Archives de catégorie : L’amour

Grosse tristesse

(L’anti-conte de Noël ou Pas de papillote pour Charly)

— Ben Charly, qu’est-ce qu’y se passe ??? Ça n’a pas l’air d’aller ???
— Bouuuuuh… snif snif… bouuuuuuuuuuh !!!!!!
— Allez, viens là mon grand, dis-moi tout, mais c’est qu’il avait un gros chagrin mon tit Charly…
— Oh vi… bouuuuuh… snif… snif… bouuuuuuh…
— Allez, dis-moi…
— Ben… snif… hic… bouuuuh… c’est les élèves… y vont partir… snif… hic… EN VACAAAAANCES !!!! BOUUUUUUUUUUH !!! Snif snif… hic…
— Mais Charly c’est normal, c’est comme ça tous les ans…
— Vi… bouuuuuh… je sais… hic… mais j’arrive pas à m’y faire !!! Ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiin… snif… bouuuuuh…
— Attends mais tu peux pas rester dans cet état, j’appelle un médecin…
— Noooooooon… hic… j’veux voir personne… j’veux mouriiiiiiiiir !!!!
— Mais non mais non, pis faut bien qu’ils partent en vacances les gamins non ???
— Oui mais c’est toujours pareil… bouuuhouhouhouhouhouh… et aussi… hic… et aussi… hic… et aussi… hic… c’est pareil en février… hic… pis à Pâques… hic… pis l’été… y partent tout le temps en vacances !!! BOUUUUUUUUUUUUUUUH !!!!! Snif… alors du coup… snif… NOUS AUSSIIIIIIII !!!! BOUUUUUUUUUUH !!!!!!!!!
— T’as raison, y sont malades à l’éducation nationale de nous faire des coups pareils…
— Y s’rendent même pas compte…
— Allez, viens là, j’vais te faire un tit câlin…
— Un tit câlin ??? Mais un câlin comment ???
— Ben un câlin…
— Super, attends, je me déshabille…
— ?!?! Et ben dis donc, y passent vite tes chagrins…
— Non mais là ça va mieux tu vois, c’est vrai, j’avais besoin de parler en fait, tu gardes ton soutif ???
— Non mais dis espèce de crapule, tu me ferais pas le coup de la tristesse pour m’attendrir ??? Alors que je t’ai encore foutu dehors lundi dernier ???
— Ah ça non, c’est pas mon genre, non mais tu me prends pour qui ?? Bon, on reste ici ou on va dans la chambre ???
— Ouais ben tu vas surtout rester chez toi, et me foutre le camp oui !!!
— Et ma tristesse ??? Hein ??? Mon drame personnel ???
— Tu veux savoir où tu peux te la mettre ta tristesse ???
— Ben j’aime mieux pas savoir…
— Allez, du balai, oust, non mais regarde-moi cet hypocrite, espèce de faux-cul va !!!
— Ben ça c’est la meilleure, et juste avant Noël en plus, alors que ça m’aurait fait comme une papillote dans mon joli soulier…
— Ah mais en plus monsieur sait parler aux femmes !!!! Une papillote, j’t’en foutrais moi, allez hop, par ici la sortie…
— Eh ben d’accord, se faire traiter comme un malpropre, ça m’apprendra à venir me confier…
— Allez, je t’ouvre la porte, si monsieur veut bien se donner la peine…
— Hé ho, une minute, on n’est pas des chiens quand même… j’peux récupérer ma montre ???
— Dehors !!!!
— Hé, ne le prends pas sur ce ton, non mais, et pis c’est quoi ce p’tit air condescendant…
— Ce p’tit air condescendant ??? C’est une converse que tu vas te prendre derrière l’oreille si t’évacues pas le secteur !!!
— Ah ben elle est belle l’amitié, ah ça, on m’y reprendra à ouvrir mon cœur… tu sais Isabelle, dans le fond, tu n’as aucune capacité d’écoute…
— Et toi ??? T’as la capacité d’entendre ??? Alors dehors !!!!
— Oui oh c’est facile, et bien tant pis, je vais prendre ma voiture, rouler toute la nuit, et j’aurai peut-être un accident, dans mon état, y’a de fortes chances… alors adieu…
— Oui c’est ça, bon débarras… tiens, rends-toi utile, descends le sac poubelle…
— Oh merci Isabelle, mais je le garderai, en souvenir de toi…
— C’est ça, tu peux même le faire encadrer…
— Pas bête, merci Isabelle, alors je m’en vais, puisqu’il me semble ressentir comme une certaine distance de ta part ce soir, et c’est dommage, car vois-tu Isabelle, l’amour que j’ai pour toi est comme une hirondelle qui… Aïe !! Attention mes doigts quand même !!!

Voilà, en tout cas, j’aurais tenté le coup.

Le printemps

Aaaaaaah le printemps !!! Féerie d’une renaissance mille fois célébrée, magie de notre majestueuse nature, auguste bienveillance de nos latitudes, qui fait verdoyer nos forêts, rosir les visages, bleuir nos prés, jaunir les champs, sans oublier le linge, qui sèche tellement plus vite.

Que de bontés.

C’est ça la magie du printemps, tout s’échauffe, les cœurs s’enflamment, les corps tisonnent, et Dame Nature exhale son renouveau, exposant nos pâleurs à son doux rayonnement, tandis qu’au loin là-bas, les vrombissements des tondeuses à gazon saluent à leur façon le retour de la belle saison.

Enfoirés de voisins va.

Ah !!! Souviens-toi lecteur !!! De cette époque bénie, bien après J.-C, mais juste avant SMS, où dans une sorte de rituel printanier, apparaissait une flore d’un genre particulier : de petits bouts de papier porteurs d’amoureuses requêtes et autre invite au bisou, se répandant d’un bout à l’autre de la classe, en direction de l’être cher.

Aaaaaaaaaah !!! Que de souvenirs !!!! Les doux souvenirs de l’adolescence !!!!

Souviens-toi lecteur, lorsque nos ferventes déclarations se déclinaient en de minuscules formats, que nous faisions circuler par de complexes trajets clandestins en direction de l’être aimée, avec l’aide bienveillante de toute la classe. Souviens-toi lecteur, lorsque la missive prenait le chemin du retour, son petit bonhomme de chemin, empruntant mille détours, faisant battre nos cœurs, pour enfin l’avoir entre nos mains. Où là, le cœur serré, nous dépliions la dépêche pour enfin découvrir la réponse de la belle, écrite de sa main même, de cette main si délicate : « Tu peux te brosser ».

Alors nous arborions ce petit sourire benêt si caractéristique de ces instants précieux où l’on se sent si con, et que l’on dévisage le tableau, subitement intéressé par les troubles équations, exposant notre acné purulent aux doux rayons des néons, mais enfin initié à cet aspect incontournable de la vie amoureuse : le râteau.

Alors par dépit, nous rédigions un deuxième message à destination cette fois d’une moins jolie, ce qui augmentait sérieusement nos chances. Une malgré tout fort bien nantie, et de corps et d’esprit, et qui en pinçait grave pour nous, avec laquelle nous allions négocier des heures durant pour lui tripoter les lolos, ce qu’elle finissait par accepter, afin d’avoir enfin la paix, et à bout. Des lolos soigneusement enveloppés dans un soutif, puis un chemisier, puis un gilet, puis un manteau, mais le palpage de la matière noble de ce dernier seul, suffisait amplement à notre bonheur, et faisait notre gloire pendant la récré, où nous prétendions avec une mauvaise foi absolue, qu’on lui avait vu le téton.

Une que l’on larguerait sans autre façon.

Mais une que l’on retrouvera bien des années plus tard, car de passage dans le coin, et qui avec un petit sourire aux lèvres et un brin moqueuse vous glissera « Et toi ?? Toujours aussi galant avec les femmes ??? »

Alors nous arborerons ce petit sourire benêt si caractéristique de ces instants précieux où l’on se sent si con, et que l’on dévisage le parcmètre le plus proche, subitement intéressé par ces métronomes de l’immobile, et bredouillant un convaincant « Oui oh tu sais, j’étais jeune… et toi ?? T’as quoi comme voiture ??? ». Espérant secrètement qu’au vu de la date des faits, il y aurait prescription.

Et oui, c’est aussi ça le printemps, tandis que les doryphores prolifèrent, que les patates abhorrent, des nuées de coléoptères s’apprêtent à butiner la flore.

Héhé.

Direct live

Comme tu le sais, cher lecteur, j’avais une visite mercredi, à l’heure de la sieste, de Monique.
Oui, Monique, tu vas comprendre.
Tu trouveras ci-dessous le dialogue que nous avons eu, cité de mémoire.
Espérant combler vos attentes, veuillez agréer, chers lecteurs, etc.

Mercredi 12H54

— Coucou Charly !!! Tu vas bien ???
— Oui super, franchement, plus, ce serait indécent…
— Regarde c’que j’ai amené…
— Oooooooh !!! C’est quoi ??
— Le dernier CD de Cabrel, je suis passée à la Fnoc avant de venir…
— Ah.

Merde, ai-je pensé, déjà qu’à cette heure j’ai du mal à rester éveillé, avec ça, je plonge dans les deux minutes.
Putain, l’autre y sort un CD tous les cinq ans, et pas d’bol, c’est elle qui l’a acheté.

— Dis Charly, on peut l’écouter ??? Ça te dérange pas ???
— Tu rigoles ou quoi… mais on va l’écouter sur le portable, la chaîne déconne un peu…
— Ok. Je le mets là ??? Ça démarre tout seul normalement…
— J’te sers un expresso ???
— J’veux bien oui. Ah mais je vois que tu lis des blogs…
— Des blogs ?? Oh pas vraiment, ça m’intéresse pas trop ces trucs…
— Tu sais qu’y a plein de profs qui ont des blogs ???
— Ah oui ??? Ouais moi tu sais les blogs de prof, j’vais te dire…
— Et justement, Muriel m’en a fait découvrir un, comment y s’appelle déjà, ah oui, un prof vide son sac, Charly Le Prof, c’est ça, un type d’une vulgarité, c’est à peine croyable…
— Ah bon ??? Charly Le Prof, connais pas…
— Ben attends, j’vais te faire lire, c’est où Google là-dessus…
— Clique sur la maison là… sucre où sucrette ???
— Attends, y raconte ses histoires de fesses sur son blog, c’est incroyable qu’un prof fasse des trucs pareils…
— Au niveau fesse ???
— Non, de raconter ça…
— Bah, y s’amuse peut-être, un petit chocolat pour accompagner ???
— Attends, quand même, tu vas voir, je vais te faire lire un truc, parce qu’en plus, il est d’une misogynie… un vrai con ce mec… voilà, lis ça…

À cet instant, je fus pris d’un doute, et j’interrogeai le calendrier en face : c’est la Saint Charly aujourd’hui ???
Puis je me tus, et je me lus.

— Bah c’est rigolo, il joue avec les préjugés, pas d’quoi porter plainte…
— Attends il est toujours bourré, y boit en cours y parait…
— C’est peut-être un p’tit poil exagéré…
— C’est marrant, mais vous avez un peu le même humour, mais t’es quand même plus fin que lui…
— Oui, j’te ressers un café ??? Tu sais que tu es ravissante aujourd’hui…
— Plus de café merci, t’es gentil, je vais aller sur sa page d’accueil…
— Ben dis donc, pour un type vulgaire, t’as l’air de t’y intéresser…
— Il écrit pas mal remarque, on sent qu’il a lu ce type, c’est pour ça qu’on peut pas le confondre avec toi, y’a pas un bouquin ici…
— Ben si, j’en ai deux au garage… non pis bon, écrire, moi, j’ai autre chose à foutre…
— Non mais c’est marrant, le même prénom, il est prof de techno aussi, tu devrais lire à l’occasion, tout n’est pas à jeter dans ses textes…
— Ben je vais le mettre dans mes favoris…
— Tiens c’est marrant, y raconte une sortie au pont du Gard, comme nous la semaine dernière…

Alors là, cher lecteur, j’ai ressenti comme un malaise.

— Dis Isabelle, et si on allait boire un truc en ville, il fait super beau, ce serait sympa non ???
— Le pont du Gard… avec une prof d’histoire… qui s’appelle Isabelle… comme moi dis donc…
— Allez, je passe ma veste, et hop, en ville !!!
— Ohlala… comme il est gonflé de raconter ça, ben la nana, si elle savait ça…
— Voilà !!! Je suis prêt !!! Je commence à descendre !!!
— Le coup du phallus, tu nous a sorti la même chose…
— Oui oh tu sais, nous les mecs, on est pas très originaux, on sort tous les mêmes vannes…
— Oui mais quand même, les coïncidences, les prénoms…
— Il a dû les changer…
— Oui mais comme j’te disais, c’est un prof de techno, y doit pas percuter tout le temps…
— C’est gentil, mais bon, Charly, c’est assez courant comme prénom, et Isabelle, c’est plutôt commun…
— Je te remercie… et il doit la retrouver un mercredi après midi, comme nous…
— Bon ben je commence à descendre…
— Dis Charly…
— Tu claques bien la porte pour fermer !!!
— CHARLYYYYY !!!!!!!!!!!
— JE T’ENTENDS PLUS, AVEC LES VOITURES !!!!
— CHARLY !!!!!! ESPÈCE D’ENFOIRÉ !!!!!!
— ON PREND TA VOITURE OU LA MIENNE ????
— SALAUD !!!! DIS, T’AS MIS UNE WEBCAM DANS LA CHAMBRE ???? C’EST ÇA ???
— HÉ ISABELLE, PARDON, JE FERAI PLUS, MAIS PAS LA GUITARE, JE T’EN SUPPLIE, PAS LA GUITARE !!!!
— BEN C’EST CE QU’ON VA VOIR !!!!

Et bien voilà, cher lecteur, après l’écriture de cette conclusion, je vais tenter de réparer ma jolie guitare, si je retrouve le manche bien sûr, et réfléchir à la façon dont je vais récupérer le coup avec Isabelle Monique.
Mais bon, même sans faire appel à une voyante, on peut légitimement penser que c’est plutôt mal barré.

Tentative de transversalité des enseignements

Ça y est !!!! Une prof de français !!! Ma première !!!
Depuis le temps que j’en rêvais, et bien c’est fait !!!

Et puis plein d’affinités en plus !!!

Ah !!! Quand la technologie rencontre la littérature !!! Que de conversations passionnantes !!

Aaaaah !!!! Il fallait l’entendre évoquer Victor Hugo, analyser son œuvre, comme ça, sous la couette, entre deux mamours, et parler de la gravité dans ses écrits, alors que du tac au tac, rebondissant sur ses propos, je lui parlais du centre, de gravité lui aussi, dont la hauteur influait directement sur la tenue de route des bolides du championnat du monde des rallyes.
Je ne vous cache pas que ça a eu son petit effet.

Et quand elle m’a expliqué la structure romanesque chez Proust, j’ai aussitôt saisi l’occasion pour lui parler de la structure du nouveau pneu Pirelli en rallye, et sa redoutable efficacité. Elle n’en revenait pas et c’est vrai que lorsque je lui ai dessiné la structure de ce nouveau pneu à même la couette, avec le doigt, elle a fait une drôle de tête.
Tu m’étonnes, tu verrais le rainurage, trop top, j’te jure.

Alors elle a voulu me faire découvrir un poème d’Aragon, sur Elsa, sa copilote y paraît, la musicalité de sa poésie disait-elle, et c’est vrai que ça m’a ému, et du coup, j’ai sauté à pieds joints sur l’opportunité pour imiter la symphonie des quatre cylindres turbocompressés du moteur de la Citroën C4 de Sébastien Lœb, notre champion du monde, la sonate pot d’échappementesque de ce moteur deux litres, et j’ai cru qu’elle allait pleurer.
Elle a pleuré d’ailleurs, je crois.

Que des affinités j’vous dis !!!

Par contre, au niveau des mamours, elle m’a dit qu’elle me trouvait un peu trop technique.
Ce à quoi j’ai répondu que je la trouvais un peu trop littéraire. Et là, nous étions clairement en désaccord. D’où quelques chamailleries avec les oreillers et des difficultés pour moi de garder un bout de couette pour dormir.

Alors je me suis levé, et comme ça, totale impro, pour nous réconcilier, j’ai déclamé les principes de la suspension hydraulique, et elle m’a dit qu’en matière de suspension, à part les points, elle s’en foutait un peu. Alors, sur un ton très shakespearien, avec toute l’emphase requise, j’ai embrayé sur l’injection électronique que j’ai détaillée point par point, jusqu’à ce qu’elle m’interrompe en disant que si je continuais, elle appelait les flics.

Nous devions en convenir, il y avait hiatus entre nos deux matières.

Je pris acte de son courroux et enfilai mon caleçon, et tout en appelant mes chaussettes, je lui fis remarquer que Victor Hugo n’avait jamais été champion du monde de quoi que ce soit et elle me lança à la figure le cadeau que je lui avais offert le matin même, à savoir, un très coquet roulement à bille pour décorer son garage.
Sale ingrate.

C’est donc en cherchant un hôtel à deux heures du matin, que je dus admettre que cette liaison était une hérésie, que la chaîne de mon désir avait déraillé du plateau de son mépris, que la rustine de mon affection s’était décollée du pneu de son indifférence, que la pompe à vélo de mon amour n’avait pas su gonfler la chambre à air de son désir, que la burette d’huile de ma tendresse n’avait pas su lubrifier les pignons de sa féminité, que la soupape de son affection fut impuissante à évacuer les gaz de mon amour douloureusement comprimés dans l’autocuiseur de ma vie, que le presse-ail de… hein ?? Quoi ?? Hé !! J’suis prof de techno moi !! J’fais c’que j’peux pour expliquer bordel !!!

Et de tout ceci je pâtis.

Sans compter que la dernière chose qu’elle m’ait dite c’est :
— Héééé !! Trouve-toi un mécanicien !!! Ducon !!!

Saleté va.

Et pis bravo, pour une prof de français, quel langage… ducon… enfin, je ne ferai pas de commentaires, je pourrais être désobligeant… mais y’en aurait des choses à dire… enfin bref, passons…

Bon, c’est pas l’tout ça, mais moi, j’ai pommé une chaussette dans c’t’affaire…

Un pro quoi

Hé, vous vous souvenez de ma savoyarde ???
Et ben elle est venue me voir !!! Ouais, à ma maison, et tout et tout.
Ben j’étais vachement content pasque bon, j’avais pas trop assuré chez elle, alors là, inutile de vous dire que j’allais pas laisser passer une seconde chance avec elle.

Déjà, pour commencer, pas d’alcool, enfin, pas trop, et pour les mamours, j’ai tout bien révisé.
Un pro quoi.

Elles s’est pointée samedi, vers onze heures, et en arrivant, elle a eu une super idée, plutôt que de faire un p’tit resto, truc assez classique en fin de compte, c’est de faire une ballade sur les collines autour, pour découvrir le coin. J’étais vachement d’accord, pasque c’est bien chouette par ici, et que j’ai fait de la randonnée autrefois, alors question marche, je suis au top.
Un pro quoi.

Bon, on a attaqué les premières côtes vers 14 heures.
Sympas les côtes.
Mais bien en pente quand même, putain.

Pis c’est qu’elle marchait vite ma gisquette, pendant un moment, j’ai cru qu’elle voulait me semer. Oui pasque je vous ai pas dit, mais c’est elle qu’était devant, rapport à ma respiration qu’allait plus vite que moi, que d’ailleurs j’ai cru m’asphyxier avec tout cet oxygène.

Alors au bout d’un moment, j’lui ai dit que ce serait bien de faire des petites pauses pour profiter de la vue, pasque bon, j’en pouvais plus moi. Alors elle a dit qu’elle était pas trop d’accord, que toutes les cinq minutes fallait pas pousser, et ça a cassé un peu l’ambiance.
Et à un moment, tant pis, je me suis assis, rapport à mon cœur qui faisait toc-toc.
— Putain, qu’est-ce tu fous ???
— Je regarde les plantes, t’as vu mon amour, on trouve des genista germinaca par ici, comme c’est curieux…
— Non mais quel con, tu parles d’un randonneur çui-là…

Ben j’sais pas ce que vous en pensez, mais moi, j’ai pas trop apprécié son sous-entendu, et je l’ai trouvée limite limite sa petite pointe d’ironie.

Bon c’est vrai que j’avais les mollets un peu durs comme du bois, mais bon, trois fois rien, pas de quoi s’affoler, d’autant qu’y restait plus que vingt bornes, faut quand même pas pousser.

Mais quand elle a proposé de me porter, ben franchement, ça m’a vexé.
Non mais ho, elle me prend pour qui celle-là, je suis pas du genre à baisser les bras, même si en l’occurrence, j’avais du mal à lever les jambes. Pourquoi pas appeler les secours tant qu’on y est ?? Franchement, j’ai failli m’emporter. Pas loin c’est sûr, mais bon, c’était pour vous expliquer quoi.

Et on est rentrés, assez tard c’est vrai, mais j’ai quand même réussi à monter les deux étages jusqu’à chez moi en moins d’une heure.
Un pro quoi.

Et enfin, la soirée tant attendue a commencé.
Autant pour la rando j’étais sur son terrain, autant là, question soirée galante, je jouais à domicile.
Alors j’y ai sorti le grand jeu.

Pour commencer, petit apéro sympa, avec en amuse-gueule, assortiment de galanteries, suivi d’amabilités en tout genre, puis sélection perso de coquineries diverses, large éventail de regards salaces , le tout accompagné d’un soupçon de friponnerie, plus un zest de canaillerie, et pour finir, franc tripotage.
Un pro quoi.

Et là, d’un coup, putain, la méga crampe dans le mollet gauche, oh putain l’horreur, rapidement suivi par une hyper crampe dans le mollet droit, plus diffusion aux pieds, bordel, j’étais tout raide du bas. Ben heureusement qu’elle était secouriste ma gisquette, pasqu’elle m’a plaqué au sol, sur le carrelage, soi-disant que le froid c’était bon pour les crampes, et du coup, j’ai tapé la tête sur la table basse, et j’étais tout sonné du haut. Et j’avais mal, mon vieux, putain, j’avais les orteils tout crampés. Alors elle m’a tordu les pieds dans tous les sens, mais que dalle.

Et pis j’ai eu comme des sortes de raidissements au niveau des épaules, et à la nuque aussi, une sorte de foulure du cou quoi, rapport au sac à dos je pense, pourtant, j’comprends pas, il faisait à peine 40 kg. Et le raidissement, y s’est comme propagé, et ça m’a fait comme des espèces de torticolis au niveau des bras.
Enfin bref, j’étais raide de partout, enfin, quasiment quoi.

Alors elle est partie à rigoler ma gisquette, et elle a dit qu’un tombeur pareil, elle avait jamais vu. Ben franchement, j’ai moyennement apprécié son petit humour sarcastique, et j’étais à deux doigts de lui faire une remarque. Alors heureusement qu’avec toutes ces douleurs, je me suis rapidement évanoui, pasque sinon, j’aurais pu être désobligeant, et ça aurait gâcher la soirée.

Mais après, elle a été vachement sympa, y paraît qu’elle m’a mis en pyjama, m’a calé sur le canapé, couvert avec ma couette, et j’ai tout bien dormi. Enfin, c’est ce qu’elle m’a dit au réveil, pasque moi, j’me souviens pus de rien.
Si c’est pas de la super gisquette ça.

Alors le dimanche matin, heureusement ça allait mieux, je l’ai raccompagnée à sa voiture, en lui disant que j’étais super content de l’avoir revue, que vraiment elle était super et tout, et que bon je m’excusais pour les crampes mais que ce serait bien qu’on remette ça. Alors elle m’a dit que c’était pas la première fois qu’elle tombait sur un mec qu’assurait pas, et donc ça m’a bien déculpabilisé, c’est vrai, ça m’a fait plaisir, mais que par contre, pour ce qui était de se revoir, elle allait réfléchir.

Ah bon.

Cricri y pense que quand les gisquettes disent qu’elles vont réfléchir, c’est jamais bon pour nous les gars. Mais bon, j’suis pas d’accord, des fois dans la vie, c’est mieux de réfléchir.

Pis là, j’ai plus de nouvelles, j’espère qu’il lui est rien arrivé.
Aussi bien, avec la Saint Valentin, elle veut me faire une surprise, tin dis donc, j’y avais pas pensé.
Si c’est pas de la super gisquette ça.

Voilà.
Ben y’a plus qu’à attendre.

Un mec en or

Et bien voilà, les fêtes sont terminées, deux semaines de goinfrage absolu, et je ne vous cache pas que je suis plutôt satisfait qu’on en reste là.
Parce qu’en sortant de la douche ce matin, je me suis retrouvé face à face avec mon miroir, et je peux vous assurer que la conversation fut plutôt houleuse. Figurez-vous que celui-ci m’a affublé d’un petit parachute ventral, d’un goût plus que douteux, et qu’à l’en croire, mes deux poignées d’amour auraient viré sacoches.
Espèce de salaud.

Mais ce n’est pas tout, au moment d’enfiler mon jean Diesel, ne v’là t’y pas que ce p’tit con me faisait comme des manières, et rechignait à monter jusqu’au popotin ???
Sale traître.
Un vrai complot.
Vous vous doutez bien que suite à ça, mes relations avec la penderie furent plutôt tendues, et je le confesse, j’ai été un peu dur avec le tiroir à chaussettes.

Le dernier repas assassin qui a contribué à cette infamie, s’est déroulé chez une gisquette du coté de la Savoie, à Chambéry pour être précis.
Bien sympa Chambéry.
Et sympa la gisquette (j’y fais coucou d’ailleurs). Une bien belle plante, comme on en fait dans les alpages, joliment dotée, bien gironde, un rien coquette, montée sur talons, et pas des petits, des mégas talons, j’te jure, avec ça, par temps clair, tu vois le Mont-Blanc. D’ailleurs, entre-nous, quand tu vires les talons, que t’aplatis un peu les cheveux, ben tu te retrouves avec une nana de 30 cm de haut, une vraie arnaque quoi. Mais bon, moi aussi je triche un peu, pasque de l’extérieur, j’ai l’air mince.
Après la visite de Chambéry, avec plein de montagnes autour toutes belles et une grande croix, elle a préparé un repas un peu genre local, pour que je découvre.
Sympa le repas.
Je ne me souviens pas de tout, mais le truc que je n’oublierai pas, c’est la polenta. Vous connaissez sûrement la polenta, c’est de la semoule de quelque chose, maïs je crois, ou de la semoule de farine, j’sais plus, ou de la semoule de purée de farine, ouais c’est ça, un truc light quoi.
Alors c’est sûr, c’est un peu bourratif, mais bon, si t’as fait un peu d’apnée quand t’étais jeune, tu peux survivre. Et puis bon, faut quand même pas pousser, tout le monde peut tenir trois minutes sans respirer.
Pour le pinard, un truc du coin aussi, vachement sympa, mais bien vindicatif quand même le pépère. Après deux verres, t’as le sang beaucoup plus fluide, tu le sens bien au niveau des bras, mais t’es plus sûr d’être encore immunisé, pasque d’un coup, tu deviens tout fragile. Au niveau du crâne, c’est curieux, pasque tu reçois comme des messages, un peu comme du morse, comme si quelqu’un tapotait un truc derrière ta tête, mais avec une louche quoi.
Et dans l’estomac, le pinard, bien mélangé à la polenta, ça fait comme une espèce de pâte, mais qu’y faut surtout pas laisser sécher, pasqu’après, t’es tout cimenté de l’intérieur. C’est tout le problème de la polenta à prise rapide, mais par contre, on fait de très jolies maisons dans le coin avec ça, plus quelques cailloux bien sûr.

Et pour finir en beauté, elle a sorti un p’tit digeo, une p’tite poire du pays comme elle a dit.
Bon, déjà, j’avais pas vu de poiriers en arrivant mais bon, j’allais pas faire le contrariant, ou pinailler, d’autant que dans ce genre de soirée, vaut mieux être consensuel, pasque l’objectif, in fine, je vous le rappelle, c’est quand même le plumard. Et ce serait dommage de tout gâcher pour un détail de procédure à trois mètres du pageot et à deux doigts de l’extase.
Quand je dis trois mètres, en fait, c’était plutôt quatre. Je le sais, je les ai fait à quatre pattes.
Pasque la p’tite poire, et ben putain.
Remarquez, elle m’avait prévenu, un truc pareil, faut pas laisser traîner en bouche, tu l’envoies direct au fond de la gorge, rapport aux dents qui pourraient se déchausser.

Alors évidemment, après un tel régime, au moment des mamours, vous êtes juste pitoyable, un tantinet lourdingue, un brin pataud, le geste approximatif, et la gisquette ne se gêne pas pour rigoler. Mais bon, comme vous êtes un homme d’honneur, vous persévérez, et comme ça, pas de problème, vous êtes ridicule jusqu’au bout. Pour finir, voyant vos difficultés à coordonner vos mouvements, elle vous propose de remettre ça au lendemain, et là, vous la toisez avec le seul œil que vous réussissez à maintenir ouvert, et vous abondez dans son sens en vous affalant comme une merde, mais sur le ventre, dans un ronflement du diable, la gueule bien ouverte, mais pas trop, juste qu’on puisse y garer un Airbus, tandis qu’elle vous recouvre avec la couette, attendrie par tant de classe.
Le lendemain, vous émergez aux alentours de midi, un poil gêné, mais comme c’est une gentille, elle vous réconforte en vous disant que vous n’êtes pas le premier pochtron qu’elle rencontre, et donc, ça vous rassure, et vous êtes tout de suite plus à l’aise.

À part ça, la reprise, rien de spécial, les vœux habituels en salle des profs, le bonheur pour tous, la santé pour chacun, et comme on a tous une collègue célibataire qui cherche l’homme de sa vie depuis une p’tite trentaine d’années, ben on lui a promis juré que cette année c’était la bonne.
Comme tous les ans quoi.

Oui, ma vie est un manège…

Aaaaah !!! Que c’est dur d’être beau.
Franchement, y’a des jours, j’me demande si j’vais pas me crever un œil.
Pour être tranquille.

Hier matin, alors que j’expliquais aux 3e1 les circuits de la grande distribution, faisant part de quelques remarques concernant l’agencement des gondoles, des filles m’ont dit qu’elles n’imaginaient un prof d’une telle élégance poussant un caddie au rayon légumes d’un supermarché.
C’est vrai, je ne m’en cache pas, je ne suis pas très crédible avec un caddie.
Et pourtant, si elles savaient…

Je suis d’accord avec les 3e 1, le caddie ne me sied pas. J’ai essayé pendant des années d’en convaincre mes compagnes, sans succès.
Alors je pousse, comme tout le monde.

Et comme tout le monde, j’attends patiemment une demi-heure en caisse, que les trente retraités devant déposent bien comme il faut et un à un leur vingt mille produits sur le tapis, pasque deux par deux ça irait trop vite, faut pas brusquer pépé, en te faisant un gentil sourire, que tu leur rends bien volontiers, parce que tu es un type charmant, tandis que tu penses avec nostalgie et un brin d’émotion à ces vieux indiens d’Amérique, fiers apaches, humbles sioux, qui savaient le moment venu quitter les leurs pour aller mourir seuls dans la montagne, soulageant ainsi la communauté, quel cran, tandis que les nôtres, nos vieux, toujours souriants, qui n’ont rien d’autre à foutre de la semaine, viennent te faire chier, toi, un samedi, dans TON supermarché, papotant tranquillement avec la caissière, et que pour finir de t’exaspérer, les salauds, ils paient par chèque.

Aaaaaah !!! Que c’est dur d’avoir de la classe.
Toujours donner l’image d’un homme sérieux et austère, alors que la nuit vous menez une vie de patachon, c’est épuisant.
Dimanche soir par exemple, je suis allé chez Monica pour l’informer gentiment que je ne souhaitais pas prolonger notre idylle, qu’après un week-end de vie commune, je commençais à ressentir l’usure, et que c’était bien dommage, mais que bon, ça arrivait à beaucoup de couples, que c’était la vie quoi. Mais Monica n’a pas eu l’air d’accord, elle s’est précipitée vers la porte, l’a verrouillée, disant qu’on allait voir ce qu’on allait voir, que l’usure c’était rien à coté du rabotage que j’allais subir, et pour être franc, elle m’a vachement déçu sur ce coup-là. Et il faut bien le dire, je ne dois mon salut qu’à la fenêtre ouverte de la cuisine que j’ai promptement enjambée, tandis qu’elle me jetait à la figure l’intégralité de l’Encyclopædia Universalis, pas la version DVD, la version papier en vingt-huit volumes, car Monica est une femme de culture, et je ne dois ma survie qu’à une opportune gouttière que j’ai descendue à la vitesse du son, me retrouvant ainsi devant ma voiture que je n’ai pu prendre car le volume cinq venait de s’écraser sur le pare-brise, 2,5 kg par volume quand même, et que j’ai dû m’enfuir en courant, tandis qu’elle criait « pauvre con !! » dans l’escalier, faisant fi de ma réputation, inconsciente qu’elle est, et si y’avait des parents d’élèves dans le coin ?

C’est donc tout essoufflé et accroupi derrière un bosquet que j’ai aperçu Monica commettre l’irréparable.

C’est vrai que je n’en ai jamais parlé ici, mais en amour, mon point faible, c’est les essuie-glaces.
Et là, mon point faible arrière était en train de se faire plier en quatre, et les deux de devant, en huit.
On a beau être habitué, ça fait toujours un p’tit quelque chose au cœur, les voir ainsi proprement maltraiter, à la limite du supportable, et des tout neufs en plus.
Car si certains dépensent des fortunes en restaurant, moi, putain, c’que je passe comme fric dans ces conneries, sans compter que ça fait déjà dix ans que je n’écoute plus la radio en voiture pour cause d’antennes ratatinées par ces ingrates. Elles me coupent du monde quoi. Franchement, c’est petit.

Je suis rentré à pied, plus de bus à cette heure, tu parles d’une vie de bohème. Je ne vais pas pouvoir vivre longtemps à ce rythme, un jour on me retrouvera dans un caniveau, étranglé avec un Wonderbra, et tout le monde sera surpris, mais pas moi.
Alors le lendemain à la première heure, Christophe m’a accompagné pour récupérer ma voiture. On s’est pas éternisés, on n’est pas des téméraires non plus, mais j’ai quand même actionné les essuie-glaces pour le faire rigoler, et du coup, j’ai bien rigolé aussi.

C’est donc tout fier que ce matin, devant mes 6e4, je brandissais mon essuie-glace arrière tandis que je leur exposais quelques notions sur la résistance des matériaux, et plus précisément sur la variation de la résistance des métaux selon l’alliage et la force appliquée, et ils ont très bien pigé. Bien sûr, ils s’inquiétèrent de l’impressionnante torsion mais je fis une rapide digression sur les microclimats du sud de la ville en évoquant l’ouragan Monica et bien qu’incrédules, ils n’insistèrent pas.
Et puis franchement, si j’avais raconté la vérité, ils ne m’auraient pas cru, car un élève ne peut pas imaginer que son prof de techno puisse vivre comme un patachon, un boit-sans-soif, un baltringue, un va-nu-pieds, et qu’en plus, il danse le disco comme un dieu.

Difficile d’imaginer qu’un prof puisse vivre quoi.
Et pourtant, s’ils savaient…

Je ne sais pas si la vie est un manège, mais alors, qu’est-ce que j’gagne comme ponpons.

Adieu Franska

Qu’il est doux ce vague qui diffuse en moi sa fin d’été.
Car un été qui s’achève, c’est comme un ami qui s’en va.

Avec la caisse.
Parce que bonjour les dépenses !!!

Bon j’m’en fous un peu en fait car je suis en phase de prérentrée.
Parce qu’on a tous un petit trac lors de la rentrée.
C’est bien naturel.
D’abord parce qu’après deux mois de trêve sans pratiquer, il faut retrouver les réflexes, le vocabulaire, et éventuellement, le collège.
Ainsi moi, ça me fait tout drôle de ne plus pouvoir dire de grossièretés, comme bite et couille, qui sont la base de ma verbalisation.
Il me faut une période d’adaptation qui peut aller jusqu’à une semaine (mais le plus souvent, comptez une année).
Ensuite, il faut se présenter aux élèves et ça n’est pas toujours simple de parler de soi.
Ainsi moi, je ressens toujours une certaine gêne, voire de la réticence, à raconter ma vie sexuelle à des élèves de 5e.
Bien que je me limite aux cinq dernières années.
Et encore cette année je ne distribue plus de photos, merde quoi, c’est toujours de ma poche !!

Bien sûr on peut se contenter d’indiquer son nom et de présenter le programme.
Mais cette période de l’année est propice aux échanges car les élèves sont particulièrement curieux, ce sera le seul moment de l’année d’ailleurs, il est de notre devoir de satisfaire cette légitime soif de l’autre.
Et puis, peut-on faire moins que notre président ?

Évidemment nous retrouvons certains élèves avec beaucoup de plaisir.
D’autres avec un plaisir plus discret.
Quant aux derniers, le plaisir est là, certes, mais suite à une convocation en bonne et due forme et des menaces en tout genre.

À la rentrée, le plus délicat pour moi, c’est le changement d’heure.
Vous connaissez les changements d’heure de mars et octobre, ben moi, j’ai en plus celui de septembre.
En effet, pendant la trêve, mon heure de coucher a comme ripé, progressivement, et à mon insu, vers les quatre heures du mat.
Ben ouais, en ce moment, j’attaque la sieste à 19 heures, c’est vous dire.
Alors le week-end précédant la rentrée, je procède toujours à une simulation et je mets le réveil à six heures.
Pour voir.

Et ben, pour ne rien vous cacher, j’vois pas grand-chose.
Parce que je ne l’entends pas.
Donc lundi, lorsque je retrouverai avec la joie que vous imaginez (si si, vous êtes très créatifs) et une sale tronche de déterré le croissant que l’administration ne manque pas de nous offrir (en signe de bonne volonté ?), j’suis pas sûr de ne pas m’effondrer.

Je ne m’étalerai pas sur le fait que passer deux mois sans se faire insulter et prendre un boulon sur l’occiput crée un vide terrible.
Bien que je dois admettre que cela change ostensiblement la relation à l’autre.
Heureusement que j’ai pu surcompenser à grand renfort de Magnum Caramel & Nuts et de Bandol rosé.

Mais la véritable épreuve est ailleurs.
Bon, vous le savez, j’ai dû me séparer de bien des femmes dans mon existence, et parfois même, surtout d’ailleurs, à leur initiative.
Et c’est jamais simple (surtout de récupérer les caleçons que aviez délicatement pliés et rangés dans le tiroir du bas qu’elle vous avait généreusement octroyé, et qu’elle menace de jeter, ce qui aurait tendance à vaguement vous irriter, et à rapidement vous transformer, si vous n’étiez un modèle de courtoisie, en psychopathe inspiré voire en équarrisseur de génie).

Mais en cette fin d’été, se séparer de son short, ça, je ne le souhaite à personne.
D’autant que mes pantalons ont la fâcheuse habitude de rétrécir pendant l’été et surtout au niveau de la taille.
Ainsi, lors des simulations que j’effectue avant la rentrée, je tente avec chacun d’entre-eux de glisser le bouton du haut dans la fente dédiée.
Le taux de réussite est très faible.
Je suis donc obligé de comprimer le bedon récalcitrant sous la contrainte à l’aide d’une ceinture.
Je perds environ 20% de mes capacités respiratoires mais la présentation est impeccable.

Mais cette séparation est pour moi l’occasion d’un rituel immuable.
Au garde à vous devant la machine à laver, je retire mon short, je le pose au fond du tambour et j’observe une minute de silence, sans rien dire.
Avant d’appeler SOS amitiés.

Mais bon, je le remettrai peut-être, je sais pas.
C’est comme avec certaines nanas, des fois on revient, pasque les séparations des fois, c’est dur quand même.

Allez, au revoir l’été !!!!

Et adieu Franska.

Les choses de la vie

Bon, faut qu’je vous parle de Nelly.
J’ai longtemps hésité, mais bon, quand même, c’est des choses de la vie, alors je vous en parle.
Mais à l’écrit quoi.

Nelly, elle s’est pointée en début d’année, prof de musique, première année d’enseignement.
Et j’peux vous dire que lorsqu’elle est entrée en salle des profs, avec Christophe, on s’est retrouvés comme plaqués au mur.
Une jeune nana canon, bordel de merde, que des comme ça d’habitude, t’en as que dans l’privé.
En jupe, des guiboles, putain de merde, des vraies baguettes de tambour.
Des pieds, ouillouillouille chtonk chtonk chtonk, que c’est une honte de s’en servir pour marcher.
Une bouche, tin, kronk shtong shtong shtong, j’aime mieux pas en parler.
Et un petit décolleté sur une paire de nibardos, tin, ftwskqzrtgfrstja ? Krwrzak ?
Canon quoi.

Les gamins, on va plus les tenir quand ils vont la voir.
Ça va fantasmer dur dans les dortoirs, après le retour des morts vivants, ça va être panique chez les draps-housses !
Ça j’peux vous dire.
Ben oui, c’est comme ça qu’ça marche.
Tin, moi, j’me souviens, ma prof d’anglais en 4e, comment que j’te lui f’sais subir les derniers outrages à celle la, et on devait bien être une cinquantaine à faire pareil et à s’agiter grave à l’extinction des feux, malgré nos petits airs bien sages et innocents en cours (enfin, moi j’étais pas trop innocent, faut pas déconner non plus).
Quand j’pense qu’elle nous souriait bien gentiment, la pauvre, si elle avait su.
Ben oui collègues, c’est monstrueux.
Et en ZEP, j’aime mieux pas y penser.

Bon, des nanas comme ça, c’est pas pour moi ou Christophe, moi à cause de mon air austère, et Christophe parce qu’il est bien moche quand même, en plus de l’âge bien sûr.
Bon y paraît que les mecs de nos âges ça plaît aux jeunes, mais moi ça me gêne, et pis y’a suffisamment de quadras qui se font larguer, ce qui représente déjà un marché considérable.
C’est pas méchant, c’est juste la vie quoi.

Et ben mon Christophe, il a un béguin pour Nelly.
Ben ouais.
Ces choses la ça arrive, mais lui, il l’a pas vu venir, et ça lui fait tout drôle.
Et pis dans ce boulot, c’est pas simple, parce qu’on se voit pas souvent entre collègues. Un peu le matin avant les cours, un peu à la récré, avec un peu de chance à la cantoche. Et encore si les emplois du temps sont concordants.

J’y ai dit de l’attaquer coté musique. Mais Christophe, la musique, c’est pas son fort.
Y s’est jamais vraiment remis de la mort de Mike Brant.
Donc, c’est pas gagné c’t’affaire.
Y m’était arrivé pareil avec la prof de pâte à modeler (arts plastiques si vous voulez), mais râteau.
Quand on vous dit que l’art est inaccessible, c’est pas faux.

Bon, j’en ai parlé à tati qui a secoué la tête avec son air des mauvais jours.
Qu’elle a tous les jours d’ailleurs.
Ben ouais, on était d’accord, c’est bien d’avoir de l’ambition, mais c’est bien d’avoir un miroir aussi.
C’est pas méchant, c’est juste la vie quoi.

J’ai dit à Christophe de l’inviter la Nelly, et de lui parler.
C’est un grand timide mais il l’a fait.

— Pardon m’sieurs dames et un râteau ! Un !

Ben ouais.
Un gentil, c’est vrai, mais c’est les plus durs.
Parce que c’est la gentillesse qu’on perd aussi.
D’ailleurs les nanas, quand vous nous mettez un râteau, allez y franco !
Ça nous fait moins de regrets.

Alors hier soir, on est passé chez tati avec Christophe, pour l’apéro.
Puis on a décidé d’aller en ville, j’sais plus pourquoi, ah si, pour l’apéro.
Tati nous a dit de l’appeler si on buvait trop, qu’elle viendrait nous chercher, parce qu’avec ses insomnies, elle est debout toute la nuit.

J’ai amené Christophe en ville.
Bon, je ne conseille l’alcool à personne, pour sûr, mais des fois, vous savez, ça aide bien à faire parler la tristesse.
Donc avec Christophe, on en a pris une bonne.
Une sacrée même.

Parce que c’est la vie ces choses là.
C’est tout.

Le regard furtif

Je viens d’affûter une technique qui va changer la face du monde : le regard furtif.
Un enseignant se doit d’être aussi un chercheur, donc j’ai trouvé.

Combien parmi vous mesdames sont incommodées par ces regards masculins qui se vautrent sur vos soutiens-gorge et vos jolis popotins ?
Quel toupet, quelle inconvenance.
D’autant qu’à partir de certaines dimensions, ces gueux ont du mal à se concentrer sur autre chose et quand on est timide comme vous l’êtes, on n’ose pas la petite remarque qui éconduira le malotru.

Nous sommes des mammifères, je vous le rappelle, et la loi de l’évolution édictée par Darwin, n’affecte pas chacun de nous de la même façon.
Ainsi certains de mes congénères en sont-ils restés au stade primaire, du désir non dissimulé, de l’œil glauque, du rire benêt, du léger filet de bave à la commissure, tout ceci s’expliquant par une fuite massive et rapide du sang hors du cerveau pour se diriger vers les organes reproducteurs, alors que les autres, dont je suis, d »élégance atourés, fourmillent d’idées, pour pas s’faire gauler.

Je tiens ici, la solution qui réconciliera mars et vénus.
Le principe est simple, et ne renie pas nos pulsions mais se contente de les gérer.
Il consiste à récupérer un maximum d’informations, physiques bien sûr, votre intelligence dans ces moments là, bien que réelle et indiscutable, on s’en pète un peu, en un minimum de temps.
C’est là l’astuce.

Ce matin, j’ai testé pour vous en salle des profs, et je peux vous dire, qu’en deux dixièmes de seconde, j’ai scanné Isabelle la prof d’anglais, de la tête aux pieds sans qu’elle remarque quoique que soit, et même qu’elle m’a souri.
Fortiche non ?
Nota : ne réagissez pas mal à ce qui vient d’être écrit, car je le fais pour vous, mesdames. Pas pour moi, vous pensez.

Résultat du scan (résultats bruts avant dépouillement complet et traitement informatisé pour prise en compte variables locales et subjectives).

Le_regard_furtif_tableau

Et voilà l’travail.
Mais comment fait il vous demandez-vous-je ?
Prenez ma place et suivez les instructions suivantes à la lettre.

La cible arrive, ici Isabelle.
Estimez rapidement sa trajectoire en repérant son objectif, par exemple son casier.
Regardez intensément le mur du fond de la salle des profs, plus précisément l’angle gauche formé avec le plafond.
Froncez les sourcils et prenez l’air intelligent.
Clignez rapidement des yeux comme si vous étiez à fond au niveau de l’intensité de la réflexion, au taquet quoi.
La droite formée par votre regard croise sa trajectoire au point P.
C’est là que tout se passera.
Lorsqu’elle arrive au point P, vous allez rabattre votre regard en direction de vos chaussures, doucement, en passant par P.
À ce moment précis, et soyez précis bordel, il s’agit de capter un maximum d’informations.

Pour cela, exorbitez légèrement les yeux, très rapidement, la pupille doit entièrement se dilater et occuper tout l’espace, le cristallin se courber dangereusement, à ce stade d’intensité, l’iris doit être considéré comme cliniquement mort, la cornée commencer à se fendiller, la rétine est en mode survie, le nerf optique doit atteindre sa température de fusion, le cerveau doit être cramoisi et saturé d’informations.
Relâchez.
Vous venez de perdre la moitié de vos globules rouges.

Tout ceci en deux dixièmes de seconde.
Et votre regard continue tranquillement son chemin jusqu’aux chaussures.
Fastoche non ?
Nota : pensez à vous restaurer après, çà équivaut quand même à une bonne dizaine de dons du sang

C’est que de l’entraînement en fait.
Entraînez vous partout, en famille, au resto, dans les transports, au boulot, à la cantine, à la messe, partout quoi.
Et vous deviendrez un pro du regard furtif.

Malgré ma technique il m’arrive de retomber dans les travers de mes ancêtres et l’accident est toujours possible.
Ainsi, ce matin, je fixais tel le bourrin moyen, la poitrine d’Isabelle.
Est arrivé ce qui devait arriver :
— On peut savoir c’que tu regardes ?
Mais un vieux renard comme moi, vous imaginez, j’ai plus d’un tour dans mon sac.
Je l’ai regardé le sourcil froncé et interrogatif :
— J’me demandais, c’est quoi comme couleur ça ? Beige ou blanc cassé, on sait pas trop en fait.
— Prends moi pour une cruche toi.

Bon, ça marche pas à tous les coups mais bon, ça coûte rien d’essayer.

Et pis j’ai été voir tati pour lui en parler.
J’aime bien avoir son avis car elle est pleine de bon sens et ses jugements sont illuminés de sagesse.
Je lui ai donné un exemplaire de ma thèse et lui ai expliqué le détail de la technique, avec des petits schémas, en insistant bien sur la rapidité du truc.
Elle hochait la tête, visiblement impressionnée, et conquise par ma théorie.
Et elle a juste dit çà :
— Ouais. Tu sais combien y m’faut de temps à moi pour estimer ta connerie ?

Qu’est-ce que les gens sont méchants quand même.