Archives de catégorie : Le collège

Vamos a la playa (7/11)

7 – Mon rêve de Mercedes

Ce matin, c’est musée, le musée des ninots, des personnages à taille humaine en carton-pâte, un truc bien local, qui devrait plaire aux gamins.
Moi, du musée, j’ai surtout un souvenir, la nana qui nous a fait la p’tite présentation au début.
Mercedes qu’elle s’appelait. D’ailleurs les p’tits mecs du groupe ont bien percuté aussi.
Ils ont bien compris qu’on avait une bombasse sous les yeux.
Une espagnole comme on l’imagine, comme on la rêve.
Que du noir, les yeux, le regard, les cheveux, les fringues mais putain que c’est beau.
Et pis j’peux bien vous dire que moi, les brunes à cheveux courts, ça m’fait partir à la renverse.
Des garçons sont venus me voir pour partager ça, tin m’sieur, elle est canon la nana, je confirme les jeunes, c’est du rare, de l’exceptionnel, mais soyez plus discrets dans l’regard, ça fait bourrin.
D’ailleurs j’leur ai expliqué vite fait la recette du regard furtif, patiemment élaborée pendant de longues années à la terrasse de tous les bistrots de France et du Berry.
D’ailleurs faut qu’j’vous en parle une prochaine fois, mais bon, c’est très technique quand même.

Et pis j’me suis pris à rêver, pour une nana comme ça, j’suis prêt à tout larguer.
J’m’installe ici, j’trouve un boulot quelconque, cuisinier ou toréador, ou drag-queen, un truc dans mes cordes quoi, j’loue une chambre de bonne, et on se livrerait à une sexualité débridée dans le coffre de sa voiture. Ouais ç’a l’air con, c’est con d’ailleurs, mais c’est son prénom qui m’inspire.
On est comme ça les poètes, avec un p’tit détail, on construit des cathédrales.

Mais bon, du rêve à la réalité y’a qu’un pas, dit-on, et ben là, j’nuancerai, et j’dirai qu’y a deux cons.
Kamel et Grégoire, les deux têtes à claques du groupe, nos hommes-grenouilles, c’est comme ça, quand y’a d’la connerie dans l’air, faut qu’ils respirent bien fort les deux là.
Ils se sont bousculés et ont atterris sur un ninot qu’ils ont consciencieusement pulvérisé.
Dans un musée, putain.
Mercedes a démarré au quart de tour, et le regard noir s’est dirigé vers moi, adulte responsable et attentif, comme si j’y étais pour quelque chose.
Vous pensez bien que tous mes projets sont tombés à l’eau d’un coup, et qu’j’ai bien fait d’pas envoyer ma résiliation de bail.
Le regard noir était en train de virer brasero, j’ai envoyé un gamin chercher la prof d’espagnol, parce que mon espagnolo-franco-anglais, mâtiné d’un fort accent ardécho-bretono-americano-alcoolique, semblait pas la convaincre et que l’espéranto qui en résultait, loin de rapprocher les peuples, aurait pu provoquer la 3e guerre mondiale.
Ou la 4e, j’sais plus, j’tiens pas les comptes en même temps.
Les mamies se sont pointées et j’en ai pris deux valises entières en pleine poire, t’aurais pu les surveiller, tu f’sais quoi, comment on va faire, un truc aussi beau, là j’étais pas d’accord, t’es pire qu’les gamins, c’est pas vrai ça dès qu’y a une nana, et j’en passe.
— Charly vous êtes d’un puéril, c’est à désespérer.

Le directeur du musée s’est approché tout sourire, et nous a expliqué que des gamins, y z’en recevaient toute l’année, que c’était pas la première fois, et qu’en fait y’avait pas d’mal, que c’était une expo didactique pour touriste, et pas le musée du Louvre, et que Mercedes venait d’arriver, en rodage quoi, et qu’il s’en foutait, ce qu’on s’est empressé de faire aussi.
Adieu Mercedes, tu ne connaîtras donc jamais mes talents de pilote.

J’ai juste dit aux mamies :
— Oh, vous nous faites visiter des merdes maint’nant ?
Elles ont juste dit :
— T’es tellement immature mon pauvre Charly, qu’on va rajouter ton nom à la liste d’élèves.

Du coup, on s’retrouve à cinquante et un.

À suivre…

Vamos a la playa (6/11)

6 – Et qu’ça saute !

Aujourd’hui, petite fête locale car c’est la semaine des fallas.
On s’est rendu dans un p’tit bled ou qu’y paraît qu’elle est top la fête.
C’est vrai c’était sympa, les gamins aimaient bien.
Y’avait des défilés, genre majorette, mais aussi des processions, genre enterrement, et l’élection d’une miss, genre moche, la p’tite fanfare, enfin sympa quoi.
Un mélange tradition et modernité mais bien tradition quand même.
La fanfare on l’a entendu bien avant de la voir, parce qu’y t’foutaient un bordel avec leur trompette. j’sais pas c’qu’y jouaient, mais c’était pas des harmonies habituelles, non, on était même bien au delà de la musique expérimentale, plutôt dans l’exploration acoustique.
Les Beethoven, les Stravinsky, y t’les ont foulé au pied joli, et les Mozart et compagnie comment qu’y t’les ont réduit à l’état de fifrelins.
On était loin des gammes majeures et mineures, des trucs pareils, ça peut provoquer des mutations génétiques.

On s’est rendu sur la place, y’avait une scène avec les p’tites miss, tous les gamins suivaient malgré la foule, j’avais envoyé le chauffeur dégoter deux bièras, y f’sait beau.
Les fallas, c’est au mois de mars, ça annonce le printemps.
J’peux vous dire qu’on l’a entendu l’annonce.

Vers midi, la fête bat son plein.
Comme y sont heureux les autochtones, qu’y z’ont le cœur en fête, et c’est une tradition à cette époque, y font exploser des pétards.
Eux, y z’appellent ça des petardos. Moi j’dirais plutôt bombas, parce que putain le boucan qu’ça fait leurs trucs.
C’est bien simple, quand ç’a commencé à péter, j’ai gueulé aux gamins de se jeter à terre, les mamies, à qui j’avais rien dit, ont fait pareil, avec le chauffeur on s’est planqué sous la buvette.
Vous avez vu le soldat Ryan ? Le début ? Et ben vous multipliez par dix.
J’ai même demandé au chauffeur c’que foutaient les renforts, qu’on allait pas tenir longtemps comme ça.
Les p’tites miss sur la scène, elles étaient plaquées contre le mur, tu parles d’une fête votive, un boxon ouais.
Et la fanfare jouait toujours et y’a un type qu’est monté chanter sur scène, genre opéra.
Comment qu’y t’les a mis minables les Caruso, Mariano et compagnie, et qu’y t’les a roulé dans la farine les Raimondi, les Carreras, quand à Pavarotti, c’est bien simple,
il l’a traîné dans la boue.
Avec le chauffeur, on a rampé jusqu’aux gamins, j’ai fait relever tout le monde, en langage des signes, et on s’est vite tiré de là.
Ils avaient tous mal au cœur, du bruit, des vibrations, des odeurs, de la fumée.
Arrivés au bus, y manquait trois gamins. Ben on s’bousculait pas pour retourner sous les bombes.
Mais en tant que virilisator, j’m’y suis collé.
En fait, j’ai fait très simple, j’suis monté sur scène et j’ai passé un message.
Dans c’bordel les gamins ont entendu et m’ont rejoint au pied de la scène.

Ils étaient tout choqués les minots et bien contents de me voir, et moi aussi.
Y m’ont dit qu’ils avaient peur de s’faire engueuler par les mamies.
J’leur ai demandé quelle était la plus jolie fille de la classe, ça les a étonné, mais ils ont répondu sans hésiter Doria, j’leur ai dit d’penser à elle pendant la ronflée, y m’ont dit qu’ils le feraient.

Arrivés près du groupe, le chauffeur m’a fait signe et m’a entraîné derrière le bus.
Il a sorti deux canettes de bière de son sac. Sympa.
Il avait réussi à en acheter malgré le souk.
On a bu nos canettes presque fraîches, sans rien dire, du bonheur quoi.

Ça gueulait dur derrière le bus, les minots en prenaient pour leur grade.
Mais les mamies avaient eu la pétoche je crois.
Tu parles d’une fête de bourrin.

On a roté un bon coup, et on les a rejoint.

À suivre…

Vamos a la playa (5/11)

5 – Les enfants de Cousteau.

Levé sept heures, les mamies sont déjà debout, j’les entends qui chuchotent pour pas réveiller l’homme.
Une salle de bain pour cinq, ça fait long à attendre, et c’est qui qu’est passé l’dernier ?
— Charly, on vous dispense de vos remarques et passez un peignoir vous êtes ridicule.
Et j’peux vous dire qu’y a pas qu’les mecs qui laissent des poils sur les lavabos.

Programme de la journée : visite d’un lac souterrain, peu profond mais glacé, avec des barques à fond plat manœuvrées à la godille.
À la godille.
Charmant.
J’sais pas qui a eu cette idée à la con, mais embarquer nos cinquante excités sur des radeaux dans une grotte éclairée par des torches faut vraiment être con, ou prof, c’est pas possible autrement.
Parce qu’à votre avis, y’en a qui sont passés à la baille ?

Deux.
Les cons. Poussés soi-disant.
Putain, on les a repêché avec une gaule, vite dépoilé, et comme c’était deux gars, les filles ont eu pour consigne de se retourner, mais perverses comme elles sont ces nanas, elles zieutaient quand même.
Les gamins ont pas voulu que les mamies les touchent, et le mec que je suis peux le comprendre, alors c’est bibi qui les a frotté pour pas qu’y s’gèlent les miches et que leur cerveau soit irrigué.
Sortie d’urgence de la grotte, enfin d’urgence, à la rame quoi, et dès la sortie y’en a cinq qui se barrent pour cloper.
Impossible de partir sans eux donc il a fallut les trouver, comptez une demi-heure, avant de démarrer en trombe, enfin en trombe, en bus quoi.
On était quand même inquiet parce que nos hommes-grenouilles claquaient des dents grave, alors on les a couvert de tout ce qu’on trouvait.
Même d’injures, c’est vous dire.
Arrivés en ville, les urgences, en bus sur l’parking de l’hôpital, j’vous passe les détails.
Enfin bref, rien de bien méchant. Mais les deux scaphandriers se sont pris une avoinée de derrière les fagots par les mamies et s’ils claquaient encore des dents, c’était plus d’froid.

Du coup l’après midi on savait plus quoi faire.
Et pis j’sais plus qui a proposé de visiter le musée de la ville.
Putain.
J’sais pas qui a eu cette idée à la con, mais…

À suivre…

Vamos a la playa (4/11)

4 – Charly s’met minable.

On a du arriver vers dix heures du soir dans le sud de l’Espagne.
Les familles d’accueil étaient là. On a fait comme la croix rouge, on leur a distribué les colis, enfin les loustics quoi, et on a rejoint notre hébergement.
Chez l’habitant, une mamie encore, décidément j’ai pas d’bol, qui louait des chambres. J’entravais que coinche à c’qu’elle disait et la prof d’espagnol pareil parce qu’y parait qu’y a des différences de vocabulaire selon les régions.
Elle nous avait préparé à manger, de la bonne cuisine traditionnelle, à base de gras, et surtout, avec le chauffeur on l’a repéré tout de suite, une bouteille de pinard.
On a fait les mecs polis au début, va s’y sers toi, non j’t’en prie après toi, et puis on a fini par la descendre c’te boutanche, comme des malpropres.
Les mamies ont appelé le principal-adjoint pour dire qu’on était bien arrivé. et elles ont discuté du programme de la semaine.
Enhardi par la lampée de pétrole que j’venais d’m’envoyer, j’me suis permis d’leur dire que l’important dans ces voyages, c’est pas d’leur bourrer le crâne aux gamins, mais d’leur bouger l’cul, qu’ils sortent de leur télé, video et autres, et qu’ils s’aèrent les neurones, qu’y s’ventilent les chakras, comme un décalaminage quoi, un curetage, un détartrage cervical en quelque sorte, et y’en avait besoin.
— Mon pauvre Charly, vous me faites de la peine, et cessez donc de boire vous êtes pathétique.
Mais sur la lancée, j’ai continué.
Et puis c’est sympa l’exotisme ? Non ? Prendre la claque de la vie, en pleine tronche, c’est pas sympa ? Hein ? Et la taloche de l’amour ? Le coup de pied au cul de l’amitié ? Le croche-patte de la tendresse ? La clé de bras d’l’affection ?
Elles m’ont regardé sans rien dire. Et elles ont repris leur conversation.

C’est bien la peine de faire part de mes réflexions, en plus que des intelligentes, pour être ignorer tel un vulgaire prof de ZEP.

Bon, pour en r’venir au pinard, y’avait pas d’étiquette dessus donc j’pourrais pas vous dire la marque mais y cognait dur l’tonton, et avec le chauffeur, on a commencé à piquer grave du nez, plus la fatigue, on commençait à trouver les mamies sexy.
Et ça chez moi, c’est un signe : faut aller s’coucher.
— Charly, inutile de monter cette bouteille dans votre chambre, elle est vide, vous me faites pitié tiens.
Ouais ok, donc on a été s’pieuter, j’étais bien torchon, et j’ai du mettre maxi cinq secondes pour m’endormir.
Vous savez, la bouche d’aération bien ouverte avec la glotte qui fait :
rrrrrrrrrrooooon… Pfffffffffffff… rrrrrrrrrrrrrooooooon… pffffffffffffff…
Mais bon, on y était à la playa, on y était…

À suivre…

Vamos a la playa (3/11)

3 – Charly fait sauter l’bouchon.

Barcelone en début d’après midi, c’est un sacré boxon circulatoire.
J’venais d’pioncer quatre heures d’affilé quand j’me suis réveillé.
Les mamies s’engueulaient autour d’une carte, j’ai demandé au chauffeur ou on allait, y m’a dit qu’une mamie voulait faire un détour pour visiter un truc dans un p’tit quartier.
J’ai essayé de regarder la carte avec les mamies, pour les aider, mais j’me suis fait jeté, soi disant qu’elles se débrouillaient très bien toutes seules, qu’elles étaient pas connes quand même.
Ça, j’ai pas voulu en débattre, du coup, j’ai été me ravitailler en barres chocolatées chez les gamins.
Y pétaient la forme eux.

Le problème avec les p’tits quartiers, c’est qu’c’est plein de p’tites rues.
Est arrivé ce qui devait arriver, à force de faire le con avec son bus l’autre, on s’est retrouvé coincé dans un virage. Impossible de manœuver.
Le bordel. Dix minutes après, ça klaxonnait à tout va dans l’quartier. Une mamie est sortie pour gueuler qu’ça changeait rien de klaxonner mais visiblement y pensaient l’contraire.
Le chauffeur transpirait à grosses gouttes, il a fait trois fois l’tour du bus pour trouver une solution. Et quand j’dis le tour, c’est pas à pied qu’il le faisait, mais en longeant les vitres du bus en varape.
Les gamins s’bidonnaient et ont voulu prendre l’air une minute. Y se sont pris une branlée par les mamies qu’étaient bien tendues et énervées.
Moi, j’suis parti cloper deux rues plus loin en m’disant qu’j’les sortirai de cette merde quand j’aurais fini mon clope.
Les flics sont arrivés, à pied bien sûr puisqu’on avait bloqué tout l’quartier.
Les gamins avaient trouvé un nouveau jeu, y passaient d’un coté à l’autre du bus pour décrocher l’chauffeur. Et y z’ont réussi ces cons.

Quand j’ai fini d’rigoler, j’me suis pointé la gueule enfarinée, j’ai dit aux mamies d’aller s’asseoir et de la boucler, j’ai dit au chauffeur de respecter strictement mes consignes et de la boucler aussi, j’ai fait évacuer une vingtaine de bagnoles, comme si c’était un casse tête, les flics y mouftaient pas, j’ai fait manœuvrer le bus au millimètre et vingt minutes plus tard l’quartier était dégagé et on a repris la direction de l’autoroute parce qu’on était encore loin du but.

Les mamies n’en revenaient pas, leurs yeux brillaient de reconnaissance, les gamins m’ont applaudi, y m’ont filé des carambars et j’ai dit au chauffeur de s’arrêter sur l’autoroute pour que j’puisse boire une bière. Il était d’accord et les mamies aussi.
Sympa la bière.
Les collègues étaient toutes gentilles avec moi et elles n’arrêtaient pas de s’raconter l’histoire, mais moi ça m’intéressait plus.
Et pis j’ai préféré accompagner les gamins fumer une clope.

À suivre…

Vamos a la playa (2/11)

2 – Les voyages forment la vessie

Ça, j’me suis bien fait chier.
Impossible de papoter avec qui qu’ce soit, les mamies causaient patchwork et le chauffeur écoutait d’la zique.
Alors j’me suis dit, j’vais aller faire chier un peu les gamins.
J’ai poussé deux trois gueulantes pour les pieds sur les fauteuils et les papiers parterre mais ça m’a fait du bien, ça m’a requinqué.
Faut dire qu’j’avais rien pris à bouffer en m’disant qu’j’achèterais un truc sur l’autoroute, quand on prendrait de l’essence.
Mais ces putains de bus, y z’ont une autonomie de 800 bornes, j’vous dis pas la dalle.
J’ai essayé de négocier un arrêt pipi, mais le chauffeur m’a demandé de patienter encore un peu. J’avais la haine.
J’ai été voir les merdeux et j’leur ai demandé de gueuler bien fort et tous ensemble pour demander qu’on s’arrête.
Ils l’ont fait. Tu parles, l’autre y s’est garé 100 mètres plus loin, les tympans explosés, et pas content.
J’lui ai fait mon sourire bien con.

Pis j’voulais fumer une clope, y’a une collègue qui m’a dit, pas devant les gamins alors j’ai été dans un p’tit sous-bois à coté.
Tu parles, y’avait déjà dix gamins qui clopaient en cachette, vous l’direz pas aux parents m’sieur, j’ai gueulé un coup mais j’les ai laissé finir leur clope en échange d’un paquet de Chamallow et d’un Coca.
Y z’étaient d’accord.
Comme ça j’ai pu bouffer un peu et boire un coup.

Du coup, une heure après, j’avais encore envie d’pisser.
J’ai même pas demander au chauffeur de s’arrêter, j’ai directement été voir les gamins.

À suivre…

Vamos a la playa (1/11)

1- L’annonce faite à Charly

Les voyages scolaires, ça m’a jamais vraiment concerné puisque ce
sont les profs de langue qui s’y collent et que pour les accompagnants,
y prennent en général des collègues avec qui y sont super potes.
Cette
année la, la prof d’espagnol, parce qu’y en a qu’une, a choisi ses
trois copines de SVT, maths et j’sais plus quoi pour un voyage d’une
semaine dans le sud de l’Espagne.
Seulement voilà, le principal-adjoint
ne l’entendait pas de cette oreille. Il a imposé un homme parmi les
accompagnants, pour viriliser l’effectif qu’il a dit.
Et à votre avis, c’était qui virilisator ?
C’était bibi.
J’sais
pas pourquoi moi, mais en tout cas, j’étais dans le couloir en train
d’mater l’cul de tati quand le principal-adjoint m’a interpellé :
— J’vous dérange pas ?
— Non non, je réfléchissais…
— Une semaine en Espagne ça vous dit ? Cinquante élèves à accompagner, vous serez quatre adultes, départ dans deux semaines.
— En Espagne ? Mais j’parle pas espagnol…
— Oui et alors ?
— Et alors ?… ben… alors rien.
Quel con, j’pensais qu’pour accompagner des gamins à l’étranger c’était mieux d’parler la langue, et ben non.
Ah y’a des fois, j’me bafferais tiens.

J’vais voir les collègues, pas contentes les mamies (oui évidemment,
j’ai pas précisé mais c’était pas des bombes atomiques), se voir
imposer une paire de couilles, ça renaudait dur à la sacristie. Parce
qu’entre collègues, faut pas rêver, on s’fréquente pas tous.
Bon, elles m’ont donné la date de départ, l’heure, un document à compléter et après ça, plus un mot jusqu’au jour dit.

J’vous balance le programme :
Départ lundi 5 heures du mat, 16
heures de bus, 50 gamins, 3 mamies, 1 chauffeur qu’avait une tête à
sentir des pieds et 1 extraterrestre (bibi).
Voilà. Me dites pas qu’j’suis un veinard sinon j’ferme le blog…
J’vous en foutrais moi…

Allez, en route et… VAMOS A LA PLAYA !!!!

À suivre…

Réunion mamans-profs (3)

La maman de Guillaume.
Avec elle, ça rigole pas.
Enfin, Guillaume rigole pas.
J’l’avais jamais vu comme ça, l’Guillaume.
Lui qu’est si drôle d’habitude.
Elle sait plus quoi en faire.
J’la rassure : nous non plus.
— Qu’est-ce que j’peux faire pour le mettre au travail ?
— Ben, déjà, commencer doucement, disons un quart d’heure tous les soirs, pendant un mois, puis augmenter la dose, jusqu’à l’addiction. Mais surtout, ne pas le brusquer.
— Son frère ainé avait fini par avoir un déclic. Peut-être qu’il est pareil.
— Oui mais en attendant le déclic, des claques ? Non, j’plaisante…
— Oh ben, si j’montrai le bulletin à son père…

La maman de Pierre.
Une grande et belle femme.
Pierre est bon élève.
Rien de particulier à dire.
Elle a envie de papoter.
— C’est bien les fabrications en techno, l’électronique, tout ça.
On a justement un problème avec la télécommande du portail, si Pierre, après vos cours, pouvait réparer ça.
— Vous savez, c’est une classe de 6e.
— Ah bon ? Pourtant il a soudé…
— Oui, mais ce sont des notions d’électronique, juste des notions…
— Moi, ça me plairait bien de faire des choses comme ça…
— Tentez l’inscription au collège. On sait jamais, avec une dérogation.
En tout cas, j’lui apprendrais volontiers.

La maman de Talia.
Le père est là.
Ils sont turcs et ne parlent pas français.
C’est l’élève elle-même qui traduit. Une excellente élève.
D’une gentillesse, d’une douceur.
Je m’adresse à elle :
— Dis à tes parents que tu es une excellente élève.
Gênée, elle traduit.
— Et qu’il faut continuer comme ça.
— Mon père vous dit merci.

La maman de Stéphanie
Une élève brillante.
— Avec son papa, on va se séparer.
Sa fille reste impassible.
— J’ai peur que ses résultats en pâtissent.
Larmes.
Je lui explique que c’est possible, mais que ça ne durera pas.
Elle est gênée d’avoir flanché devant moi.

La maman de Léa.
Il est très difficile de parler de certains gamins.
Aux parents.
Léa est souvent dans le couloir qui mène à ma salle.
Elle y est toujours avec son copain du moment et d’autres élèves.
Malgré l’interdiction, l’hiver, j’leur dis rien, ils restent au chaud, d’accord.
Mais par contre, lorsque je la vois se faire peloter, je gueule un bon coup.
— Vous vous croyez où là ?
Et je les fous dehors en rappelant qu’on est dans un collège.
— Oh ça va, j’le s… . pas quand même !
Et elle se marre.
— Pardon ? quoiya ? castadi ?
J’suis pas un type trop coincé mais y’a des fois les bras m’en tombent.
(Ah, ces petites anecdotes croustillantes qui émaillent mes posts, sympa non ? Et que du vrai).

Ouais, j’disais donc, la maman.
— Bien, madame, j’vous cacherai pas que Léa nous cause bien du souci.
— Le prof principal me l’a dit. J’comprends pas. À la maison, ça s’passe très bien.
Tu m’étonnes, elle doit décompresser.
— Alors, qu’est-ce qui va pas avec Léa ?
— Et bien… heu… les résultats sont très insuffisants…
— C’est vrai qu’elle a pas le don…
— Voilà. Heu… sinon… pour le comportement…
— Elle est impolie ?
— Un peu, oui.
— Ça, c’est pas bien.
— J’vous l’fais pas dire. Et puis disons que… avec les garçons, ce serait bien qu’elle garde un peu de distance.
— Ah bon, qu’est-ce qu’elle a fait ?
— Rien de grave, j’vous rassure, mais bon, passez lui le message…
Ouais, en même temps, j’vais pas lui dire que sa fille a des comportements de… heu… comment dire… en restant poli… heu… enfin bref voilà quoi et qu’elle tient des propos de… heu… j’l’ai au bout d’la langue… c’est trop bête… enfin, j’me comprends.

Le collège Edmond-Philogène de Saint Gontrand de la Preule

C’est niché au cœur d’une petite banlieue de province que nous découvrons le collège Edmond-Philogène de Saint Gontrand de la Preule.
D’une architecture audacieuse, l’ouvrage impose d’entrée sa géométrie pure, le parallélogramme, rappelant par sa sobriété les concepts initiés par les premiers pharaons.
Les façades, d’un noir pastel, et finement taguées, ne sont pas sans rappeler l’abattoir Saint André de la ZUP Mazette.
C’est donc le cœur en joie que notre turbulente jeunesse, cartablée jusqu’aux dents et conquérante, se rend à son ouvrage.
Face à vous l’administration du collège, ou exerce un personnel doué d’un vrai sens de l’accueil, mais par ailleurs d’une telle discrétion, qu’on ne le voit quasiment jamais.
Qui pourrait imaginer sous l’austère visage un sourire chaleureux ? Un clin d’œil complice ?
Un humain ?
Sur la droite, le parking à vélos, lieu de tous les recels, trafics, vols et incartades fameuses. Seul endroit du collège ou vous ne trouverez pas de pompes.
Sur la gauche, approchant la cantine, pensant humer le menu du jour, vous concluez, contrit, qu’il s’agit de celui de la veille.
Et nous débouchons sur la cour ou virevolte notre avenir, notre jeunesse.
Une jeunesse multiethnique, multiculturelle, multicolore.
Et parfois même, multirécidiviste.
Le préau, au sol recouvert d’une fine couche de friandises multicolores, longuement piétinées, à la façon des vendangeurs d’antan, qui lui donne cet aspect satiné, ce brillant si particulier.
Pour finir notre visite, arrêtons nous un instant devant la plaque consacrée à Edmond-Philogène.
« Écrivain français, auteur de nombreux romans, poèmes, essais, tentatives, brouillons et patés divers » ayant vécu dans notre coquette banlieue au 57e étage de la tour des Lilas, avant d’en sauter le deuxième jour.
Puisse son génie inspirer notre jeunesse.
Et Y’a du boulot.

Bienvenue au collège Edmond-Philogène de Saint Gontrand de la Preule

Réunion mamans-profs (2)

Plus les élèves sont jeunes, plus les mamans sont nombreuses.
En 3e, j’en vois très peu.
Elles s’agglutinent vers les profs de maths et de français.
Après ça on dira qu’il n’y a pas de matières principales !
En général, j’ai personne devant la boutique et j’m’ennuie.
Alors j’fais un tour dans le couloir, pour appâter le client.
— Alors ? On vient pas voir le prof de techno ?
— Ben… Heu…
Elles se regardent, emmerdées.
— Si ça vous dit, plutôt que d’attendre, venez visiter la salle techno. J’vous montrerai ce qu’on fait.
— Pourquoi pas…
Et me v’là parti avec mes cinq mamans, à vanter cette matière, irruption du réel dans ce monde clos, brandissant mes outils.
— Ooooooooooh !
Exhibant les fabrications, relatant anecdotes et billevesées.
-Aaaaaaaaaah !
Raillant les collègues, présentant beau et narrant, ironique, le détail du programme.
-Hihihihihihihihi !
Distillant souvenirs, péripéties, émaillant mon propos du rappel des missions hilarantes de l’enseignant.
— Hahahahahah !
Irradiant quoi.
À c’moment la, j’aurais pu leur vendre un presse-purée.
— On a appris plein de choses !
— Bon, alors, vous voulez un entretien ?
— Ben, j’crois que nos gamins, vous les avez pas.
Et merde.