, piaffant de colère, j’ai failli faire un scandale dans la brasserie mais j’ai préféré brancher deux nanas et commander un troisième demi en les matant, mais je dois le dire, plus par habitude que par intérêt, d’ailleurs elles n’en avaient aucun, pensant calmer mon courroux.
Et ben pas du tout !!!!
Je me lève, je dis au revoir à 90C et 85B, excusez-moi mais j’ai oublié leur prénom, je regagne vite fait ma p’tite voiture et je bombe jusque chez moi.
N’en pouvant plus de colère je passe vite fait boire une bière au bistrot en bas de chez moi avant de me précipiter dans mon appart.
Et là, par dépit, je fais la seule chose que je peux faire dans mon état :
je me dirige vers ma chambre et je me jette littéralement sur le lit.
Pour faire la sieste.
Et ben j’peux vous dire, heureusement, je dis bien heureusement, que j’me suis endormi tout de suite, sinon je pétais un câble.