Chez les 6e4, on pétrit le bonheur à pleines pognes

ATTENTION !!!! ATENCIÓN !!!! ACHTUNG !!!! DIQQƎT !!!!

Ce texte comporte un nombre considérable de grossièretés. En effet, le mot c… est cité à plusieurs reprises ainsi que le mot c… Je te sais sensible cher lecteur aussi je te déconseille de consommer cette infâme mixture, d’autant qu’une fois dans ce texte, apparaît aussi le mot c…

Il fut 8h34 ce jour-là quand jaillit soudain du fin fond de la classe, la chose suivante :
— Ah merde !! Y’a une couille dans l’pâté !!!

Tu imagines sans peine cher lecteur l’état dans lequel je devins sous l’impact du mortier. Aussi réagis-je promptement comme suit, non sans avoir récité au préalable trois benedicite et je vous salue Marie :

— Non mais oh Brizouille, t’as pas des expressions plus comestibles non ?!?! Une couille dans l’pâté, non mais c’est quoi ces expressions à la co… heu… à la noix ?? Hein ?!?!
— Scusez-moi m’sieur, c’est parti tout seul…

Tu imagines cher lecteur la poilade sonore qui s’empara de la troupe à l’annonce faite par Brizouille, reléguant du coup mes injonctions au rang de bruitage pour malentendants et mon statut de prof à celui de préposé à l’éveil musical à Roissy aux heures de pointe. Je sentis bien à ce moment précis, que les 6e4 touchaient à une espèce d’extase, de grâce, de l’ordre de l’indicible, une certaine forme de transcendance, car enfin, et reconnaissons le une bonne fois, une grossièreté bien pansue vautrée dans une salle de classe, et en plein cours, franchement, que reste-t-il après ça ???

— C’est parti tout seul ?? Tu l’as quand même bien accompagnée non ??? Et d’où tu sors des expressions pareilles toi ??
— Ben j’sais pas… ça s’dit pas ??
— Ben quand même, on dit pas « couille » pendant un cours… dans l’pâté en plus…

Le fait d’avoir dit « couille » à mon tour transporta l’effectif aux confins du nirvana, car un prof qui dit « couille » c’est pas tous les jours, c’est Collector, ça s’arrose, telle la première dent du p’tit, et le volume sonore dépassa largement les normes en vigueur en prenant trente décibels dans la vue : Roissy foulé aux pieds.

L’hilarité générale fit plaisir à voir, comme quoi, un simple mot… Ah l’insouciante jeunesse !!!! Mais afin d’éviter la débandade, je me dus de mettre le holà à ce tollé :

— OOOOOOOOOH !!! MAIS C’EST PAS UN PEU FINI CE BOR… heu… ce… ah zut… heu… j’l’ai au bout de la langue… heu… CETTE PAGAAAAILLE ??? MORGNOLE QUOI ???
— Non je disais Monsieur, c’est vrai que c’est vulgaire comme expression…
— Ah, t’as entendu Brizouille ?? Même tes copains n’emploieraient pas une telle expression… Oui Morgnole ??
— Et pour la bonne et simple raison Monsieur Le Prof, qu’à la maison nous ne mangeons pas de pâté mais de la terrine…

Y s’foutrait pas d’ma gueule lui ???

L’assujetti à l’ISF me prendrait-il pour une truffe ??? Hum???

Mais à sa décharge, et soyons équitables, une « couille dans la terrine », ça l’fait moins, c’est vrai.

(Renseignements pris auprès de collègues compétents, il semblerait que l’expression « couille dans l’pâté » soit largement répandue et que son succès soit due à sa puissance d’évocation à la limite de l’allégorie, au jeu subtil des allusions et leur imbrication complexe, à la petite touche de vulgarité qui rehausse l’ensemble, et qu’elle allie en un trait d’une remarquable concision l’inattendu d’une situation à l’effet de surprise résultant. Sous son allure de métaphore burlesque et sexuellement connotée, elle nous révèle une vraie capacité à synthétiser ce qui d’ordinaire relève de l’expertise en matière de constat, d’échec en l’occurrence. Toutefois, elle n’est pas typique de nos régions puisque l’on retrouve une variante tout aussi imagée dans le nord de la France « la couille dans l’potage », dont la déclinaison potagère semble liée à une température bien moins clémente chez nos amis du Nord qui explique en grande partie le choix du met. Et puis c’est vrai qu’ici, nous sommes plutôt pâté.)

— Hé m’sieur, si c’est dans l’dictionnaire, c’est pas un gros mot « couille » ?? Non ??
— J’veux pas l’savoir, dictionnaire ou pas, j’veux pas d’couille en classe, C’EST CLAIR ?!?!

Tu parles que c’est clair : raz de marée immédiat, des vagues de fous rires hautes de 15 mètres dévalant sur mes mocassins Auchan, déferlant parmi les tables dans un raffut du diable emportant ce qui me restait de dignité dans un des plus beaux foutages de gueule de ma vie vus, me laissant comme un c… , que dis-je : comme une péninsule.

Mais c’est vrai que sous l’effet de l’emportement, parfois, certaines phrases se présentent à l’auditoire dans une tenue plutôt débraillée voire incomplète, d’où des quiproquos parfaitement regrettables. Car tu le sais cher lecteur : « un seul mot vous manque et tout est dépeuplé ».

— Ha ça, ça vous amuse, ah oui, pour ça, ah oui, ah ben d’accord, si j’avais su…
— Mais m’sieur, un mot qu’est dans l’dictionnaire on peut le dire non ???
— HOOOOOO !!! Un peu moins de bruit s’il vous plait !!!! Oui Morgnole ??
— Si un mot est dans l’dictionnaire c’est qu’on peut le dire oui ???
— Ah ouais ?!?! Hitler aussi est dans l’dictionnaire, ça l’rend pas plus fréquentable pour autant non ?? Et toc, cogite ça au château. Bon allez, on…
— M’sieur m’sieur !!! Et qu’est-ce que j’dis à la place de la couille dans l’truc alors ??
— Hé bien mon cher Brizouille, tu peux tout à fait, à la place de « couille dans l’café »
— DANS L’PÂTÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ M’SIEUUUUUUR !!!!!!
— Ah oui, décidemment, j’ai un problème avec le pâté moi, excusez-moi les enfants. Oui donc, si tu manques d’expressions Brizouille, j’peux t’en livrer. Tu as « le cheveu sur la soupe » par exemple, c’est pas mal non ??? Tu as « la mouche dans le lait » aussi, et bien d’autres encore, j’sais pas moi… mais certainement pas une couille dans la purée…
— DANS L’PÂTÉÉÉÉÉÉÉÉ M’SIEUUUUUUR !!!!!
— Oui dans l’pâté, excusez-moi, autant pour moi. Bon, en tout cas, si j’entends encore ce genre de truc je vais sérieusement sanctionner, car nous sommes dans un collège je vous le rappelle, et ça ne me fait pas rire du tout !!!

Je n’étais pas sûr d’avoir bien compris ce que je venais de dire, mais vu le bordel ambiant, je sus que visiblement les 6e4 : si.

Alors je pensai trouver brin de grâce auprès de Fanny, un poco de dulzura en este mundo de animales, le soupçon de mayonnaise qui rend la patate si douce, et m’enquis de savoir comment d’aussi chastes pavillons avaient enduré de si vilaines choses, aussi m’adressai-je à la joliesse :
— Alors Fanny, pas trop choquée ?? Je suis vraiment désolé mais…
— Mais non m’sieur ça va !!! Hé m’sieur, hihihihihihi, couille, ça rime avec Brizouille…

À part ça, ça va.

10 réflexions sur "Chez les 6e4, on pétrit le bonheur à pleines pognes"

  1. Ah, Charly, quel bonheur de vous lire. Merci aux 6e4 d’être source d’autant de poésie et de délicatesse. J’en profite pour ajouter que l’expression « autant pour moi » s’écrit en réalité « au temps pour moi », issue du vocabulaire militaire précisant qu’un soldat n’était pas dans le temps du mouvement amorcé par ses camarades et que l’exercice devait être repris. Mais, selon certains dictionnaires, votre graphie est acceptée. Je n’ajouterai qu’une chose : Encore !!!

  2. « Si un mot est dans l’dictionnaire c’est qu’on peut le dire oui ???
    — Ah ouais ?!?! Hitler aussi est dans l’dictionnaire, ça l’rend pas plus fréquentable pour autant non ?? Et toc, cogite ça au château. Bon allez, on… »

    Alors celle-là, impayable!

  3. La fin de l’année scolaire approche et le relachement se fait sentir !!!
    Tout se relache même les c …..

    Encore merci pour ce texte hilarant

  4. Alors là respect Charlie. non seulement tu nous fais marrer: « si j’entends encore ce genre de truc je vais sérieusement sanctionner, car nous sommes dans un collège je vous le rappelle, et ça ne me fait pas rire du tout !!! OUARF, OUARF c’te blague, mais en plus tu nous prouves que l’erreur est formatrice ce que nous nous tuons à répéter à nos élèves.
    Cela fait des années que j’ai corrigé « autant » pour moi et que je n’osais plus écrire cette expression car je ne savais pas quelle en était l’origine (comment ça on s’en fout?).
    Merci Antirouille!… qui rime également avec C…..

  5. je me balade sur le web, sans grand enthousiasme…
    et PAF ! m’est apparu une idée lumineuse, faire un tour sur ton blog…
    et je le quitte toujours aussi enchantée !

  6. C’est vrai que le Brizouille aurait pu dire :
     » y’a une orchidée dans le pâté  »
    Vérifiez l’étymologie (d’orchidée pas de pâté !). Je frime mais j’ai appris ce truc, il y a une semaine !
    Encore merci Charly pour ce bon moment

  7. il peux aussi dire « y a un os dans le boudin »

    Ou alors faire comme Georgia nicolson  » la seule blatte dans le velouté »

  8. Quand on écrit si bien, on peut tout raconter et tout semble digne, je me délecte autant du fond que de la forme !

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