C'était un dimanche soir

Dimanche soir, tandis que je repassais quelques chemises, tout guilleret, sifflotant comme à mon habitude « Singing in the rain », je fis une pause et songeai dubitatif à Livingstone, qui au même âge remontait le Nil à la recherche du lac Victoria, à Neil Armstrong marchant sur la lune, ces aventuriers, mes illustres prédécesseurs, et comprenant soudain l’évidente filiation ainsi que le chemin parcouru par l’homme, c’est presque ému, qu’après avoir réglé mon fer sur « coton », j’expulsai un puissant jet de vapeur conquérant.

Puis, venant d’apprendre la victoire de Sébastien Lœb au rallye d’Irlande, mû sans doute par le même goût du risque, je manœuvrai tel un bolide mon fer à repasser, longeant à fond de cinquième le bas de chemise dans une grande courbe à gauche, puis je slalomais adroitement entre les boutons, évitant de justesse un tête à queue fatal avant d’aborder en un splendide dérapage, et dans un nuage de vapeur, le col, que je lissai en un seul passage. Je constatai que j’étais définitivement un des meilleurs pilotes de fer à repasser, et je m’octroyai un nouveau titre de champion du monde puisque l’opération dura moins d’une minute.
L’homme cherche toujours à se dépasser, je venais d’en faire la démonstration.

Mais c’est pendant que je cherchais mes pantoufles sous le lit que je fus saisis par une terrible interrogation existentielle.
Pris de vertige par la pertinence de ce questionnement, et titubant presque devant l’imminente révélation, je m’installai sur le canapé, une canette à la main, ma tablette de Milka sur les genoux, et là, fixant sans ciller ma mule gauche, je m’avouai l’évidence : et si j’étais un winner ?!?!?

Cet aveu me donna un terrible coup de peps, j’eus soudain l’envie d’en découdre, de bouffer le monde entier, et c’est donc tel un conquérant de l’impossible, éjectant mes pantoufles d’un geste rageur, que je décidai de regarder Benny Hill sur RTL9.

24 réflexions sur "C'était un dimanche soir"

  1. adaptation théâtre

    La compagnie d’Auz’, notre troupe de théâtre enfants (7 à 17 ans) présentera cette année un spectacle autour du thème de l’école et du collège. Pourrions-nous envisager d’utiliser certains de vos textes pour une adaptation au théâtre ?Ils nous ont donné envie de ponctuer un spectacle assez caricatural sur les profs (adapté de la bd du même nom), pour offrir un autre regard, et l’opportunité à nos grands super qualifiés de se frotter au one-man show…
    Alors on vous demande (gentiment, avec un beau sourire et les cheveux bien coiffés) la perMISSION !

  2. Mouais….

    Ah oui quand même… Benny Hill… vu que tu parlais de Lœb quelques lignes plus haut, j’ai espéré un moment que Benny Hill soit le frère de Grant Hill…ou le cousin de Graham… Mais non…
    C’est dur de constater les dégâts causés par les élèves… les profs ont vraiment un boulot difficile… en plus d’un concours complétement fou, le quotidien vous use plus que la normale…
    Benny Hill… faut-il vraiment tomber si bas…
    T’es un Winner!!!
    Sans aucun doute!!!

  3. Je suis époustouflée par tant de virtuosité au repassage!
    Les pantoufles de winner…c’est des Citroën ?
    …ça tient la route sur le Milka ?

  4. J’enverrai bien mon mari en stage chez l' »un des meilleurs pilotes de fer à repasser ».

    C’est possible de discuter horaires et tarifs ?????

  5. Pour mettre à l’échauffement ces fabuleuses compétences toutes fraiches du ouineur qui s’ignorait jusque là, je peux fournir matière à entrainement intensif, en l’occurrence les battées de linge à repasser d’une famille de 8 personnes. Non non, ne me remerciez pas, cher collègue, c’est de bon cœur.

  6. Un grand bol d’ autosatisfaction ne fait jamais de mal. Une grande bouffée d’ égocentrisme non plus, d’ autant que cela n’ aura aucune incidence sur la couche d’ ozone ni sur le réchauffement climatique, quoique ton fer tu le fais peut-être un peu trop chauffer lui, mais bon, c’ est pour soigner ta présentation, alors on ne dira pas plus.
    Je ne voudrais pas te faire de la peine mais Benny Hill est mort depuis longtemps. Il est mort seul, sans famille, dans la plus grande solitude. Il se repassait lui-même ses chemises. Comme quoi, les plus grands comiques ce ne sont pas ceux qui rigolent le plus dans la vie…

    Bisous charly et bon ouikinde

  7. Ah fier conquérant!

    Tu es de la race des vainqueurs, tel Colomb et sa découverte des Amériques prospères (youpla BOUM!)alors qu’il cherchait le chemin des Indes dépeind d’épices (prospère, pain d’épice, non?elle est pas mal celle là …?!) mais on va pas chipoter pour quelques milliers de km, Newton qui a decouvert en même temps la gravité, la compote de pommes et l’aspect surfait d’une sieste dans un verger, et mon oncle qui trouvé la formule de la dissolution de la glace dans l’anis et la sortie du frigo alors que la lumière était éteinte, toi aussi tu mérites de figurer au panthéon des hommes illustres et autres insufflés du bulbe. (et tout ça en une seule phrase svp …)

  8. Au fond…

    … Chacun est un winner. On m’aurait presque proposé de bosser pour Yves Saint-Laurent après que j’ai repassé une chemise… Résultat très new age… Mais pas assez Y S-L.
    (J’ai failli tuer mes quatre professeurs de technologie successifs, en fait.)

  9. Tu serais pas en location ? Le pilote de fer à repasser de la maison est en congé et ne reviendra probablement plus, c’est une horreur !

    Allez, avec un petit coup de bol en plus t’as un petit don d’ubiquité de derrière les fagots, ne nie pas !

  10. Excellent texte!
    Repasser une chemise, bravo, je n’en suis pas capable (l’avantage d’être une femme réside essentiellement dans le fait de pouvoir porter des trucs avec plein de stretch dedans. Du coup, en donnant un chtit coup de fer, ça passe très bien!
    Je pense que si j’avais eu un prof de techno winner qui regarde Benny Hills, mon variateur sensitif aurait fonctionné et mon solitaire en plexiglace aurait les 4 coins tournés dans le même sens.
    Et surtout, surtout, j’en serais pas là : http://elogedelapipeautique.over-blog.com/

  11. Allez, je suis sûre de d’aussi belles qualités doivent pouvoir s’exprimer sur d’autres terrains.
    Avez-vous essayé le lustrage de parquet ?
    Là, le vrai winner trouve un espace où s’épanouir.

  12. S’il y en a pour vous reprocher de vous être assoupi, moi je vous dis, c‘est le repos du guerrier. Un « winner » doit ménager sa monture.

  13. Y en a pas 2 comme vous !… enfin si mais l’autre c’était y a très longtemps au xxème siècle

    J’ai tout lu d’une traite comme un bon livre qu’on ne peut pas lâcher avant la dernière page. QUEL TALENT ! BRAVO.

    P’tite question perso : comment se fait-il qu’un auteur comme vous ne soit pas encore publié ?… je propose pour votre prochain livre de nouvelles un nom d’artiste du style Charly Hemingway… ça sonne bien, hein oui ? Bon c’est sûr il faudrait aussi inventer un nom de bière qui va bien à la « Papa hemingway »… et qui sait dans quelques années, vous écrirez peut être « Le vieil homme et l’école » avec à la clé un Pulitzer et un Nobel de littérature… C’est tout le malheur que je vous souhaite.

    Si vous n’existiez pas, faudrait vous inventer.
    Amitiés

  14. Hummhum…

    Oh… si tu regardes RTL9… y’a de fortes probabilités pour que tu sois lorrain mon cochon.
    Tout le monde sait bien que, même si RTL9 existe sur le câble et le satellite, y’a que les lorrains qui regardent RTL9 (et encore…)

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