
C’est en fait la seule revendication d’un collégien.
Pouvoir mâcher.
Un ethnologue ou un pédagogue pourrait certainement nous instruire sur cette activité néanderthalienne.
Pour ma part, je suppose qu’à l’immobilité contrainte, l’élève oppose la mastication comme libératrice de l’énergie contenue. Une soupape, en quelque sorte.
Seules les dentitions appareillées, sous prescriptions, en ont l’interdiction formelle.
Il est curieux de les voir se livrer à ce machouillage studieux.
Il s’agit en fait d’un processus de broyage systématique, compulsif et consciencieux.
Son but étant d’extraire les agents de saveur, toujours trop vite dissipés, jusqu’à l’obtention de la matière brute, insipide.
L’objectif atteint, la tension s’atténue, laissant place à un automatisme machouilleur presque classique.
Mais qu’advient-il du chewing-gum en fin de vie ?
Attardons-nous un instant sur leur destination de prédilection.
À ce stade, une visite sous les tables s’impose.
Suivez le guide.
Là, devant vous, surgissent des cimetières entiers, chaos de couleurs et de formes.
Un monde à l’envers, ignoré de tous, un univers de montagnes et de vallées multicolores, un décor de science-fiction, bariolé, se déroule sous les yeux.
Chaque colline est marquée, signée d’une ultime empreinte, celle du pouce écraseur ou de l’index étaleur.
La datation est bien sur possible, puisque fonction de la dureté.
Mais redressons-nous.
L’addition de multiples gommes dans une même bouche est un vrai défi.
Le volume obtenu provoque une amplitude de mouvement peu commune.
Le décrochage du maxillaire inférieur constitue un risque réel mais visiblement envisagé avec cran.
L’énergie produite est clairement mesurable.
Seulement voilà.
— T’as quoi dans la bouche ?
— Un chewing-gum
— Tu vas jeter ça, s’il te plaît.
— Mais m’sieur, je viens de l’commencer !
— J’veux pas savoir. Va jeter ça.
La mine s’assombrit. La colère n’est pas loin mais reste contenue.
Ainsi débute la phase de deuil.
La corbeille est en vue.
Le geste se fait lent, la démarche lourde.
Gagner du temps. Le chemin est long jusqu’à la corbeille.
Le masticage s’accélère, il s’agit d’extraire au plus vite la saveur.
La production salivaire se fait intense.
Surtout ne rien laisser
— Tu veux bien te dépêcher ?
Non, c’est clair, pas de sursis.
La corbeille est là. C’est trop bête.
D’un geste rageur, jeter la gomme presque neuve. Un gâchis.
Le retour est humiliant.
Il faut se venger. Le retour sera plus long que l’aller. Un p’tit mot aux copains en passant.
C’est de bonne guerre.
Et là, l’illumination.
— Mais m’sieur, vous mangez un chewing-gum là !
— Non, moi c’est de l’aspirine.
tiens tiens
alors votre site, il est gé-ni-al ! je suis un élève (si vous avez un tant soit peu un reste d’anglais vous devriez vous en douter),et pour une fois qu’un prof fait un site lol !C’est vrai que le chewing,c’est cool ! Je ne suis pas du genre à mâcher en classe, mais j’aurais bien aimé !!!
tu oublie de mentionner les chewing gum collés sous les chaises, les plus meutriers. Tu replies tes jambes et voilà la surprise du chef : ton jean reste collé à la chaise, il fait des fils. C’est vraiment dégueulasse ! (ça sent le vécu, oui…)