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Les 6e4 ont une sale dette

velo_75— M’sieur, vous me rendez mon euro ???

Hé oui cher lecteur il m’arrive bien souvent, comme à la majorité des profs, d’emprunter un peu d’argent à mes élèves. Oh jamais de grosses sommes bien sûr mais ma foi, ça aide à payer le café et les fournitures car je te rappelle que nous n’avons pas de prime de rentrée et encore moins de frais de représentation.

— Qué euro ???

Hé oui cher lecteur il m’arrive bien souvent, comme à la majorité des profs, d’oublier ces modestes prêts enfantins et d’être sidéré que les élèves les plus cupides réclament leur dû, prenant tous les risques à cette fin.

— Ben l’euro que j’vous ai prêté pour vot’ café en septembre…
— En Septembre ??? Oh mais y’a prescription !!! Malheureux !!! Pis c’est pas Noël ces jours ?? Le moment des cadeaux ??
— Vi… mais quand même… mon euro…
— Ok ok, j’vais te le rendre ton euro… Qui a un euro à me prêter ??
— …
— Qui peut me prêter un euro ???
— …
— Hého !!! Y’a quelqu’un ?? Héhoooooo !!
— Et moi m’sieur vous me rendrez mes cinq euros ???
— Et moi ma trousse ??
— Ta trousse ?? Quelle trousse ???
— Ben je vous l’avais prêtée pour que vous la montriez…
— Mais je l’ai déjà revendue moi !!! J’croyais que c’était un cadeau !!!
— Non c’était pas un cadeau j’vous l’avais juste prêtée !!
— Pardon ??? C’est quoi ce petit ton fasciste ??
— … Ben c’est vrai quoi…

Sales morveux.

— Non mais c’est la meilleure de l’année celle-là, vous osez me réclamer de l’argent, mais vous avez une idée de la dette que vous avez ???
— …
— Non parce que si vous regardez les infos, vous devez savoir que notre pays, la France d’en bas, elle doit tout plein de sous à on sait pas qui, et que tout ce paquet de pognon c’est tous qu’on va payer !! Même vous !!
— …
— Tout le monde sera mis à contribution, les classes populaires et les classes moyennes !!
— Hé m’sieur, on est une classe moyenne nous ???
— Ah ça oui, très moyenne même…
— Alors on va payer ??
— Ben oui. Alors nous disons… 1700 milliards d’euros de dette souveraine… divisés par… 65 millions de français souverains… ça nous fait donc… heu… 1700000 millions par 65 millions… donc 170 par 65 ben ça fait 2 et je retiens… heu… quelqu’un a une calculatrice ???
— Moi m’sieur !!!!
— Ah merci… alors fais-y voir… 1700000 divisé par 65… ben ça fait… 26000 € par français !!!! Donc 26000 € par 6e4 !!! Oh la dette que vous avez !!! Ahahahah ! Oui ???
— Mais m’sieur, tout le monde va payer ?? Même les bébés ??
— Ben bien sûr, pourquoi y payeraient pas eux ??
— Mais… y zont pas d’travail…
— Ah bon ?? Mais est-ce qu’ils en cherchent au moins ??? Non à l’assistanat !!!

Excuse-moi cher lecteur, je m’emporte. Mais concède avec moi que le libéralisme est une vraie drogue qui peut faire dire n’importe quelle connerie.

— Alors vous osez me réclamer un malheureux petit euro alors que vous en devez 26000 !! Oh trop gonflé l’autre !!
— C’est pas juste on n’a rien dépensé…
— Bah c’est normal vous êtes mineurs, on a dépensé à votre place.
— Mais m’sieur pourquoi on fait pas payer les gens riches ???
— Mais pasqu’ils sont pas nombreux !!!! C’est une espèce protégée !!! Et si on leur prend tous leur sous, ben y’aura plus de riches !!! Tu veux que les riches disparaissent ??? Comme les baleines ??
— … Ah ben non, c’est gentil les baleines…
— Et ben voilà, alors faut faire payer les pauvres, y sont plus nombreux, donc ça fait moins mal, pis y risquent pas de disparaître eux…
— Oh m’sieur en vrai y sont trop gentils les riches !!!
— Mais bien sûr les enfants. Si les riches on les avait pas, ben on serait tous pauvres. Allez, au boulot !!
— Oh m’sieur !!! Et mon euro ???
— Tu le déduiras de ta dette. Ah au fait, bonne année les 6e4 !!!!
— BONNE ANNÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉE M’SIEUR!!!!

C’est ça les gamins, pas rancuniers pour un sou, et c’est comme ça qu’on les aime.
Snif.

Voilà. Étonnant tout de même, comme d’un simple échange bon enfant on peut rebondir sur des notions complexes d’économie.
Y’a des jours, je m’épate.

Tout Charly pour 30€ !!!

charly le profAllez lecteur, fais pas ta ratasse, tout le blog pour 30€ !! Toi qui sais jamais quoi offrir !!! Tu préfères passer ton samedi en ville à chercher un cadeau à la noix ??? Au dernier moment en plus ??? Allez !!! Deux livres tout beaux avec 750 pages dedans !! Avec les fautes d’origine et tout !! (C’est faux j’ai corrigé celles que j’ai reconnues.) Et que j’ai dessiné moi-même les couvertures tout seul et que d’ailleurs j’me suis bien emmerdé avec le pont du Gard !!! 750 pages de franche rigolade, allez quoi !!! Tu vas quand même pas te pointer au réveillon les mains dans les poches non ??? Si ???

Crapule.

Le livre Les 6<sup>e</sup>4 vous saluent bienLe livre Le collège Edmond-Philogène

Chez les 6e4, on pétrit le bonheur à pleines pognes

ATTENTION !!!! ATENCIÓN !!!! ACHTUNG !!!! DIQQƎT !!!!

Ce texte comporte un nombre considérable de grossièretés. En effet, le mot c… est cité à plusieurs reprises ainsi que le mot c… Je te sais sensible cher lecteur aussi je te déconseille de consommer cette infâme mixture, d’autant qu’une fois dans ce texte, apparaît aussi le mot c…

Il fut 8h34 ce jour-là quand jaillit soudain du fin fond de la classe, la chose suivante :
— Ah merde !! Y’a une couille dans l’pâté !!!

Tu imagines sans peine cher lecteur l’état dans lequel je devins sous l’impact du mortier. Aussi réagis-je promptement comme suit, non sans avoir récité au préalable trois benedicite et je vous salue Marie :

— Non mais oh Brizouille, t’as pas des expressions plus comestibles non ?!?! Une couille dans l’pâté, non mais c’est quoi ces expressions à la co… heu… à la noix ?? Hein ?!?!
— Scusez-moi m’sieur, c’est parti tout seul…

Tu imagines cher lecteur la poilade sonore qui s’empara de la troupe à l’annonce faite par Brizouille, reléguant du coup mes injonctions au rang de bruitage pour malentendants et mon statut de prof à celui de préposé à l’éveil musical à Roissy aux heures de pointe. Je sentis bien à ce moment précis, que les 6e4 touchaient à une espèce d’extase, de grâce, de l’ordre de l’indicible, une certaine forme de transcendance, car enfin, et reconnaissons le une bonne fois, une grossièreté bien pansue vautrée dans une salle de classe, et en plein cours, franchement, que reste-t-il après ça ???

— C’est parti tout seul ?? Tu l’as quand même bien accompagnée non ??? Et d’où tu sors des expressions pareilles toi ??
— Ben j’sais pas… ça s’dit pas ??
— Ben quand même, on dit pas « couille » pendant un cours… dans l’pâté en plus…

Le fait d’avoir dit « couille » à mon tour transporta l’effectif aux confins du nirvana, car un prof qui dit « couille » c’est pas tous les jours, c’est Collector, ça s’arrose, telle la première dent du p’tit, et le volume sonore dépassa largement les normes en vigueur en prenant trente décibels dans la vue : Roissy foulé aux pieds.

L’hilarité générale fit plaisir à voir, comme quoi, un simple mot… Ah l’insouciante jeunesse !!!! Mais afin d’éviter la débandade, je me dus de mettre le holà à ce tollé :

— OOOOOOOOOH !!! MAIS C’EST PAS UN PEU FINI CE BOR… heu… ce… ah zut… heu… j’l’ai au bout de la langue… heu… CETTE PAGAAAAILLE ??? MORGNOLE QUOI ???
— Non je disais Monsieur, c’est vrai que c’est vulgaire comme expression…
— Ah, t’as entendu Brizouille ?? Même tes copains n’emploieraient pas une telle expression… Oui Morgnole ??
— Et pour la bonne et simple raison Monsieur Le Prof, qu’à la maison nous ne mangeons pas de pâté mais de la terrine…

Y s’foutrait pas d’ma gueule lui ???

L’assujetti à l’ISF me prendrait-il pour une truffe ??? Hum???

Mais à sa décharge, et soyons équitables, une « couille dans la terrine », ça l’fait moins, c’est vrai.

(Renseignements pris auprès de collègues compétents, il semblerait que l’expression « couille dans l’pâté » soit largement répandue et que son succès soit due à sa puissance d’évocation à la limite de l’allégorie, au jeu subtil des allusions et leur imbrication complexe, à la petite touche de vulgarité qui rehausse l’ensemble, et qu’elle allie en un trait d’une remarquable concision l’inattendu d’une situation à l’effet de surprise résultant. Sous son allure de métaphore burlesque et sexuellement connotée, elle nous révèle une vraie capacité à synthétiser ce qui d’ordinaire relève de l’expertise en matière de constat, d’échec en l’occurrence. Toutefois, elle n’est pas typique de nos régions puisque l’on retrouve une variante tout aussi imagée dans le nord de la France « la couille dans l’potage », dont la déclinaison potagère semble liée à une température bien moins clémente chez nos amis du Nord qui explique en grande partie le choix du met. Et puis c’est vrai qu’ici, nous sommes plutôt pâté.)

— Hé m’sieur, si c’est dans l’dictionnaire, c’est pas un gros mot « couille » ?? Non ??
— J’veux pas l’savoir, dictionnaire ou pas, j’veux pas d’couille en classe, C’EST CLAIR ?!?!

Tu parles que c’est clair : raz de marée immédiat, des vagues de fous rires hautes de 15 mètres dévalant sur mes mocassins Auchan, déferlant parmi les tables dans un raffut du diable emportant ce qui me restait de dignité dans un des plus beaux foutages de gueule de ma vie vus, me laissant comme un c… , que dis-je : comme une péninsule.

Mais c’est vrai que sous l’effet de l’emportement, parfois, certaines phrases se présentent à l’auditoire dans une tenue plutôt débraillée voire incomplète, d’où des quiproquos parfaitement regrettables. Car tu le sais cher lecteur : « un seul mot vous manque et tout est dépeuplé ».

— Ha ça, ça vous amuse, ah oui, pour ça, ah oui, ah ben d’accord, si j’avais su…
— Mais m’sieur, un mot qu’est dans l’dictionnaire on peut le dire non ???
— HOOOOOO !!! Un peu moins de bruit s’il vous plait !!!! Oui Morgnole ??
— Si un mot est dans l’dictionnaire c’est qu’on peut le dire oui ???
— Ah ouais ?!?! Hitler aussi est dans l’dictionnaire, ça l’rend pas plus fréquentable pour autant non ?? Et toc, cogite ça au château. Bon allez, on…
— M’sieur m’sieur !!! Et qu’est-ce que j’dis à la place de la couille dans l’truc alors ??
— Hé bien mon cher Brizouille, tu peux tout à fait, à la place de « couille dans l’café »
— DANS L’PÂTÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ M’SIEUUUUUUR !!!!!!
— Ah oui, décidemment, j’ai un problème avec le pâté moi, excusez-moi les enfants. Oui donc, si tu manques d’expressions Brizouille, j’peux t’en livrer. Tu as « le cheveu sur la soupe » par exemple, c’est pas mal non ??? Tu as « la mouche dans le lait » aussi, et bien d’autres encore, j’sais pas moi… mais certainement pas une couille dans la purée…
— DANS L’PÂTÉÉÉÉÉÉÉÉ M’SIEUUUUUUR !!!!!
— Oui dans l’pâté, excusez-moi, autant pour moi. Bon, en tout cas, si j’entends encore ce genre de truc je vais sérieusement sanctionner, car nous sommes dans un collège je vous le rappelle, et ça ne me fait pas rire du tout !!!

Je n’étais pas sûr d’avoir bien compris ce que je venais de dire, mais vu le bordel ambiant, je sus que visiblement les 6e4 : si.

Alors je pensai trouver brin de grâce auprès de Fanny, un poco de dulzura en este mundo de animales, le soupçon de mayonnaise qui rend la patate si douce, et m’enquis de savoir comment d’aussi chastes pavillons avaient enduré de si vilaines choses, aussi m’adressai-je à la joliesse :
— Alors Fanny, pas trop choquée ?? Je suis vraiment désolé mais…
— Mais non m’sieur ça va !!! Hé m’sieur, hihihihihihi, couille, ça rime avec Brizouille…

À part ça, ça va.

La complainte du ver à soie

Figure-toi cher lecteur que ce matin, Bourzig m’en a raconté une bien bonne.

J’étais en train de lui passer une soufflante pour travail excessif, lui expliquant que le surmenage n’était pas une fatalité, que l’on pouvait lutter, qu’il en avait les moyens, mais aussi pour quelques grossièretés échappées de sa conversation avec Trapugne, grossièretés qui vinrent irradier mes lobes, chatouiller ma zone pavillonnaire, échauffer mes enclumes faisant rosir mes gracieuses pommettes, choqué que je fus par la petitesse de ses grossièretés.
Soufflante à laquelle il réagit, faisant part de la difficulté lors de conversations à bâtons rompus de contenir certains excès rhétoriques, de maîtriser l’emphase nécessaire à la vie du débat afin de rester dans un cadre légal, et enfin, de respecter les règles syntaxiques de base. J’abondai dans son sens et proposai, sans emphase ce coup-ci, une paire d’heures de colle, mais dans un style épuré, visant à l’essentiel, afin qu’il détaille par écrit son argumentation. Offre qu’il déclina, alors je m’inclinai.

Enfin bref, et pour faire court cher lecteur, il en branlait pas une et je lui ai mis une bonne chasse.

Allez, je reprends : j’étais en train de lui passer une soufflante pour travail excessif lorsque…

— Mais m’sieur, c’est normal qu’on dise des gros mots puisqu’on parlait de gros mots.
— Argument imparable. Alors si j’ai bien compris, si on parle de baffes, j’peux t’en coller une ????
— Non mais je racontais à Trapugne que mon père y nous amène toutes les semaines avec ma sœur à l’arbre aux gros mots…
— L’arbre aux gros mots ?? C’est quoi ça ???
— Ben pour pas qu’on dise des gros mots, mon père y veut qu’on les dise tous une fois par semaine à l’arbre aux gros mots, comme ça après on en dit plus.
— C’est pas bête ça, et ça marche ??
— Non.
— ?!?!
— Mais on rigole bien, et ma mère elle est pas d’accord, mais mon père y faisait pareil quand il était petit, et mon grand-père aussi et même avant aussi…

Ainsi dans la campagne environnante, des générations de Bourzig contribuaient à la déforestation par des méthodes sans contacts, innovant en la matière, titillaient l’équilibre écologique précaire en soumettant aux insanités les plus viles un arbre sans doute centenaire, dont le grand âge mériterait un peu plus de respect.

— Donc vous dites tous les gros mots que connaissez et après…
— Ben pas tous non plus, pasque mon père il est jamais très loin, et ma mère des fois elle est choquée et elle engueule mon père… hihihihihihihi…
— Et ça te fait rire ??
— Ben oui…
— Hé bien bravo…
— Et mon père y dit que comme ça, y voit notre progression.
— Et tu progresses ???
— Ben oui, et mon père y dit que si c’était le bac, je l’aurais déjà.
— Oh, avec mention j’suis sûr…
— Oui, et ma sœur progresse aussi, mais mon père il entend pas les gros mots de ma sœur, elle les dit doucement.
— Oui mais les filles c’est plus discret…
— Ah ben ça j’crois pas, en tout cas pas ma sœur…
— Allons allons, et c’est quoi comme arbre ??
— Heu… un mûrier je crois, mais là il est bien mort.
— Tu m’étonnes…

Ainsi Bourzig reconnaissait la maltraitance infligée à cet arbre centenaire et je n’osai imaginer les conséquences irréversibles pour les vers à soie, dont on peut estimer que sous l’influence de telles mutations génétiques ils n’en viennent à produire du nylon ou de la toile de jute. J’eus une pensée émue pour ce vieil auditeur des insultes les plus viles, faisant office de confessionnal rural, dont la vie s’était achevée en compost d’insanités mettant en péril la vie précieuse des cocons résidents.

C’est donc fort tristouille que ce soir venu, je rejoignis le logis d’Isabelle.
En effet, la joliesse m’avait invité pour une énième explication/réconciliation/résolution/engueulade, afin selon elle, de me dire mes « quatre vérités ». Expression que je trouvai très en dessous de la réalité puisque c’est au moins une trentaine de vérités qu’elle me révéla, dont une dizaine que je niai farouchement étant clairement de la pure diffamation, une douzaine dont je concédai qu’elles mériteraient d’être débattues, sans tabou c’est vrai, les soixante dernières étant, je le confessai, véridiques, puisque portées à ma connaissance par la quasi totalité de mes ex (la totalité en fait) et qu’une telle convergence de témoignages convaincrait n’importe quel jury d’assise.

Mais crois-moi cher lecteur, je fus fort marri d’autant de vilénies portées à mon discrédit.

Une fois passé le grain, je m’enquis de savoir si l’accès à ses charmes m’était maintenu. En effet, Madame paradait en short devant moi, le chemisier largement échancré dont je vis bien malgré moi ce qu’il cachait (bonne mère !!!) lorsqu’elle se pencha pour arroser son ficus. Pauvre de moi !! J’étais fait comme un rat, prêt à signer tous les aveux si à ses atours je pouvais accéder. Mais hélas, me toisant, ayant deviné mes rêves secrets, elle m’adressa un « ne rêve pas trop mon canard » qui déstabilisa à la marge mon aisance naturelle.

Aussi, lorsqu’elle regagna la cuisine afin de compléter son arrosoir, j’observai d’un œil vengeur ce haut ficus dont elle était si fière, et par pure méchanceté, repensant à l’anecdote de Bourzig, je me mis à l’ouvrage.

Préambule type d'un cours de techno avec les 6e4

— De toute façon, les filles, c’est plus intelligent que les garçons.

Ce matin, c’est Fanny qu’a foutu son boxon.

Encore une guerre des sexes, me suis-je pensé, comme si on n’avait qu’ça à foutre.

— HOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOÉÉÉÉÉ !!!!!

Ça, c’est la réaction des garçons. Qui n’en demandaient pas tant pour engager la conversation. Mais bon, en même temps, une bonne grosse discussion sans intérêt, ça passe le temps, et pendant ce temps, c’est glandouille générale, ni vu ni connu, le prof y voit que dalle, c’est vrai, on te le ballade comme on veut l’autre con.

— Hé m’sieur !!! C’est pas vrai c’que j’dis ???
— Ben j’sais pas moi, j’avais préparé un cours sur les énergies renouvelables, alors là tu me prends un poil au dépourvu. Et puis j’y connais rien en fille…
— HOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOÉÉÉÉÉ !!!!!
— Pardon ?????
— … … …

Bien.

Oui je disais que je n’y connais rien en fille, mais quand même. Mais si je devais préparer un cours sur le sujet, je serais plutôt embarrassé. Ou alors je ferais simple, les grandes lignes quoi. En gros, qu’il existe deux variétés de fille dans la vie : celles qui lisent Télé7Jours et celles qui lisent Télérama. Pour faire simple quoi. Les bases en fait.

Et donc que les lectrices de Télé7Jours portent des coordonnés bien plus rigolos et sont bien plus promptes à les enlever que les lectrices de Télérama. Mais ces dernières ne s’en vexent pas car elles sont bien meilleures en mots-croisés, ceci compensant cela (cher lecteur, tu concluras de ce qui précède ce que de droit, je ne te fais pas de dessin ;-) ;-) ;-))

Alors évidemment j’ai simplifié, car dans la réalité, il y a aussi les lectrices de TéléZ, mais ça nous entraînerait trop loin.

Mais laissons Brizouille intervenir :
— Les filles, bof, ça pleurniche, ça parle tout le temps, et comme c’est des filles, on leur donne toujours raison alors…

Mais comment y sait tout ça lui ??? Si jeune ???

— Et comment tu sais tout ça toi ???? Si jeune ???
— Ben j’sais pas, mais c’est vrai…
— Tu sais pas mais c’est vrai ??? Alors ça les enfants, ça s’appelle une intime conviction, et c’est tout à fait valable devant un tribunal.
— Ben moi je sais et c’est faux…
— Heu… ça devient compliqué votre truc…
— Ben si on nous donne toujours raison c’est qu’on a TOUJOURS raison.
— OUAIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIS !!!!!

Écoute-moi les les pisseuses.

— Oh les tronches, vous vous calmez ??? Ah, Bourzig souhaiterait participer au débat…
— Ben oui pasque c’est pas elles qu’ont été sur la lune les filles, et qu’ont trouvé les grandes inventions…
— Tu as tort Bourzig, on leur doit la pince à linge et le clafouti aux cerises…
— HOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOÉÉÉÉÉ !!!!!
— Et la tarte Tatin…
— Très juste Trapugne. Mais la meringue, c’est nous…
— Et les épinards c’est qui ???
— Ben vois-tu Bourzig, les épinards c’est pas une invention, c’est une découverte, comme l’Amérique…
— Ouais moi les épinards j’aime pas trop…
— On s’en fout Morgnole, Fanny ???
— M’sieur !! Vous regardez quoi en premier chez une dame ???
— Oh, c’est très indiscret comme question. Ce que je regarde en premier ??? Son intelligence bien sûr. Ce qui saute aux yeux quoi. Et j’avoue une nette préférence pour les dames bien dotées en intelligence…
— Ah ben moi c’est les yeux que je regarde…
— Ah mais moi aussi, mais dans un deuxième temps, après avoir longuement conversé, appris à la connaître, je peux éventuellement m’intéresser à l’aspect physique, les yeux, les oreilles aussi…
— HOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOÉÉÉÉÉ !!!!!
— Pardon ?????
— … … …
— Ah ben vous êtes pas comme les autres alors…
— Et les endives, c’est pas une invention non plus ???
— Oh, t’as la dalle Bourzig ??? Ouais heu, si elles n’ont rien inventé les filles c’est peut-être pasqu’on leur a pas demandé en même temps…
— OUAIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIS !!!!!
— Hé m’sieur, le cassoulet, c’est une découverte ou une invention ???
— Bon quelqu’un peut lui donner un truc à bouffer à çui-là…
— Alors m’sieur, vous êtes d’accord, les filles c’est plus intelligent…
— Allons Fanny, pas d’exaltation je te prie. Ben je dirais que certaines filles sont plus intelligentes que certains garçons, que l’inverse est tout à fait crédible, et que concernant les 6e4, je vous laisse trouver les noms, ahahahah !!!
— … … … .
— Ok. Bon. Et bien heu… alors ces énergies renouvelables, on se les coltine ???

En tout cas, que les 6e4 me questionnent sur les choses de la vie, qu’ils reconnaissent de la sorte ma grande sagesse en toute chose me touche, c’est vrai. Pourtant j’essaie d’être discret quant à mes qualités. Mais bon, chassez le naturel et il revient au trot (pas au galop, pasque mon naturel est plutôt cool).

L'égoïsme expliqué aux enfants (2/2)

— Bon, un autre exemple alors, pour les mauvais esprits de la classe. Si vous avez deux bonbons, et que vous en donnez un, y vous en reste plus qu’un… c’est ballot hein ???

L’argument fit mouche, la classe approuva des deux mains, certains précisant même que quand on en a deux : on ne donne rien.

Ah la bonne heure !!!

Quand soudain, Bourzig m’interpella :
— Oui mais si c’est pour ma p’tite sœur le bonbon ??
— Surtout pas malheureux !!! C’est ça le piège !!! Méfiez-vous des p’tites sœurs !!! Ohlala la bourde !!!

J’expliquai à Bourzig que dans la vie, les tentations d’être généreux étaient nombreuses, surtout avec les plus faibles, mais qu’il fallait résister à la tentation, prendre sur soi, et que seul un travail quotidien, à la force du poignet, lui permettrait d’éviter de sombrer dans l’engrenage infernal d’un altruisme grossier.

— Et moi m’sieur, si j’ai pas fini mes nouilles, j’peux les donner à mon frère ???
— Si tu n’en veux plus, bien sûr que tu peux. Mais pense à lui demander quelque chose en échange. Et s’il refuse, sache que tu peux toujours les congeler.

S’ensuivit toute une série d’échanges où je réfutai un à un leurs petits arguments et pour finir, chassai sans façon leurs funestes manières.

Lorsque Fanny revint à la charge :
— Oui mais m’sieur, faut bien donner aux pauvres quand même…

C’en était trop, et mon sang ne fit qu’un tour (il aurait pu en faire plus, mais là aussi, je gère). Entendre de telles fadaises m’incita au malaise, ou, de telles vilénies convoquèrent l’embolie (en fait, j’ai hésité entre les deux formules, bien qu’ayant un penchant pour la première, et puis comme il fallait bien faire un choix, j’ai mis les deux).

— Ah bon, et pourquoi on donnerait aux pauvres, alors qu’on ne prête qu’aux riches ???

Les 6e4 échangèrent quelques regards médusés, puis, conquis par la logique exemplaire de mon trait, s’enflammèrent, opinant à volonté devant tant d’évidences.

— Compris les enfants ???? Alors, à apprendre par cœur pour la semaine prochaine : « Dans la vie, vaut mieux avoir trop de bonbons que pas assez ». Et entraînez-vous !!!

La ferveur gagna l’effectif :

— Oh m’sieur, l’égoïsme c’est trop bien !!!
— Oh c’est trop cool m’sieur !!!
— Je sais mes enfants…

Une première larme dévala ma joue burinée par les embruns iodés de ma salle de bain mal ventilée. Je venais de former une bande de parfaits égoïstes, je n’en étais pas peu fier, mais je pris sur moi et n’en fis pas toute une histoire.

Tu comprends enfin cher lecteur la dure tâche d’enseigner, la difficulté de leur faire saisir une notion simple. Ah mon dieu, que de rabâchages !!! Mais telle est notre mission, notre sacerdoce, notre chemin de croix.

La tâche fut rude, il est vrai, car subsistait chez les 6e4 un reliquat de générosité, conséquence d’une éducation bâclée et irresponsable. Alors ne les blâmons pas. Et puis je les comprends, car moi aussi, avant d’être un maître en radinerie, j’étais d’une générosité naturelle, d’une gentillesse maladive, et d’une bonté divine.

Alors je regardai au loin, par-delà l’effectif, ces feuilles mortes que le vent emporte, au son des sanglots longs des violons de l’automne, et de nouveau, l’émotion me submergea, telle la chantilly le banana-split.

L'égoïsme expliqué aux enfants (1/2)

Notre jeunesse me sidère.

Ce matin, après avoir disserté longuement sur le biclou, avec la passion que tu me connais cher lecteur et qu’un tel sujet implique, tour à tour vibrant à l’évocation de la pompe à vélo, puis totalement exalté, brandissant tel un trophée une chambre à air à plat, et pour finir, simplement émouvant, narrant sans emphase l’histoire épique de la rustine, les larmes aux yeux donc, je précisai à mes 6e4 somnolents, que le vélo était précieux, qu’il convenait de ne jamais s’en départir, et que l’on pouvait partager bien des choses dans la vie, mais son biclou : jamais.

Bourzig, Trapugne et Brizouille acquiescèrent, les nantis cosignèrent, l’effectif s’emporta, je touchais là à l’essentiel, l’affaire était entendue.

Jusqu’à ce que Fanny annonce que ce n’était pas bien de garder les choses pour soi, que c’était bien de prêter son vélo, pasque y’en a qui n’en ont pas, et patati et patata. Anaïs ajouta que d’une façon générale, il était bien de partager, que le monde en serait meilleur.

Mon dieu quelle horreur.

Ah !!! Quand l’empathie nous guette !!!!

Puis, Fanny nous fit un discours très affûté sur les droits de l’homme dont j’ignorais que l’on en disposait autant, et je crus bon de calmer la joliesse par une remarque apaisante et de bon aloi :
— Et ta sœur ??? Elle bat l’beurre ???

J’ignorais à ce jour que les 6e4 faisaient partie de la promotion « Abbé Pierre », je m’enquis au plus vite de rapatrier mes rastaquouères dans le monde réel, celui de l’égoïsme partagé par tous.

(Oui, je sais ce que tu penses de l’égoïsme, cher lecteur, à savoir que certains de nos compagnons de petite taille en sont fortement dotés dès la naissance. Je le sais. Mais chez eux, l’égoïsme est empirique, instinctif et pour tout dire, souvent malhabile. Et tu connais ma mission de technologue, structurer ces notions souvent diffuses, les compléter, afin qu’ils puissent en toute circonstance faire preuve d’un égoïsme de qualité, loin de l’amateurisme désinvolte affiché par certains et qui nous révulse tant.)

Je ne sais si la vérité sort de la bouche des enfants, mais les âneries en débordent, et je me devais donc, en tant que pédagogue émérite, de mettre le holà à ces élucubrations humanistes menant tout droit dans le mur de l’appauvrissement.

Mais comment faire ???

Ben comme ça :
— Attention les enfants !!! Partager c’est bien, mais partager, c’est avoir moins !!!

Les 6e4 accusèrent le coup, frappés par l’évidence de mon postulat.

Puis j’enchaînai avec la virtuosité que tu me connais cher lecteur (franchement des fois, y me manque que la toge) :
— Par exemple, si vous avez quatre bonbons, et que vous en donnez un, y vous en reste plus que trois… c’est ballot hein ???

Mais hélas, l’effectif fit la moue, mon argument de choc les laissa de marbre (et quand on fait la moue, c’est pas évident).

— Oui mais m’sieur, y nous en reste quand même trois… de bonbon… c’est bien déjà…
— Qui qu’a dit ça ????? Ah oui ???? Alors si tu as quatre roues à ta voiture et que tu en donnes une, comment tu fais pour rouler toi ?? Avec trois roues ???? Hein ???

L’argument fit mouche, la classe approuva des deux mains, certains précisant même qu’ils n’y avaient pas pensé.

De toute façon, y pensent à rien ces gamins.

À suivre…

Tati, l'amour et tout ça

Ce matin avec Christophe, on a décidé de s’faire payer un p’tit café par Tati.

— Coucou Tati !!!! Alors ??? Comment qu’elle va not’Tati ??? Elle paye son café not’Tati ????
— Non.
— Heu… bon ben merci.

Ben not’Tati, elle faisait la gueule.

Mais on sait pourquoi avec Cricri. C’est pasqu’elle cherche l’homme de sa vie, donc elle en teste pas mal, et elle tombe toujours sur les mauvais.
Moi ça m’fait pareil avec les melons.

Et des fois ça l’énerve avant d’être triste.

Alors on lui a posé des questions pour s’intéresser, pasque nous avec Cricri, les problèmes de couple on connaît bien, pasqu’on en a eu plein.

Et là elle nous fait :
— De toute façon vous les mecs vous êtes tous les mêmes, y’a qu’une chose qui vous intéresse, et quand vous l’avez eue, zou, y’a plus personne !!!
Ben ça avec Christophe ça nous a vachement étonnés, pasque nous y’a plein de choses qui nous intéressent chez les filles. Moi, c’est plutôt les conversations, et Christophe, l’argent. Mais nous, on part pas après, enfin, pas toute de suite après.

Alors j’ai demandé des détails :
— Ah bon… Et c’est quoi qui nous intéresse chez les filles pour qu’après on s’en va ????
— !?!? Non mais vous êtes vraiment bêtes ou quoi ??? Vous vous foutez de moi ??? Mais le gigot-flageolets pardi !!! Bande d’imbéciles !!!
— Le gigot-flageolets ?!?!?!?

Ben ça avec Christophe ça nous a vachement étonnés, pasque nous y’a plein de choses qui nous intéressent chez les filles mais le gigot-flageolets, on n’avait pas pensé.
Alors j’ai dit à Cricri :
— Ah bon. Et toi Cricri, si une fille te fait un gigot-flageolets, tu restes avec elle ???
— Un gigot-flageolets, non, ça me ferait pas rester, par contre, un poulet-frites, j’dis pas…
— …

Alors Tati elle a fait :
— Bon ben déjà, elle aura pas besoin de charcuterie, avec toi elle a déjà l’andouille…
Et Cricri y s’est un peu énervé :
— Ben quoi !! J’ouvre mon cœur et toi tu m’insultes !!! Ben ça alors, ça m’apprendra à me confier…

Qu’il a dit Cricri.

D’autant que moi, si une fille me fait un gigot-flageolets, j’aurais plutôt tendance à rester. C’est p’t’être pour ça qu’elles m’en font pas. Mais des filles qui font du gigot-flageolets, ça se trouve plus trop d’nos jours. Et cuit bien comme on aime, c’est introuvable. De toute façon aujourd’hui avec les nanas, vaut mieux venir avec son manger.
D’ailleurs moi, une fois, ben la nana, j’y avais proposé de faire des coquineries dans la cuisine, c’est le seul moyen que j’avais trouvé pour qu’elle y entre.

— Dis Tati, ben les gars que tu reçois, faut plus leur faire du gigot-flageolets.
— Oui mais les gars, s’ils ont pas leur gigot-flageolets, on les intéresse plus !!!!
— !?!?… Mais c’est qui les hommes que tu rencontres, c’est des dingos ma parole…
— Non, c’est des gars tout c’qui a de plus ordinaire, un peu vot’genre quoi…

Alors avec Cricri on s’est regardés, pasque bon, on n’est peut-être pas des gars extraordinaires, mais de là à nous l’dire, faut quand même pas déconner.

Mais c’est vrai aussi qu’avec les nanas avec Cricri on sait plus trop quoi faire des fois. L’autre jour, je taquinais une fille de l’Internet, avec des préliminaires aux petits oignons, comme on sait faire nous les artistes, et là elle me fait :
— Dis, t’es bien sympa avec tes préliminaires, mais on va pas y passer trois plombes non plus ?? Hein ?? Qu’est-ce que t’en penses ??

Ça m’a jeté un froid.

Hé, c’est vrai quoi, on n’est pas des monstres quand même.

Alors pour rattraper elle a dit :
— Hé, j’t’ai pas vexé au moins ???
— Ah ben non, pile poil le contraire, ça m’a même surmotivé. Mais bon scuse, mais c’est de la déformation professionnelle en fait, pasqu’en techno, on apprend à toujours bien préparer un chantier…
— Ah oui ??? Un artiste tu disais ??? Un poète tu veux dire… tu dois faire des ravages chez les nanas toi… Non mais tes prélis c’est sympa, on sent la bonne volonté, y’a de l’abnégation, c’est sûr, mais tu sais qu’on est à l’air post-industrielle là, hein mon coco ??? L’artisanat c’est fini, aujourd’hui c’est la production en série, les délocalisations massives, c’est qu’on a les chinois aux fesses !! Alors faudrait voir à se bouger le cul mon canard !!!!

Mon canard, ça m’a bien virilisé comme surnom, c’est vrai.

Alors j’ai fait tout bien à madame, comme elle voulait quoi, et après j’ai mangé un Magnum Double Caramel, pasque nous les hommes, on aime bien le Magnum Double Caramel après l’amour.
C’est vrai, ça fait deux plaisirs d’affilée comme j’dis souvent.
— Ouais, en tout cas, ça en fait un de sûr quoi…
Ça c’est la fille de l’Internet qui a rajouté.

Enfin en tout cas avec Cricri, toutes ces histoires de gigot-flageolets, ça nous a fait réfléchir sur la vie, mais pas longtemps, pasque Tati nous a foutus dehors pasqu’elle avait pas qu’ça à foutre.

Alors Christophe il a dit :
— Mais bon, quand même, un gigot-flageolets, c’est bien sympa dans la vie.
— Ça c’est sûr, j’y ai fait.

Des fois avec Cricri, on s’dit qu’on aurait dû s’faire profs de philo.

Merci Bourzig

Ce matin, trois lignes de cours à écrire, et comme d’habitude, Bourzig n’a pas l’air de s’en inquiéter, tout occupé à tripoter un bracelet que je ne lui connaissais pas, comme d’ailleurs son goût pour les bijoux moches. Je m’approchai mine de rien, me postai devant le sieur, qui s’interrompit illico, son regard cherchant désespérément un point de fixation, pour s’arrêter finalement sur la vis supérieure de l’interrupteur de l’entrée, choix somme toute assez pertinent, tandis que j’indiquai d’un doigt souple et gracile l’objet de ses attentions.
— Ben Bourzig, c’est quoi ça ????
— Quoi ça ????
— Ben ça, là…
— Où ??? Là ???
— Non, là, ça…
— Là ????
— PUTAIN DE MERDE MAIS C’EST PAS COMPLIQUÉ BORDEL !!!!! LÀÀÀÀ !!!
— Ah ça !!!!
— Oui ça…
— Ben c’est ça…
— Et c’est quoi ???
— Un bracelet d’énergie, pour avoir de l’énergie à revendre.
— Ah ouais, et t’en vends ???
— De quoi ????
— PUTAIN MAIS TU LE FAIS EXPRÈS OU QUOI ???? DE L’ÉNERGIE BORDEL !!!!
— Ben non pourquoi ???

Oh putain.

— Et t’as plus d’énergie qu’avant ???
— Ben j’arrive pas trop à dire.
— Ouais, ben moi j’vais te le dire, j’peux t’parler franchement Bourzig ???? Sans s’énerver et tout ??? En respectant la loi et tout l’toutim ???
— …

À cet instant, Bourzig s’attend au pire, et il n’a pas tort, c’est même plutôt bien vu comme stratégie. Et je t’entends d’ici cher lecteur, louer notre Bourzig pour cette sage précaution, et comme tu es une bonne personne, tu vas ajouter pour le réconforter que le pire n’est jamais sûr, ce à quoi je répondrai que le moins pire non plus, et bien sûr tu préciseras cher lecteur, à mon intention, qu’il n’est jamais bon de s’abandonner à l’emportement, et je conclurai en te disant que si tu voulais bien te mêler de tes oignons et me laisser faire mes cours comme j’en ai envie, merci.

(Putain c’est vrai quoi, ces lecteurs qui interviennent en permanence, oh, c’est le blog à qui ici ???)

Mais avant de délivrer le pire, je remarquai une vaste tache d’encre sur son cahier.
— Mais, t’as déjà noté le cours ???
— Ben oui…
— Alors là, chapeau l’artiste… alors ça, pour une surprise, c’est une sacrée surprise…
— Ben j’ai écrit comme une fusée…
Ainsi donc, c’était ça que j’avais remarqué sur le cahier : des traînées de poudre.

— À la bonne heure !!! Ben ça fait plaisir, bon sang de bon sang de cacahuète à ressort de chierie infâme, non ???
— Ben c’est le bracelet d’énergie…
— Tu veux dire cette merde à ton poignet ??? Ouais, ça doit être ça oui… heu dis… heu… ça marche pour tout le gain d’énergie ???
— Ben j’sais pas… mais j’crois qu’oui, vous voulez en acheter un ???
— Oui oh, j’demandais ça comme ça… mais c’est vrai que des fois j’ai des p’tites faiblesses au niveau du genou, enfin j’me comprends, heu… quand je fais mon footing, en fait…
— Ben avec le bracelet vous pouvez faire le marathon.
— Le marathon ??? Héhé !!! Alors là, tu m’intéresses mon gaillard !!

Et c’est ainsi que Bourzig et moi-même arborons depuis peu nos bracelets d’énergie, unis par cette passion commune de faire pour le mieux, lui en notant dorénavant deux trois bricoles en cours, et moi, en limitant si possible, les plaintes inévitables qui ne manquent pas d’affluer après les promesses exaltées faites au resto.

Mais bon, j’ai pas encore testé.

La domotique

Repas à la cantine, vendredi, 12h34.
Intervenants : Isabelle, Tati et moi.

— Dites les filles, je voulais avoir votre avis, pasque j’ai des fabrications à choisir pour les élèves, et là j’hésite. Alors voilà, le thème c’est la domotique, informatique et électronique à usage domestique…
— Tu manges pas ton surimi ???
— Heu non, si tu l’veux… Oui alors j’voudrais des trucs typiques pour les filles et les garçons quoi…
— Et moi j’peux avoir ton kiwi ???

Les filles, elles aiment bien bouffer chez nous.

— Le kiwi ??? Ben… heu… bon ok. Alors comme objet à étudier j’avais pensé à une télécommande pour les garçons et un aspirateur pour les filles…
— Ah bon, pasque l’aspirateur c’est typiquement féminin ?? Dis, le technologue là, on t’a informé qu’on avait le droit de vote ???
— Ben quoi, j’ai dit une connerie ???
— Ah mais celles-là tu devrais les mettre en musique… remarque, ton idée d’aspirateur c’est pas mal, mais moi je choisirais l’aspirateur pour table c’est bien plus élégant… t’en penses quoi Tati ??
— Ben t’as raison c’est plus féminin, pis ça prolonge bien le bras, ça affine la silhouette…
— Ben j’en ai offert un à ma mère…
— Ben elle devait être heureuse ta mère, on sent bien que tu l’aimes… sinon, si tu veux leur enseigner un truc typiquement féminin j’ai bien une idée…
— Vas-y, dis-y…
— Ben t’as le sex-toy, ça c’est typiquement féminin…
— Sex-toy ???? C’est quoi ça ??? La suite de Toy Story ???
— On peut dire ça comme ça oui…
— Ah bon, et y’a une télécommande pasque…
— À ma connaissance non, pis je vois pas l’intérêt … quoique…
— Une télécommande ça serait bien, pis faut que ce soit démontable…
— Ah ça j’sais pas j’ai jamais essayé…
— Ben c’est super, moi qui cherchais un objet de taille réduite, à usage domestique, qui rend des services pratiques…
— Ah ben c’est tout à fait ça… pis j’pense que les parents se feront un plaisir d’acheter ça à leur gamine…
— Ah mais c’est génial, si tout le monde y trouve son compte…
— C’est le cas en général… y’a peut-être juste au niveau de l’inspection académique que ça risque de coincer un peu, mais j’dis ça, j’dis rien quoi…
— Et pourquoi ??? Attends, un objet technique, à usage domestique, y’a de quoi combler n’importe quel inspecteur. Au fait, c’est à piles ou sur secteur ????
— Ben ça dépend des modèles, moi c’est à pile…
— Bon de toute façon, doit y’avoir un mode d’emploi…
— Oui, mais crois-moi, sans, on se débrouille très bien quand même…
— Et ben super, je vais en commander quelques cartons, je vais regarder sur les sites de technologie…
— Oui, j’pense pas que tu y trouves ça, mais fais une recherche sur Google. Pour les cartons, oui, je pense qu’ils ont des commandes pour des collectivités, genre couvent ou autre…
— Ah ouais ??? Les couvents ???? Ben dis donc. Ok, je vais chercher sur google… et ça coûte cher ?? Pasque j’peux pas demander plus de dix euros aux gamins…
— Ça dépend, le modèle canard, tu peux le toucher à vingt euros je pense…
— Ah pasqu’y a un modèle canard ??? Ah mais dis-donc c’est très ludique en fait, c’est parfaitement adapté aux gosses quoi. Quoique canard, ça fait un peu bébé quand même…
— Ben là pas trop, je t’assure… quoiqu’il existe un modèle mini, en tout cas ils sont tous waterproof…
— Ah ouais ??? On peut les amener à la piscine ???
— Tu demanderas au collègue d’EPS, tout se négocie…
— Et ben Isabelle, merci, tu m’as retiré une sacrée épingle du bras…
— Une épine du pied on dit…
— ?!?!… Mais sinon, ça sert à quoi ce truc ???
— Ben j’sais pas, comment dire… ben t’es chez toi, t’as un moment tranquille, et là t’as un problème, et comme t’as pas d’homme sous la main, ben tu le règles toute seule…
— Ah ouais ??… Ça remplace un homme en fait… Comme pour les travaux de force, décoller du papier peint par exemple…
— C’est pas le premier exemple qui me serait venu à l’esprit, mais ça permet de décoller en effet…
— Si ça se trouve, c’est Black & Decker qui fait ça et j’vais en trouver à Bricorama…
— Tente le coup, on sait jamais… Quant à savoir qui fabrique, je sais pas, t’as une idée Tati ???
— Ben savoir qui fabrique, on s’en fout un peu, mais c’est vrai que si ça peut faire travailler des p’tits chinois, on est ravies, ça fait un p’tit plus…
— ?!?!… Ouais, en tout cas, j’ai mon objet, super !!! Comme quoi, c’est toujours bon de discuter avec des collègues !! Merci mesdames !!!
— Y’a pas d’quoi, quand on peut rendre service…