Le Saint Gouin-Gouin (attention : texte gore)

Lors du dernier départ à la retraite, qu’on a fêté en salle des profs, Christophe a amené une bouteille de vin.
Comme ça.
Une bouteille de Saint Gouin-Gouin.
Sympa.
Vous connaissez le Saint Gouin-Gouin ? Non ?
Veinards.

Bon, le Saint Gouin-Gouin, c’est un pinard de par chez nous, mais de l’intérieur des terres quoi.
Ici, la désertification des campagnes, on la doit autant au Saint Gouin-Gouin qu’à l’attrait de la ville.
Un truc qu’a fait bien des malheurs, des veuves éplorées, au début en tout cas, des orphelins par cagettes entières, qu’a souvent été interdit par décret mais la tradition est tenace.
Comme le Saint Gouin-Gouin.
Son secret ? Un mélange détonnant à haute teneur en soufre et un pH redoutable.
Et du raisin bien sûr, mais en quantité raisonnable.

Le Saint Gouin-Gouin faut toujours taster d’abord.
Prévoyez une bonne journée, et autant pour récupérer.
Le petit plus, c’est de taster avec un pote secouriste.

Alors comme des pros avec Cricri, on le fait tourner dans le verre.
Le Saint Gouin-Gouin.
Mais comment vous dire, comme il a un peu la texture d’un yaourt notre Saint Gouin-Gouin, ben en fait, faut le faire tourner avec le doigt.
Et là, un bouquet se dégage.
D’ailleurs, je vous conseille de faire pareil.
Non, j’déconne.
Encore que.

La robe est bien rouge, un rouge qu’on connaissait pas avec Christophe et qu’on a baptisé : le rouge Saint Barthélemy.
Rapport aux dégâts causés par pépère.

Et pis vient le moment de goûter.
D’habitude, un tasteur recrache après avoir goûté mais avec le Saint Gouin-Gouin c’est pas possible.
Parce que s’il a la texture d’un yaourt, il a l’adhérence de la glue.
C’est à ça qu’au pays on reconnaît les addictes : y z’ont les dents rouges.
Remarquez, ça surprend un peu au début, pis on s’y fait.
Et quand je dis que ça se remarque, pas trop en fait, puisque le visage autour est bien rouge aussi.

Dans les restos du coin, on vous dira qu’il accompagne parfaitement les viandes rouges.
J’suis assez d’accord.
Bon, moi, c’que j’en dis, c’est qu’y vaut mieux rien manger avec.
Mais bon, vous faites c’que vous voulez.
Ou éventuellement, boire un peu d’eau.
Prévoyez un pack.

Après un verre de Saint Gouin-Gouin, vous vous sentez comme envahi, transgressé.
Profané quoi.
Comme si quelqu’un avait pris possession de votre cerveau et qu’il vous envoyait des messages.
Bon, simples les messages quand même.
Juste des grands coups, un peu façon tam-tam, et juste derrière le crâne, voyez.
Et pis toujours au même endroit, et bien réguliers.
Donc du coup la nuque se raidit un peu.
Au début en tout cas.
Mais bon, rien d’alarmant.

Après le deuxième verre, comme ça, sans y prêter attention, vous commencez à devenir myope.
Au début, juste un peu, donc pas d’quoi s’inquiéter.
Mais vous sentez bien qu’il y a anguille sous roche, et que vos rétines sont en train de s’faire la malle.

Et pis là, mine de rien, vous sentez que vos bras sont plus lourds.
Rien de bien méchant, là encore, pas d’quoi paniquer.
Mais quand même.
Un peu comme si vous portiez des enclumes quoi.
Mais des petites.

Après le troisième verre, sans en avoir l’air, vous commencez à rire un peu plus fort.
Au début, personne fait attention.
Et pis vous riez pour n’importe quoi.
Un peu genre quand le chef y vous demande comment ça va et qu’vous vous pétez de rire.

Et pis là, comme ça, l’air de rien, tous les mots des phrases que vous voulez dire, et ben y se regroupent dans votre cerveau.
Et pis y font des paris à la con, et y z’arrivent dans votre bouche dans n’importe quel ordre.
À la va-comme-j’te-pousse
Et vous dites n’importe quoi.

Et même des fois, y’a des lettres qu’elles viennent même pas.
Et vous faites de belles gaffes.
Un peu genre vous demandez à François un jeune collègue de maths dans quel coin il habite et que vous oubliez le i de coin.
Par exemple.

Après le quatrième verre, y’a un truc qui vous met la puce à l’oreille, vous commencez à sentir vos genoux.
Parce que ça fait déjà un bon quart d’heure que vous oscillez grave d’avant en arrière et qu’il est temps de remercier vos rotules de faire leur boulot, parce que sinon, y’a bien longtemps que vous auriez mis un genou à terre.
Mais pas du bon coté quoi.

Après le cinquième verre, le doute s’installe, car vous n’avez plus le son ni l’image.
Bon là, sans être alarmiste, y’a d’quoi s’inquiéter.

Enfin, moi, c’que j’en dis.

Bon, si ça vous intéresse, je peux vous en avoir quelques bouteilles.
En général, on achète ça pour offrir.
Bon, je dis bouteille mais je devrais plutôt dire jerrican.
Ouais, c’est les chicaneurs de l’AOC qu’y disent qu’à la place de bouteille, on devrait dire jerrican.

Mais c’est rien qu’des médisants ceux-là.

14 réflexions sur "Le Saint Gouin-Gouin (attention : texte gore)"

  1. GROSSE CANNISSE

    T’as pas composé tout ce texte pour placer le mot jerrican ??? C’était une commande : écrire un texte de 200 mots qui se termine par jerrican ??? :-) Et bin bravo !

  2. chez nous on appelle ça du bon gros rouge qui tache…enfin je dis chez nous mais ici y en a pas!!!nous ce sont les côtes du rhône, le condrieu blanc,…des nectars quoi!!

  3. mais qui est ce gouin gouin finalement? encore un serial killer qui veut sa photo à la télé?
    ‘toute façon, moi si je bois plus de deux verres de quoi que ce soit, je rentre chez moi en volant, puis après je fais du bateau dans mon lit. par contre les dents rouges et les yeux bleus, ca fait un peu belfégor…!
    Où sont les toilettes?

  4. ouh ouh charly! fais péter le jerric, on en aura peut-être besoin dimanche prochain! quoique…on a besoin des genoux pour courir vite…ayyyyyyy…misère!

  5. Je présume que ce grand cru est réservé aux enseignants? Ca m’aurait étonné aussi que vous exerciez si vaillamment dépourvus de quelque substance décontractante _terrassante?. Essaie de faire passer ça pour du jus de raisin un midi à la cantine, et de camoufler ça en une messe, style « Bois, ceci est Mon sang »

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