— Alors Bourzig ?? Chouette not’ bus non??
— Ah ça c’est sûr, on s’croirait à la maison !!
— Ah bon ?? C’est meublé comme ça chez toi ??
— Heu non mais heu…c’est pour dire qu’on est bien quoi… comme des cloques en pâte.
— Pas des cloques !! Des coqs !!
— Ben c’est pareil, on est bien quoi…
— Comment ça c’est pareil ?? Ben demande aux poules si des cloques ça les branche…
Passionnant non ??
Hé oui cher lecteur, c’est ainsi que se déroulait notre voyage, chacun s’occupant à des conversations de bonne tenue, simples mais hautement intéressantes, dépouillées de toute emphase certes, mais non dénuées de raffinement, à la hauteur des exigences de ma charge.
Les conversations de bus ?? Un petit pas pour l’homme, mais un tel bond pour l’inanité.
Mais point de malice dans mon propos, les 6e4 s’avèrent être de redoutables spécialistes quand il s’agit de dynamiser un débat :
— Dites monsieur, on arrive à quelle heure ??
Voilà. Un truc simple, que tu devrais noter cher lecteur, une question qui semble anodine pour le profane, mais qui cache sous sa candide bonhomie une invite à des improvisations échevelées sur l’heure estimée, pondérée par la vitesse réelle et les aléas probables et qui, accompagnée d’un bon gros paquet de patience peut déboucher sur des heures de conversation enivrantes.
Mais les 6e4 peuvent faire mieux :
— Et on mange à quelle heure ??
Voilà. Là, t’es peinard, quand ils auront évalué l’heure de la sustentation, avec leurs petits critères mesquins, fait la liste des victuailles embarquées, ce qui ne manquera pas de les amener à lister les plats qu’ils préfèrent, ceux qu’ils détestent, ils en auront oublié la question et toi la réponse, que t’avais même pas d’ailleurs puisque c’est pas toi le chef mais Isabelle, et le temps aura fait son travail, à savoir : passer. (C’est un travail assez peinard d’ailleurs, t’en connais beaucoup cher lecteur, des gens dont le boulot consiste à passer ??)
Mais attention, nous tâtons ici de l’ordinaire, de la question basique, à deux balles oserai-je, car tout peut basculer très vite :
— Hé m’sieur, pourquoi le moulin il est si loin ??
La colle.
Là je sais pas. En général je trouve, mais là je sais pas. C’est vrai ça, pourquoi le moulin d’Alphonse Daudet est là-bas alors qu’il aurait pu être ici ?? J’en sais rien. On a tous nos limites, les 6e4 m’obligeaient une fois de plus à explorer les miennes. Si toi lecteur tu sais pourquoi le moulin est là-bas et pas ailleurs, je t’en supplie, envoie-moi l’explication en message privé et je t’en saurais gré (avant la fin du voyage si possible merci).
Et quand je sèche, un seul recours : Isabelle.
— Dis Isabelle, les gamins posaient une question pertinente, je te la rapporte, pourquoi le moulin est si loin ??
— Pourquoi le moulin est si loin ?? Une question pertinente ?? C’est surtout une question absurde. S’il est loin, c’est qu’on n’habite pas à coté, c’est tout.
Et vlan.
Ça, c’est du Isabelle tout craché, tu lui dis que tous les chemins mènent à Rome, ben elle prendra le plus court, c’est tout.
À suivre…