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Nous sommes de retour

charly le profAdieu interminable été où nous fûmes bannis de vous, exsudant sur des sables exotiques, le mollet triste, l’orteil fade et la truffe terne.

Car nous sommes de retour !!

Sonnez trompettes !! Tintez olifants !! Chantez guimbardes !!
Oui !! Nous sommes de retour !!

(Ouais. C’est beau l’enthousiasme, on en reparlera lundi.)

Avec rivée aux tripes, l’envie d’en découdre…

(Ouais, c’est un poil exagéré, je te l’accorde cher lecteur mais j’ai décidé de tester la méthode Coué et je te dirai si ça marche. Là tout de suite : non.)

Nous sommes de retour.
La rage comme punaisée au corps, le mental affûté tel un brise-glace, et le mors aux dents.

(Ouais bon, ça c’est la théorie, dans le monde vrai, je galère à mort pour me lever avant 10h00 et j’ai toujours pas retrouvé mon cartable.)

Des guerriers, qu’on se le dise !!

(Ouais, le disez pas trop non plus, laissez-nous quelques semaines, le temps de réviser les programmes quoi. Au fait, vous avez reçu vos fiches de paye de juillet vous ??)

We are back to fight them !!

(Ouais, j’sais pas qui va fighter qui, mais je vous tiens au courant.)

Nous sommes de retour.
Motivés comme jamais pour badigeonner de savoirs la cohorte d’infâmes.

(Prévois plusieurs couches. Hé, vous avez vos emplois du temps vous ?? Pasque moi y m’ont niqué le mardi.)

BANZAÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏ !!!!!

(New York avec moi en octobre, y’a pas une prof d’allemand que ça intéresse ??)

Chers parents

tong_75C’est avec regrets que je vous informe que nous sommes dans l’obligation de vous restituer vos enfants dès le cinq juillet au soir.

Sachez que l’ensemble du corps enseignant se joint à moi pour vous faire part de notre infinie tristesse à nous séparer ainsi de votre progéniture. Vous imaginez sans peine le total désœuvrement dans lequel se trouve l’ensemble de la communauté éducative qui voit ainsi le cœur même de son fondement partir en tongs à la playa.

J’aurai une pensée émue de vous savoir, chanceux que vous êtes, profitant de vos enfants, à chaque précieuse seconde des quatre heures que vous passerez au péage de Vienne tandis que moi, vautré dans l’avion, sanglotant aux souvenirs de ces mille anecdotes scolaires, je materai négligemment les gambettes des hôtesses.

Je vous laisse imaginer aussi l’émotion qui m’étreindra lorsque surgiront les souvenirs de ces cours magistraux, où je pris des claques magistrales, tandis que sur une île perdue sur un atoll grec je bronzerai, envahi par la nostalgie et complètement déprimé, et nu, en regardant distraitement flotter un banc de sirènes.

La jalousie m’envahit, car vous les aurez près de vous, au chaud contre votre cœur. Et ce pendant huit semaines, du matin au soir, à les cajoler, à saisir leurs rires éperdus de bonheur, mais aussi, à les faire bouffer, à écouter leurs conneries, alors que moi j’aurai quoi ? Des susurrements, des murmures, des propositions coquines ? Non vraiment la vie est injuste.

Je te vois, maman d’élève, touillant avec grâce la casserole familiale emplie de nouilles, dont je te rappelle que ton grand en reprendra trois fois en buvant du Coca, le lecteur mp3 sur les oreilles, que c’est beau, tandis que ta fille de treize ans taquine gentiment son frère sur ses tongs pointure 45. Alors que moi, pauvre de moi, je m’effondrerai en plein restaurant, à Mayotte, dévasté par le souvenir douloureux du programme de technologie des 6e4 que je n’ai pu achever, tout en repoussant le décolleté torride d’Ursula, laquelle me retrouvera plus tard pleurnichant et manquant me noyer de chagrin dans le jacuzzi où elle me rejoindra exhibant ses atours que je toucherai vaguement mais sans grande conviction, avant de m’évanouir du manque d’élèves. Car lorsque le cœur n’y est pas, il n’y est pas.

Je t’imagine, maman d’élève, gazouillant joyeusement dans l’eau avec tes deux tourteaux au milieu des graciles méduses, alors que dans le même temps, au large de la barrière de corail, en Australie, c’est ravagé par la culpabilité de cette heure de retenue infligée à Kamel alors que je n’avais pas de preuve contre lui, que je repousserai d’un revers de main désabusé les requins et autres raies manta avant de craquer nerveusement et de m’affaler en larmes dans le décolleté de Taïpiti dont les propositions répétées et finalement lassantes m’anéantiront définitivement.
Quel mépris pour mon deuil.

Non vraiment, c’est un moment difficile car ils me manquent déjà.

Alors oui, nous vous les prêtons quelque temps, mais de grâce ! Ramenez-les vite !!

Quant à moi je pars oui, mais vois-tu, quand le cœur n’y est pas, il n’y est pas.

Les 6e4 visitent Alphonse (20/x)

pain2_75Ah lecteur, c’est long hein ?? Oui je sais, mais je suis plutôt lent comme type, ça en énerve plus d’un, ce qui a tendance à me freiner encore plus, et ça n’arrange pas nos affaires, je te l’accorde.

Alors donc, pourquoi le moulin est rond.
Simple.
Parce que si tout est bon dans le cochon, ben tout est rond dans le moulin, donc ce serait ballot de le faire carré. Voilà, pour les détails envoie-moi un message privé, ton tél, taille de bonnet et tout le toutim, et je t’enverrai un croquis.

— Alors Charly, pourquoi il est rond le moulin ??
— Ben parce que si tout est bon dans le cochon, ben tout est rond dans le moulin, donc ce serait ballot de le faire carré.
— …
— …
— Tu vois Charly, j’en ai entendu des conneries dans ma vie, ah ça oui, et d’ailleurs on peut dire que toi et moi on en a fait un métier, mais là, je dis chapeau bas, si si, chapeau l’artiste.
— Ben c’est pas des conneries…
— Alors si c’est pas des conneries, explique-moi pourquoi venant de toi c’est juste pas crédible ??
— Isabelle, tu m’as tout vexé à l’intérieur. C’est vrai quoi, quand je pense comme nous étions proches toi et moi, c’est vrai, comment dire… un peu comme deux orteils dans une chaussure trop serrée et là tu vois, tu me…
— Comme deux orteils ? Ah ouais ?? C’est comme ça que tu vois notre relation ?
— Ben c’est une image bien sûr, mais qu’est très parlante je trouve…
— Parlante oui, bavarde même, mais quand même, merci de me faire rêver…
— Ah ben de rien. Non mais des images j’en ai plein, tiens par exemple, j’aurais pu dire : « nous étions comme deux tourteaux, main dans la main »…
— Tourteaux ?? Non, pas « tourteaux » Charly, mais « tourtereaux », les tourteaux c’est des crabes. Pis des crabes main dans la main ça fait un peu coupe-ongle ton truc…
— ?? Des crabes ?? T’es sûre ?
— Ah ça oui, mais c’est bien, continue de chercher, avec un peu culture générale voire un chouïa d’érudition, tu devrais emballer toutes les nanas que tu veux…
— C’est vrai ?? Ouah !! Youhouuuu !!!!!

Mais que font les 6e4 pendant nos échanges d’amabilités avec Isabelle ??
Ben ils mangent.
Personne leur a demandé, personne n’a décrété de pause, mais ils mangent.
Ça s’appelle une initiative.
Et ils sont assis aussi.
Personne leur a demandé, personne n’a décrété de pause, mais ils sont assis.
C’est aussi une initiative.
Et quand les 6e4 prennent deux initiatives d’un coup ben on est vachement fiers, on sent que notre enseignement a porté ses fruits, la recherche de l’autonomie et tout et tout. Bon, on va gueuler un peu quand même, mais c’est juste pour taquiner, pasque bon, ils sont déjà restés assis pendant des heures dans un bus, à manger donc, tant qu’à faire, alors on est soucieux de diversifier leur parcours, c’est vrai quoi, mais en respectant leur rythme bien sûr, donc entre les repas si possible.

— NON MAIS C’EST QUI QUI VOUS A DIT DE VOUS ASSEOIR BORDEEEEL ????

À suivre…

Les 6e4 visitent Alphonse (19/x)

igloo— Hé m’sieur !! Pourquoi le moulin il est rond et pas carré ??

Ah merde, la colle.

Ah ben ça c’est la meilleure. En xx ans de carrière c’est bien la première fois qu’un élève me pose une question (hors demande urgente de miction bien sûr). Ça fait un choc. Et pas d’bol, une question dont je n’ai pas la réponse.
J’vous dis pas la panique. Hé, si les gamins s’intéressent à ce qu’on leur propose maintenant, ben j’peux vous dire que ça va foutre un sacré boxon à l’éducation nationale, oh, on n’est pas formés à ça nous !!

Comment il t’a cassé l’ambiance l’autre avec sa question pertinente.

Quand je pense à tout ce qu’on fait pour nos gosses, les cours chiadés, les échanges cordiaux, le respect obligatoire, notre bonhomie princière, les sorties, et l’autre qui vient foutre son souk. Mais des fouteurs de merde y’en a toujours eu, on peut le regretter mais c’est comme ça. Et on le sait bien nous les profs, qu’un certain pourcentage de nos élèves fera de la prison, mais on sait pas lesquels bien sûr.

Enfin, on le sait pas tout de suite quoi.

Bon reprenons. Un moulin c’est rond ok, mais franchement, ça intéresse qui ??
À part l’autre là dont je vais m’empresser de noter le nom au passage, qui vient de briser en un claquement de doigt une carrière brillante, livrant aux manants le spectacle pathétique du paquebot de mon enseignement dérivant soudain au large, toutes amarres défaites, livré à lui-même, comme en perdition.

D’abord rond faut voir. Désolé pour l’autre là avec sa question pertinente, mais moi je vois un tronc de cône, un cylindre si on veut, mais pas un rond.
(Quand je pense que pendant que je m’échine à réfléchir, d’autres sont là, pépères, au boulot, en train de lire ce blog, en simulant à s’y méprendre une activité intense, c’est à vous dégoûter tiens.) (Ne te retourne pas lecteur, c’est bien à toi que je m’adresse.)

Et pis merde, qu’est-ce que j’en sais moi pourquoi il est rond ce con.

— Alors ??

Ça c’est Isabelle. Je la connais bien Isabelle, je sais ce qu’elle a pensé : un peu de pression sur le Charly ne lui fera pas de mal. C’est pas nouveau, chaque fois qu’elle m’a vu en mauvaise posture, et je parle de celles que je peux aborder sur ce blog, c’est pression maximum et ça l’a fait beaucoup rire. (Et celles que je peux pas aborder sur ce blog, c’est pareil.)

— C’est pour aujourd’hui ou pour demain ??

Franchement ??

Si encore ils m’avaient demandé pourquoi un igloo est rond et pas carré, là d’accord, mais pas d’bol, on n’est pas au pôle nord. Mais un moulin ?? C’est quand même pas les esquimaux qu’ont fourni les plans non ?? Tiens d’ailleurs j’y pense, les égyptiens, leurs moulins, ils les faisaient en pyramide ??
Ouah, ben ça en fait des questions pertinentes tout ça.

À suivre…

Les 6e4 visitent Alphonse (18/x)

moulin3_75Coquette cité nichée au cœur de la Provence, Fontvieille vous accueille au son de ses cigales enchantées, et du plus loin que l’on puisse voir, vaquent de petites dames bien mises à l’accent ruisselant, aux bras de grands gaillards rustiques et joliment chapeautés. Plus loin, une troupe de cantonniers rigolards, cous rougis et manches retroussées, et fleurant bon le pastaga, ponctue de sifflets mélodieux le passage du séant de ces dames, telle une chorale d’amour, activité ludique et bon enfant qui leur permet d’atteindre haut la main un taux de productivité parmi les plus bas d’Europe.

Puis, là-bas, à la sortie du bourg, sur une modeste colline, parmi la rocaille dont il semble né : le moulin d’Alphonse Daudet.

Ouaaaaaaaaaaaaaaaaah !!!!!!

Oui cher lecteur tu as bien lu : le moulin d’Alphonse Daudet.
Tu le crois pas hein ?? Tu sens une entourloupe hein ?? Allez, dis-le que j’ai perdu toute crédibilité à tes yeux et que t’es là juste parce que c’est gratuit et qu’y a un truc à gagner à la fin !!
(Non y’a rien à gagner, faut pas déconner non plus)

Ben pour être franc, si tu n’y croyais plus, moi non plus. Donc je ne t’en veux pas.

En tout cas pas pour ça.

— Hé m’sieur, c’est lui le moulin ??
— C’est lui les enfants, en personne !!
— Ooooooooh qu’il est beau !!!!!!!!!!!!!
— Tu vois Isabelle, je suis ému, c’est vrai. Pourtant c’est tout con un moulin, mais je sais pas pourquoi, c’est beau.
— Un peu comme toi quoi.

Rien à voir, je fais pas de la farine que je sache. Elle raconte vraiment n’importe quoi cette Isabelle des fois.

Alors évidemment faut grimper un peu, mais juste un peu, mais les gamins grimpent vite. D’ailleurs, c’est bien la première fois que je vois les Bourzig, Trapugne et Brizouille faire un truc aussi vite.

À la limite ça fait peur.

Isabelle assurait le maintien de l’ordre, tâche qui m’incombe rarement, étant catalogué depuis belle lurette comme plutôt créatif en matière de bordelisation en tout genre, alors je me positionnais derrière elle, et en hommage à l’usage local, me livrais à l’activité favorite du cantonnier, sans siffler toutefois, je sais garder mes bonheurs intérieurs.

— Ben dis donc Bourzig, j’savais pas que t’étais rapide comme ça…
— Ben si m’sieur !! J’suis super rapide !! Et même ma mère elle pourrait vous le dire, à la maison, c’est toujours moi qui m’endors en premier !!

Oui ça par contre, j’avais remarqué.

À suivre…

Les 6e4 visitent Alphonse (17/x)

fontvieille— S’il vous plait !! Votre attention !!! On arrive à Fontvieille !!
— Comment ça ?? Déjà ??

Tu viens de tressauter cher lecteur, et je te comprends, à la vue du mot « déjà ».
Car je sais bien ce que tu penses : « Il est un peu gonflé ce Charly, car enfin, c’est quand même depuis janvier qu’on attend d’y arriver à son moulin, alors son « déjà », il peut s’en faire une tresse, ou même un scoubidou, ou ce qu’il veut d’ailleurs, mais qu’il arrête de nous prendre pour des carambars !! »

Alors, cher lecteur, je te répondrai que d’abord, tu ne me parles pas sur ce ton, merci, et que d’autre part c’est MON blog, que j’écris ce que j’y veux, et même que si tu m’embêtes, je détourne le bus et on fait un détour par Marseille. Ah !! On fait moins les malins là !! Alors si j’ai envie d’écrire « déjà », j’écris « déjà », d’ailleurs voilà : déjà déjà déjà déjà déjà déjà.
(Ben ouais, moi, faut pas me chercher.)

— Alors les enfants je vous explique, ici ils parlent pas comme chez nous, ils causent le provençal. Mais je vous rassure, c’est assez fastoche en fait, pasqu’à tous les mots principaux, y suffit de rajouter « ou », et vous serez bilingues. Par exemple, au lieu de demander « la rue principale », vous demandez « la rue principalou » et vous serez compris par les indigènes, c’est bien ça Isabelle ??
— C’est cul-cul la praline ton truc…
— Ah non ! Cul-cul la pralinou !!
— Bon, je te laisse amuser les gosses, nous on va organiser la visite.

Amuser amuser, quel mépris pour mon enseignement. Oh je sais bien ce que tu penses cher lecteur : « Dis donc, sa Isabelle au Charly, comment qu’elle te l’habille pour l’hiver !! ». Et bien c’est d’autant plus cruel que mon seul souhait à son endroit est rigoureusement inverse : la déshabiller pour l’été. Ce qui est autrement plus humaniste non ??

— Hé m’sieur, ça marche aussi pour les noms ??
— Bien sûr.
— Alors moi je m’appelle Bourzigou ici ??
— Voilà, t’as tout compris.
— Et moi Brizouillou ??
— C’est ça.
— Oh c’est fastoche m’sieur !!
— Et vous m’sieur, vous êtes monsieur Le Profou ??
— Heu… oui non mais là non, c’est ambigu, pis de toute façon, quand t’as dit « prof », y’a rien à ajouter.
— Et moi m’sieur, y’a déjà un « ou » à mon nom, comment j’fais ??
— Tu rajoutes rien, c’est que t’es d’ici, voilà tout.
— Mais j’suis pas d’ici !! J’suis de Romanule sur Garpouette !!
— M’sieur, « voilà tout », ça fait « voilà toutou » ??
— AHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAH !!!
— Oh m’sieur !! Y’a Bourzigou qui veut m’faire un poutoutou !!
— AHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAH !!!

Isabelle avait raison en fait, c’est cul-cul la pralinou.

Enfin bref, la bonne nouvelle, c’est que nous sommes à Fontvieille.

Hé oui, déjà.
(et toc.)

À suivre…

Les 6e4 visitent Alphonse (16/x)

charly le prof— Alors Bourzig ?? Chouette not’ bus non??
— Ah ça c’est sûr, on s’croirait à la maison !!
— Ah bon ?? C’est meublé comme ça chez toi ??
— Heu non mais heu…c’est pour dire qu’on est bien quoi… comme des cloques en pâte.
— Pas des cloques !! Des coqs !!
— Ben c’est pareil, on est bien quoi…
— Comment ça c’est pareil ?? Ben demande aux poules si des cloques ça les branche…

Passionnant non ??

Hé oui cher lecteur, c’est ainsi que se déroulait notre voyage, chacun s’occupant à des conversations de bonne tenue, simples mais hautement intéressantes, dépouillées de toute emphase certes, mais non dénuées de raffinement, à la hauteur des exigences de ma charge.
Les conversations de bus ?? Un petit pas pour l’homme, mais un tel bond pour l’inanité.

Mais point de malice dans mon propos, les 6e4 s’avèrent être de redoutables spécialistes quand il s’agit de dynamiser un débat :
— Dites monsieur, on arrive à quelle heure ??

Voilà. Un truc simple, que tu devrais noter cher lecteur, une question qui semble anodine pour le profane, mais qui cache sous sa candide bonhomie une invite à des improvisations échevelées sur l’heure estimée, pondérée par la vitesse réelle et les aléas probables et qui, accompagnée d’un bon gros paquet de patience peut déboucher sur des heures de conversation enivrantes.

Mais les 6e4 peuvent faire mieux :
— Et on mange à quelle heure ??

Voilà. Là, t’es peinard, quand ils auront évalué l’heure de la sustentation, avec leurs petits critères mesquins, fait la liste des victuailles embarquées, ce qui ne manquera pas de les amener à lister les plats qu’ils préfèrent, ceux qu’ils détestent, ils en auront oublié la question et toi la réponse, que t’avais même pas d’ailleurs puisque c’est pas toi le chef mais Isabelle, et le temps aura fait son travail, à savoir : passer. (C’est un travail assez peinard d’ailleurs, t’en connais beaucoup cher lecteur, des gens dont le boulot consiste à passer ??)

Mais attention, nous tâtons ici de l’ordinaire, de la question basique, à deux balles oserai-je, car tout peut basculer très vite :

— Hé m’sieur, pourquoi le moulin il est si loin ??

La colle.

Là je sais pas. En général je trouve, mais là je sais pas. C’est vrai ça, pourquoi le moulin d’Alphonse Daudet est là-bas alors qu’il aurait pu être ici ?? J’en sais rien. On a tous nos limites, les 6e4 m’obligeaient une fois de plus à explorer les miennes. Si toi lecteur tu sais pourquoi le moulin est là-bas et pas ailleurs, je t’en supplie, envoie-moi l’explication en message privé et je t’en saurais gré (avant la fin du voyage si possible merci).

Et quand je sèche, un seul recours : Isabelle.
— Dis Isabelle, les gamins posaient une question pertinente, je te la rapporte, pourquoi le moulin est si loin ??
— Pourquoi le moulin est si loin ?? Une question pertinente ?? C’est surtout une question absurde. S’il est loin, c’est qu’on n’habite pas à coté, c’est tout.

Et vlan.

Ça, c’est du Isabelle tout craché, tu lui dis que tous les chemins mènent à Rome, ben elle prendra le plus court, c’est tout.

À suivre…

Les 6e4 visitent Alphonse (15/x)

bus2— Oh m’sieur !! Le bus de rechange !!!

Ah la bonne heure !!! Un bus tout beau tout neuf !! Avec même des WC dedans et une TV !! Comment qu’ils vont te saloper tout ça les 6e4, ça me fait peine tiens.
— Dites chauffeur, comment ça se fait qu’on ait un bus aussi beau ?? C’est pour les voyages organisés ça non ??
— Ben pas le choix m’sieur, on n’avait que ça sur Avignon, pis priorité aux gosses quoi. Dites-leur quand même de pas trop salir, j’vais à Venise avec le week-end prochain.

Ah mais ça il fallait y penser avant mon gars. C’est des 6e4 qu’on a avec nous, pas des êtres humains comme vous et moi, y réagissent pas pareil, donc avant Venise, trouve-toi un bon Kärcher ou mieux, un Airbus pour remplacer. Mais comme tu m’as l’air sympathique, je veux bien demander aux 6e4 de faire attention.

— OHHHHHHHHH !!! LES 6e44444444444444 !!! Bon vous avez vu, on a un car tout neuf, alors s’il vous plaît, dans la mesure du possible, évitez de salir, merci d’avance !!

Et là, regarde bien les 6e4 lecteur…

T’as vu ??

Ben y bougent pas. Et tu sais pourquoi ?? Ben c’est le verbe « salir » qui leur pose un problème. Y comprennent pas. Pour eux « salir » est synonyme de « vivre », ça a la même racine, donc c’est comme si tu leur demandais d’arrêter de respirer, alors que ça on le demande jamais.

Allez, un deuxième essai, regarde bien lecteur…

— Est-ce que c’est bien compris ??
— OUIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII !!!!!

Voilà. Là ils ont l’air de dire « oui », mais en fait non. Ils disent oui pour te faire plaisir, pasque c’est pas des mauvais bougres, et pour eux c’est pas vraiment un mensonge d’ailleurs, mais en fait y comprennent pas, c’est tout, c’est du chinois pour eux. Et le chinois, on fait pas chez nous.

Mais peut-on leur en vouloir ???

BEN UN PEU MON NEVEUUUUUU !!!!!!

— Si c’est sale, écoutez-moi bien, si c’est sale, par votre faute, la punition que je vous réserve, et que j’ai concoctée spécialement à votre intention, la punition dis-je sera telle, que votre vie en sera bouleversée, votre ADN moribond dégradé en une cellule primitive, vos chromosomes clochardisés, et vos doudous passés au chalumeau. Les bras vous en tomberont des épaules tandis que vous fuirez les jambes à votre cou…je vous laisse imaginer la scène… Alors ?? Vous ferez gaffe ??
— OUIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII !!!!!

Voilà. En quelques mots résumé, tout l’art de faire adhérer à un objectif.

Et c’est à ce moment précis, que j’ai renversé mon Coca.

À suivre…

Les 6e4 visitent Alphonse (14/x)

grenouilleJ’sais pas si vous avez remarqué, mais les gosses adorent jouer avec les crapauds.

(C’est pas de la super phrase d’introduction ça ??)

Jouer avec les crapauds ou plutôt les titiller un peu avec un brin de sadisme si possible.
À se demander si les gosses ne sont pas de vrais vicelards. Et d’ailleurs, si ce n’était le cas, aurait-on besoin de les éduquer ??
Donc toute la fine équipe des 6e4, elle fait quoi à votre avis ??
Ben elle s’est dégotée un crapaud. Doit y avoir un seul crapaud pour tout le département, mais qu’on se rassure, les 6e4 l’ont trouvé.

— M’sieur à quoi on reconnaît que c’est un crapaud ou une grenouille ??
— Ben aux bosses pardi. Le crapaud a une bosse, la grenouille deux, et c’est facile à se rappeler : grenouille ça prend deux l, donc deux bosses.
— Elles sont où les bosses m’sieur ??
— Attends fais voir, retourne le crapaud toi au lieu de tirer sa bave avec ton bâton !!
— Ah ben non c’est dégoûtant !!
— Moi m’sieur j’veux bien le retourner !!
— Vas-y Brizouille, avec le pied si tu veux… ou mieux, prend la boîte de conserve là…
— AAAAAAAAH !!!! BEURKKKKKKKKK !!!
— Alors m’sieur elles sont où les bosses ??
— Ben j’sais pas, j’les vois pas, si ça se trouve il a pas de bosses çui-là…
— Si là, y’a comme des petites bosses…
— Non ça c’est les testicules.
— OOOOOOOOH !!! BEURKKKKKKKKK !!!
— Quoi beurk ?? Passe-moi ton bâton toi… allez passe-moi le… mais cacahuète de camembert !! Pourquoi y colle comme ça ce bâton ??
— J’l’ai tombé dans le cambouis m’sieur…
— Ah j’te jure ces gamins… passe-moi ton mouchoir toi… alors, regardez bien, je vous montre la bosse avec le bout du bâton… là… précisément là, y’a une bosse…
— Alors c’est un crapaud m’sieur ??
— Je crois, et si on appuie là, normalement, y crache son venin… ON S’ÉCARTE !!!
— AAAAAAAAH !!!! BEURKKKKKKKKK !!! N’APPUYEZ PAS M’SIEUR !!!
— Oh ça va, qu’est-ce que vous êtes sensibles alors… ISABELLE !!! Viens voir s’il te plait…
— Qu’est-ce qui ce passe ici… Oh purée !!! Quelle horreur !!! Une grenouille !!!
— Heu… ou un crapaud, on sait pas en fait. Et justement, c’est bien les grenouilles qui ont deux bosses ??
— Deux bosses ?? Ah non, c’est les chameaux.
— Les chameaux ?? Ah zut, j’ai confondu… et lui il en a qu’une de bosse alors c’est quoi ??
— Hé bien les enfants, j’ai une sacrée nouvelle à vous annoncer, selon les critères de Monsieur Le Prof, ce que vous voyez devant vous est un dromadaire.
— AHAHAHAHAHAHAHAHAHAH !!!!!!!
— Un dromadaire ça ?? N’importe quoi, on n’est même pas dans le désert. Pis ça prend pas deux l que je sache.

Je te laisse imaginer cher lecteur la fierté qui emplit le coeur de cette innocente grenouille là devant nous, de se voir ainsi affubler du titre honorifique de « dromadaire ». Vivre aux confins d’un parking insalubre et se voir catapulter par la magie d’un prof ignare dans un conte des mille et une nuit, côtoyer les sultans et les belles de nuit, suffit à vous remplir une vie, fut-ce une vie de grenouille. Est-ce pour cette raison qu’elle gonfla le torse, fit des bonds de cabri avec salto arrière et triple lutz avant de prendre la tangente ??

— Oh m’sieur elle se sauve !!!
— Non mon enfant, elle rejoint Sinbad, Aladin et la princesse Boudour, Ali Baba et les siens, là-bas au loin, juste derrière la déchetterie…
— Ça va aller Charly ?? Tu veux mon mouchoir ??

À suivre…