Le catch (2/3)

La séance de catch

AVERTISSEMENT !!!
Les séquences suivantes décrivent des prises de catch d’une violence inouïe qui ne doivent en aucun cas être reproduites chez vous. En effet, ces prises sont réalisées par des professionnels de la gamelle — des gosses — qui disposent d’une souplesse que tu n’as plus depuis belle lurette cher lecteur, donc ne cherche pas à les imiter pour faire le mariole à la boulangerie, tu vas encore te niquer une lombaire.

En guise de ring, les deux compères firent le choix d’un carré de pelouse proche de la salle techno, à l’abri de la cour. Les 6e4 et moi-même formâmes autour des deux spécimens un cercle, mais en forme de carré donc.

— Bon on y va, vous regardez m’sieur ???
— Mais bien sûr Bourzig, je n’en raterai pas une miette…

Je ne pouvais mieux dire.

C’est Bourzig qui s’élança le premier, sur quelques mètres, proposant d’emblée un bond impressionnant suivi d’un effet saisissant de cisaille des jambes avec comme objectif clair le cou de Trapugne, une variante tout à fait pertinente à la strangulation standard, le tout assorti d’un cri poignant, assez proche dans l’esprit à ce que l’on peut produire lorsque le marteau est fâché avec le clou, et qu’il s’en prend aux doigts. Mais voilà, Trapugne feinta, et la cisaille ne cisailla rien du tout, ne délivrant qu’un simple croisement de jambes, assez banal en fait, mais plutôt virulent, car écrasant tout de même au passage ce que les hommes ont de plus précieux en leur milieu et qui fait une de leur rares qualités.

Après leur Codevi, bien sûr.

— Et là m’sieur, j’y ai fait un flying neckbreaker…
— Oh putain…
Le « flying neckbreaker », avec l’accent du coin, et dans la bouche de Bourzig, loin de vous glacer le sang, vous oblige à une certaine retenue, celle qui évitera de vous effondrer mort de rire dans d’abominables convulsions. Mais conviens avec moi cher lecteur, que l’expression est sans ambiguïté.

— Mais j’l’ai un raté un peu, attendez, j’le refais…
Vas-y Bourzig, fais-toi plaisir.

De nouveau donc, Bourzig s’élança, sauta plus haut encore, un cri déchirant escortant l’ensemble, assez proche dans l’esprit à ce que l’on peut produire lorsque quelqu’un ferme la porte que vous vous apprêtiez à franchir, puis en plein vol ses jambes se croisèrent, nous en fîmes autant avec nos doigts, et bien nous en prit. Car hélas, bis repetita placent, Trapugne ayant lâchement feinté, Bourzig expérimenta la cruelle loi de la gravité qui veut que tout corps projeté en l’air met un point d’honneur à regagner le sol à une vitesse dramatique — peuchère, ça m’a fait peine à voir — suivant une trajectoire parfaitement rectiligne alors qu’en ces occasions on la souhaiterait un poil plus incurvée.

L’effet fut quasiment immédiat :
— Ouillouillouille !!
— Oh Bourzig, t’as mal au cul ???
— Non non ça va… impeccable… un peu quand même…
Bourzig crânement informait la ribambelle que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes (Haïti non compris bien sûr, ça c’est moi qui rajoute), et bien qu’il s’en défendît, sembla boiter vaguement des fesses.
— Aussi bien, tu t’es pété le coccyx…
— Le quoi ???
— Un os des fesses imbécile !!!
C’est Fanny qui précisa le détail anatomique, ce qui fit bien rire les 6e4, car tu le sais cher lecteur, la fesse possède un potentiel humoristique extrêmement puissant, et ce à l’unité ou la paire, etc.
— Bon, t’es sûr que t’as pas mal au cul ???
— Non m’sieur, ça va très bien, regardez… impec…
Bourzig montra son cul à l’auditoire et en effet, aucune marque n’affleurait du postérieur, nous en fumes fort aise et bien heureux pour lui.

Étant passionné par le spectacle je m’apprêtai à m’éclipser, rejoindre la salle des profs — j’ai tant de chose à faire cher lecteur — surtout que le soleil ayant pointé et son cortège de jupes, il était temps d’établir après cet hiver si ces dames avaient su préserver leur capital. Enfin bref j’avais, en raison de toutes ces jupes, et je vous la fais courte, quelques gambettes à mater.

— Hé m’sieur, partez pas !!!
— Mais j’partais pas, je me retournai seulement…
— On va vous montrer une prise avec Trapugne… alors voilà… je le soulève… je serre là… voilà… je le soulève… je le bascule… et… et…
— Et ??

Et la suite, je vous la raconte, car ça ne s’est pas passé exactement comme prévu.

C’est le nez de Bourzig qui rejoignit le sol en premier, bien que mon goût pour la précision me contraigne à dire que suite à un habile pivotement de la nuque, le nez échappa in extremis à l’impact, la joue attenante proposant une alternative, au pied levé si je puis dire, s’offrant en sacrifice, s’écrasant mollement à la vitesse du son sur les mottes sous jacentes. Trapugne, quant à lui, fit le choix d’amortir sa chute avec son oreille droite, choix qui nous parut pour le moins curieux et nous laissa dubitatifs, mais n’étant pas catcheurs nous-mêmes, nous nous gardâmes de tout commentaire, laissant les spécialistes de la chose tout à leur art, et son oreille aux pissenlits.
C’est donc faces contre terre que les deux lutteurs de 6e4, joue cramoisie et finement mouchetée pour l’un, oreille bleutée par l’impact, rehaussée par un trèfle à trois feuilles pour l’autre, indiquèrent vouloir enchaîner par une démonstration de catch au sol, et reprirent de plus belle leurs cisailles de jambes, contorsions en tout genre, jusqu’à ce que Trapugne, dans un geste très élégant, à la limite de l’épure, enserre le cou de Bourzig entre ses cuisses fortement, jetant à l’entour un regard triomphant, la satisfaction du travail bien fait sans doute, simulant un étouffement du plus bel effet mais que je dus interrompre en raison de la couleur du visage de Bourzig qui, ne figurant sur aucun nuancier, m’incita à la plus grande prudence. Libéré de l’étreinte, Bourzig, un poil revanchard, se colla au train de Trapugne, et dans un prompt mouvement, à une vitesse que je ne lui connaissais pas, glissa ses bras sous les aisselles de ce dernier, plia les coudes, colla ses deux mains derrière sa nuque et me regarda conquérant, toute langue dehors, signe hautement viril s’il en est :
— Et là, j’y pète la nuque…
— Allons mon enfant, du calme…

À suivre…

14 réflexions sur "Le catch (2/3)"

  1. c’est dommage que la série sur le catch s’arrête à trois billets, ça va me manquer. en plus, j’aime le catch moi!

  2. L’avertissement vient fort à propos, je ne savais pas quoi faire pendant ces vacances de printemps et j’avais bêtement cru qu’un peu d’exercice pourrait me faire du bien.
    Assise devant l’ordi, mes lombaires te disent merci.

  3. Excellent !

    C’est drôle, j’ai aussi quelques spécimens accros au catch mais les miens sont en 3ème….Ce qui m’inquiète, c’est qu’ils prennent ça au 1er degré, genre « pousseur du métro »….Au secours Charly !

  4. Le trèfle

    Ton histoire aurait gagné en intensité si, sur le visage du jeune catcheur novice, un trèfle non pas à trois mais à quatre feuilles s’était égaré, augurant d’un retournement de situation du à une chance toute nouvelle inondant ledit jeune catcheur d’une chance nouvelle…

    Celui-ci eut alors une revanche à prendre…

    Mais bon sang, que c’est bon de hurler ainsi de rire !!!

  5. J’y connais rien en catch….Du coup j’apprends des trucs, merci Charly!
    En tout cas j’adore les histoire dont le titre finit par (1/3) !!!!

  6. merci, merci Charlie de nous faire tordre de rire. Je trouve à tes « drôles » de la 6-4 un petit air de « rubypèdes », (célèbre bédé de l’ovalie en folie) bien réjouissant. Et merci aussi de nous les garder en vie, on en reveut des épisodes de catch et du reste aussi!

  7. ben dis donc!!!

    ça valait le coup d’attendre presque un an, on ne l’arrête plus le Charly!!! à quand la suite?

  8. Attention, Charly !

    Attention, Charly !
    Assister de manière complaisante à (pour ne pas dire carrément encourager) des activités physiques saugrenues fermement prohibées par le règlement intérieur de l’établissement, la Convention des Droits de l’Enfant de 1989, les Instructions Officielles, la Convention de Washington sur les espèces protégées et l’UNICEF t’expose à de graves désagréments… Prudence !

  9. quel bonheur

    de te lire au retour d’une loooooooooooongue journée de travail…

    Et le rire, bon sang que c’est bon !

    Allez… on s’en remet une petite tournée ???

    Vite fait ???

    Merci pour ton humour décapant, j’adore !

  10. Cours de diction…

    En phonétique « flying neckbreaker avec l’accent du coin » ça donne quoi Charly ???
    J’ai hâte de te lire…
    Des bises

  11. Je ne crois pas avoir eu l’occasion de le dire auparavant, et puis pour pas risquer de regretter de pas l’avoir fait avant que la mort ne nous sépare: Charly, je me régale à chaque billet (ou quasiment chaque, que c’en serait mesquin d’insister là-dessus), toutes mes félicitations!
    Bon sur ce, je vais reprendre un petit Ricard dans un verre à ballon en attendant les razetteurs!
    Ave et vale!

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