Le catch (3/3)

Puis les compères enchaînèrent prises sur prises, toutes conclues en chutes impromptues agrémentées d’onomatopées diverses, ou selon, en gamelles mémorables, qu’ils prirent soin d’intituler, en anglais bien sûr, expressions dont je vous fais une traduction sommaire : l’étêtage printanier, le désossage lombaire, la niveleuse nasale, le défriseur à main, la guillotine enchantée, etc.

Et je confesse cher lecteur, ma grande surprise d’autant de virilité émanant de si peu. Et que diable, quelle énergie !! Quand on sait ces deux lascars abonnés à un constant immobilisme, sans doute leur seul forfait mais celui-ci illimité, qui m’interrogea bien des fois, je ne peux m’empêcher d’y voir quelque diablerie. Oh bien sûr, Einstein nous expliqua que la matière n’était que de l’énergie figée, mais bon dieu !! Voyant Bourzig, qui le croirait ??? En faudrait-il de foi aux incrédules d’imaginer derrière tant d’inertie moult électrons tournoyant à en perdre tête autour de noyaux stoïques n’en demandant pas tant ??? Car enfin, comment autant de mouvements produisent si peu d’actions ???

Ainsi donc, Bourzig était de la race des guerriers, valeureux combattant hargneux à l’ouvrage, digne descendant de nos ancêtres chasseurs de mammouth, ne reculant devant rien pour assurer l’apport en protéine de la tribu (mais quid des fibres ???), hormis les devoirs à la maison, tandis que les femelles admiratives reprisaient leurs pantoufles en peau de tyrannosaure retourné, traditions perdues à jamais, comme Amina le démontra par cette déclaration laconique :
— C’que vous avez l’air bête…
— L’air con tu veux dire…

Là encore, ce fut Fanny qui précisa le détail psychiatrique, décidemment une élève remarquable cette Fanny, et bien que tiquant sur le choix du mot, je m’abstins de reprendre la joliesse, d’autant qu’Anaïs, arrivant sur les lieux, observant le fatras de jambes sur ce coin de pelouse, abrégeât la démonstration par un substantiel :
— Ben qu’est-ce qu’y font ??? Y s’font des mamours ???

Il n’en fallut pas plus pour que les 6e4 s’adonnassent à une franche rigolade, à laquelle je contribuai à hauteur de mes moyens, alors que les deux lascars stoppaient net leurs malaxages guerriers et autres tripotages belliqueux, sentant, plutôt intuitivement dois-je dire, qu’ils passaient vaguement pour des cons.

Ainsi les deux compères découvraient le sens du mot « ridicule », comme toi cher lecteur, le jour où ta conquise, après t’être donné un mal fou à l’honorer, faisant la somme de nombreuses lectures mal comprises, t’a regardé avec la bienveillance requise — mais bienveillance n’est pas complaisance — t’adressant un « j’peux t’parler franchement ??? », qui te vit hésiter, et tu fis bien, puis au hasard répondre « oui », et tu fis mal, car le hasard parfois fait pire les choses, et tu découvris le sens du mot ridicule bien que celui-ci ne fût jamais prononcé.

Mais hélas, toute chose ayant sa fin, je devais mettre un terme à leurs familiarités.
— Bon allez, ça va sonner… allez vous ranger…

Et c’est ainsi, qu’en ordre dispersé — en désordre donc — cette jeunesse prit congé mais aussi à partie les deux compères, Bourzig et Trapugne, tout débraillés du ventre et pantalons crottés, ferraillant ferme avec les 6e4 un brin moqueur, ressassant que non, ils n’étaient pas « pédés », que c’était du n’importe quoi, que c’était même l’inverse, et que chacun ferait bien de cesser ses allégations au risque de subir les prises de catch adéquates.

Mais peine perdue, quolibets et menaces en tout genres, à défaut d’apeurer l’effectif, firent redoubler leurs éclats de rire.
Bienveillant, tel qu’en moi-même, comme tu le sais cher lecteur, j’intervins pour calmer tous ces zozos :
— VOUS ARRÊTEZ DE LES EMMERDER OUI ?!?!

Là encore, par la magie d’une pédagogie adaptée, les 6e4 cessèrent d’un coup leur mufleries, saisis sans doute d’une prise de conscience opportune, valant indicateur de leur maturité, dont j’assumais la fierté.

Et c’est ainsi que s’achève cette épique épopée des 6e4, faite de tous ces petits riens qui ne font pas grand-chose, mais comme tu le sais cher lecteur, abondance de riens ne nuit pas. Par contre, j’espère que l’abondance de violence ne t’a point trop affecté cher lecteur, je te sais sensible sous ton air bourru, mais crois-en mon expérience, un peu de repassage devrait te détendre.

Et puis le printemps est là non ??? C’est pas sympa ça ???? Ne serait-ce pas pour toi l’occasion d’ouvrir une fenêtre ???

14 réflexions sur "Le catch (3/3)"

  1. J’ai toujours eu cette question qui me taraude à chaque nouvelle note.
    Est-ce que cette troupe lit ce blog?

  2. Ils sont bien trop occupés à faire les devoirs de leur prof de techno préféré ^^

    Sinon je ne pense pas, aillant suivi le blog depuis un bon moment il semblerait que quelques collèges l’aient démasqué et aient découvert l’existence de ce blog mais ça s’arrête là.

  3. depuis 2ou 3 ans que je lis ce blog Bourzic stagne en 6eme 4
    il est pistonné ou quoi ? d’habitude pour faire redoubler un élève il faut s’accrocher ! puisque le but avec les bourzig c’est de les envoyer au lycée le plus vite possible pour s’en débarraser.
    on supposera que si bourzic n’a aucun appui politique ou syndical, il est une licence littéraire (c’est la seule qu’il devrait avoir de toute sa scolarité)

  4. y a rien à jeter

    Tu m’connais Charly. Je renâcle ni sur la remontrance musclée, ni sur la baffe ni même, si les circonstances l’exigent, sur le coup de mamelle brivelagaillardesque mais je sais aussi reconnaître le petit trésor caché sous la mousse (te chauffe pas mon grand!) alors permets moi de te dire que, par les temps qui courent, ça fait un bien fou de lire ta prose et les aventures sans fin de tes grands enfants. Pour moi qui te croise tous les jours que Dieu fait (et malheureusement pour toi, pas les nuits!) et pour beaucoup d’autres tu es une soupape (Tain c’est pas mal choisi comme exemple en ce moment non?) donc t’es devenu une soupape un peu trop absente alors fais toi moins rare que diable et continue, décolle, déconne,déjante, débloque, délire, défouraille, dépucèle, démonte, dégrade, détériore, défenestre, dégoupille enfin décequetuveux mais ne laisse pas autant de temps entre 2 rounds sinon je balance ton adresse en ligne et ça va bouchonner dans ta rue crois moi!

  5. La franche rigolade là, elle est pour moi !

    Une bouffée d’air frais ( fenêtre ouverte oui ! ) à la fin d’une journée de travail …

    Et je plussoie, tant de silence entre deux articles, non mais franchement ? J’ai cru ne jamais lire la suite, ce qui, je le confirme, eût été fort dommage …

  6. Je ne suis pas d’accord…. Il faut savoir se délecter, patienter, éprouver un vif plaisir à l’attente de cette future lecture et alors quand elle arrive ce n’est plus que pur délice et jouissance (bon d’accord j’y fais un peu fort mais bon ça fait du bien quand même)

  7. Excellente la vanne de Zig sur la licence littéraire de Bourzig…
    Bon, mais mon cher Charlie, que fait donc l’équipe pédagogique et directoriale de votre établissement? Ces séances d’une rare violence n’ont-elles pas fait l’objet de signalement (sur imprimé ad hoc) d’incident violent auprès des autorités de l’inspection et du rectorat? Décidément, comment voulez-vous que notre cher gouvernement vienne à bout de la tâche qu’il s’est donné, si ni les instits de maternelle qui refusent de signaler les comportements déviants de leurs élèves, ni les profs de collège qui semblent se délecter de scènes aussi délétères ne participent ni ne collaborent à cette grande mission, trier, traiter et se débarrasser des futures graines de voyous!!!
    Pas sorti de l’auberge, notre monsieur Chatel!

  8. « Ne serait-ce pas pour toi l’occasion d’ouvrir une fenêtre ??? »
    Sur cour?
    Tu n’y penses pas :-)
    (bon sang que ca fait du bien aux zygomatiques de lire ce blog :-))))

  9. Dites, vous commencez sérieusement à m’ e***, là!!!

    Non mais ça suffit, maintenant, Charly le prof, hein!
    Alors non seulement je découvre que je viens juste de découvrir ce blog…. alors que j’aurais pu le lire depuis 3 ans — argh!— mais en plus, cela se produit juste au moment où j’ai une énorme pile de copies à corriger?
    Des copies de concours… de recrutement d’enseignants. haha. Evidemment.
    Sinon, ce ne serait pas drôle.
    Et voilà. Ce qui devait arriver est arrivé: j’ai passé un nombre d’heures inavouable à lire vos archives cette semaine, heures fatidiques pendant lesquelles des copies d’examens sont venues rejoindre leurs grandes sœurs de concours (nous sommes en pleins partiels).
    Désormais, l’ennemi s’accumule inexorablement partout chez moi où, pour couronner le tout, les étagères ont atteint leur capacité de stockage maximale. Déjà la table basse est complètement envahie, le canapé résiste encore vaillamment mais la colonisation galopante de la moitié gauche laisse présager du pire et j’ai décidé d’évacuer. Quant au fauteuil et au sol à proximité du bureau ils offrent depuis longtemps le spectacle de la plus parfaite désolation.
    Je suis donc en train de vous lire juchée sur mon bureau avec mon ordinateur sur les genoux, face à une marée montante de papier où je tente parfois de restaurer un semblant d’ordre en descendant constituer des piles, qui s’écroulent aussitôt et menacent de m’engloutir.
    Je ne peux que regagner in extremis ma planche de salut pour y taper ces quelques mots rageurs.
    Je vais être obligée de demander le classement en catastrophe naturelle et le déclenchement du plan Orsec.
    Et vous êtes fier, hein? Ne niez pas: ça se voit!
    Et bien ça ne m’étonne pas de vous!
    Et puisque c’est comme ça, vous me ferez 100 lignes de blog pour la semaine prochaine, ou bien vous publierez tout en version papier reliée avant Noël (vous savez, ce truc ringard — un livre, je crois bien que ça s’appelle).
    Sinon, je vous fais conjuguer à tous les temps et à tous les modes:  » je ne dois pas abandonner mes lecteurs ».
    Parce que j’ai remarqué que vous écrivez de moins en moins. Or, faute d’écluser mes copies, j’aurai bientôt fini de vous lire.
    Et qu’est-ce qui va me rester, alors?
    Vous ne voulez pas tout de même pas dire que je vais être obligée de finir MON travail en attendant encore 3 mois pour lire un nouveau post?

    Mais c’est scandaleux!
    Mais pour qui vous vous prenez, hein ????

  10. Charly … t’es le best !
    Je ne sais que dire, je n’ai plus de zygomatiques à l’heure qu’il est …

    J’adore !

    Merci que du bonheur, ça sent la fin de l’année, je vais pouvoir me replonger dans les archives et savourer à nouveau …

  11. Tout bien !

    Bonne détente, oui…
    Décontraction des zygomatiques.

    Et plaisir infini de lire un beau texte structuré et sans fautes d’orthographe.
    Je ne suis affectée que par votre humour (presque) décapant et vos mots choisis.

    Ah, mais, c’est vrai!! C’est un prof qui est là!

    Bonne journée à vous.

  12. Bien, je viens de lire les 3 épisodes « catch » d’affilée, et j’en ai pleuré de rire. Franchement, merci !

  13. En vacances !!!

    Notre Charly doit être en vacances ….
    Qu’il en profite un maximum entourée de filles plus jolies les unes que les autres !!!
    A la rentrée ( on espère !!)

  14. Je suis pliée de rire ! Quand je lis :mais dis-moi lecteur lorsqu’à ces âges reculés nous étions, si pareillement hilares nous rendait le nichon ?? Dis-moi lecteur, l’était-on ??, je ne peux que saluer ton talent de narrateur. En fait, je suis scotchée depuis quelques jours ici. Trop bon, trop bien, trop drôle ! Compulse le tout et fais toi éditer. Tu ferais un carton ! Le p’tit Nicolas n’a qu’à bien se tenir !

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