La fable du mufle et du cochon

Je dois vous faire un aveu.
J’ai un peu honte, car j’ai fait pleurer une élève.
Une élève de 4e, très gentille d’ailleurs, mais qui par malheur s’est aventurée sur un terrain qui est le mien.

Mais avant de m’insulter pour cette triste prestation, je vous propose de revenir sur la genèse de cette affaire, en commençant toutefois par le début.

J’étais en train d’écrire un truc émouvant sur l’étude de marché, c’était un début d’après-midi, donc sous l’effet d’une baisse de tension assez terrible, quand soudain, j’entends un grognement de cochon :
— Hihan, hihan, hihan… etc.

?!?!?

(Putain j’ai un doute là, c’est pas plutôt l’âne qui fait hihan ? Attendez voir, pasque si je me souviens bien, le chat c’est miaou, le chien ouarf ouarf, le canard coin coin, mais le cochon ? Comment ça s’écrit le bruit du cochon ? Bon, je vais tenter strffffff, vous me direz si j’ai bon)

Je reprends :
J’étais en train d’écrire un truc émouvant sur l’étude de marché, c’était un début d’après-midi, donc sous l’effet d’une baisse de tension assez terrible quand soudain, j’entends un grognement de cochon :
— Strffffff strffffff strffffff.
(Ouais, un peu asthmatique mon cochon, mais bon je vais pas non plus y passer des plombes, d’autant que le suspens est à son comble, mais bon, comme c’est un blog tout pourri, j’vais pas non plus trop m’emmerder)

J’enchaîne.
Entendant ce bruit incongru, je me retourne, avec ma tête spéciale « comment se faire des amis », et je balance :
— Qui a fait ça ???
Alors évidemment, ça pouffe, ça ricane, ça couine, quelle bande de faux-cul, et constatant le peu de cas fait à ma requête, je reprends ma rude besogne en pensant des choses moyennement humanistes à leur endroit.
Quand re-soudain :
— Strffffff strffffff strffffff.

Je pose ma craie et je me retourne, lentement. Si vous voulez avoir une idée de ma tête en cet instant, voici une petite astuce.
Vous êtes sur une place de marché, il fait beau, la vie est belle, vous allez faire votre tiercé, et vous voyez Lino Ventura avec des amis, sympa, en train de jouer aux boules, de bien rigoler, la vie est belle quoi. Vous vous approchez de lui, vous le regardez, du coup il vous regarde, et là, vous passez derrière lui et, mine de rien, vous lui mettez la main au cul, en disant « un p’tit câlin mon canard ? ».
C’est bon ?? C’est fait ?? Vous voyez sa tête ?? Ouais ben, la mienne c’était tout pareil.
(Au fait pour Lino Ventura, il l’a sûrement mal pris, alors traînez pas trop dans le coin, enfin, moi, c’que j’en dis)

J’enchaîne.
Et je remarque deux filles au deuxième rang, pouffant un poil plus que les autres.
— C’est vous mesdemoiselles ?????
Coralie :
— C’est moi m’sieur, oh m’sieur, c’était pour rigoler…
Très drôle en effet.
— Tu veux que je te dise un truc Coralie ??? Pour être franc, je trouve que tu imites très bien le cochon, tu as des prédispositions, c’est clair.
— Ahahaahahahahahahahahah !!!!!! Fit la classe dans son ensemble sauf Coralie.

Hé, c’est pas de la super répartie ça ???? C’est pas de la super mise en boîte ??
Bon c’est vrai, légèrement teintée de mauvaise humeur, mais quand même, quel sang-froid, quelle réactivité, j’ai appris ça en pratiquant le thaï kendo, retourner la force de l’adversaire contre lui-même, tout un art (mais là j’ai arrêté le thaï kendo, pasqu’un coup j’ai retourné la force de l’adversaire contre moi-même, du coup, c’était comme s’ils étaient deux, et je me suis foutu une de ces roustes, mon vieux).

Et je reprends le cours, l’épopée de l’étude de marché, et environ dix minutes plus tard les gamins m’interpellent :
— Hé m’s’ieur !! Coralie elle pleure !!
Ah, me dis-je, certainement un petit chagrin d’amour, aaaaaah !!!! Les doux émois adolescents, qui ne durent qu’un instant, Dieu que ceci est touchant, enfin bref, toujours à chialer ces gonzesses.
— Coralie ?? Puis-je faire quelque chose pour toi mon enfant ??
— C’est les garçons, snif, après c’que vous avez dit, snif snif, y z’arrêtent pas de me traiter de cochonne, bouuuuh, snif snif, bouuuuuh, Etc.

Ah merde, j’l’avais pas prévue celle-là.
Du coup j’harangue, j’apostrophe, je vilipende les vilains rustres les menaçant de représailles mais ils me rétorquent, fort à propos, mais avec quelle insolence, jugez-en plutôt :
— Hé m’sieur, c’est vous qui l’avez dit.

Bien.

Je vois qu’y en a qui écoutent, ça fait plaisir.
Si si, j’y tiens, c’est pas si souvent.
Mais je vois surtout que je me suis foutu dans une situation sympa, et qu’il va falloir faire preuve de doigté pour me sortir de cette merde, mais bon, j’en ai vu bien d’autres dans ma vie, et je m’en suis toujours sorti, avec le sourire (petit hommage à Sacha Distel, qui savait conserver un moral d’acier sous une pluie battante, même acide, chapeau).
— Ben oui, c’est vrai que je l’ai dit, mais il ne faut pas toujours répéter bêtement ce que dit le professeur, hein mes poussins ??? Vous le savez ça hein, vous le savez ??

Je leur fis donc un petit laïus, pour l’air de rien me défausser, mais tellement embrouillé, qu’ils n’y comprirent que pouic, et moi non plus d’ailleurs. Mais les garçons tenaient absolument à la pertinence de leur argument, têtus qu’ils étaient, et je dus, la mort dans l’âme, grâce à une subtile menace d’heures de retenue, oh que je regrette, clore prestement nos échanges.
(Non mais oh, y s’croient où eux ?!?!)

Fort marri, je conservai donc en fin de séance ma petite 4e avec sa meilleure amie pour lui dispenser quelques petites excuses et lui faire une rapide leçon sur le moquage de prof et des risques encourus. La petite m’assura de retenir la leçon. Je m’engageai pour ma part à contenir mes piques diligentes, elle, sa ménagerie, et nous convînmes d’un armistice que nous signâmes sur le champ, décrétant férié le jour courant, et elle quitta la salle le visage radieux, la brave petite enfant.
(Ouais, mais j’l’ai quand même bien bâchée celle-là !!!)

La morale de cette histoire, la pauvrette l’apprit à ses dépens, c’est qu’il n’est pas plus vile manière, que de moquer un titulaire, que ce soit par devant, ou pire, par derrière.

29 réflexions sur "La fable du mufle et du cochon"

  1. faut pas dire que c’est un blog tout pourri, la preuve, tu nous fais beaucoup rire!

  2. Excellent ! Après tout, entre greluche et cochonne, hein…

    Rho, je rigole !

    Toujours est-il que c’était bien envoyé.

  3. Charly, j’crois bien qu’il y a eu erreur judiciaire….

    A mon avis, Coralie elle était aux prises avec une allergie pour faire: — Strffffff strffffff strffffff.
    Parce que si elle avait imité le cochon…J’crois bien qu’elle aurait fait genre:
    — Grrouic, grrouic…
    Non?
    Mais là où tu m’a fait pleurer…C’est quand t’as dit que ce blog (qui est mon préféré-all-over-the world!) était tout pourri….

    :(

  4. La morale me plait plus encore que la répartie.

    C’est pas gentil de faire pleurer autrui(e).

  5. looool

    Alors pour le cochon, parce que je m’y connait en cochonne (muhahaha… passons) moi j’aurais écrit groin groin, ou grouik grouik…

    Quant à ton blog il est pas tout pourri du tout du tout d’abord, ça c’est d’l’appel au compliment pov’ pépère alors j’vais pas m’laisser faire et rien que me taire ;-)

    Pis en conclusion, dis toi que la jouvencelle sera armée encore plus tôt que les autres face aux remarques acerbes des myriades de benêt d’mâles qu’elle croisera tout au long d’sa vie (euh bien sûr je parle des gamins, hein pas de toi Charly the boss de la blogosphère ;-))).

  6. Si on m’avait dit ..

    .. qu’un prof me ferait autant rire!! Bas faut croire que j’évolue dans le géant chewing gum qui me sert de cervelle!!

    En tout cas, chapeau la répartie, j’aimerais qu’elle me vienne aussi efficacement.

    Et pour reprendre le commentaire de Jo, c’est vrai que c’est pas très gentil de faire pleurer la truie .. euh .. bref .. hum ..

    A bientôt, car je compte repasser lire les futurs articles!! ^^

  7. J’ai lu tout ton blog en un après-midi. Oui monsieur, pendant les cours en plus. Et il est loin d’être tout pourri, je dirai même que tu n’as rien à envier au skyblogs de tes élèves.

  8. La main pour Ventura je veux bien, mais Charly a dû confondre, pour lui c’était une baguette de pain coincée dans un panier à côté d’un canard, et la pauvrette disait  » attention à mon canard ! »
    C’est le danger quand on utilise trop les métaphores !

  9. Morale :

    « Nous y voyons premièrement
    Que ceux qui n’ont du monde aucune expérience
    Sont, aux moindres objets, frappés d’étonnement.
    Et puis nous y pouvons apprendre
    Que tel est pris qui croyait prendre. »

    … Lafontaine, le Rat et l’Huître

    N’y voit aucune allusion.
    (Pis chaipas écrire le cri de l’huître)

    PS : très astucieux ce truc de dire qu’on a un blog tout pourri pour qu’on vous réponde illico « meuuuuuh nooooon »
    Mais je ne suis pas tombée dans le piège.

  10. J’ai pas tout compris

    Finalement, à la fin, Charly le prof, c’est le mufle ou le cochon ?

  11. Le cochon….

    … fait « gruiiiiiiiiiiiick » en francais, et « Oiiiiiiiiiiiiiiink » en anglo. Saxon.

  12. La Fontaine, couché !

    J’adoore trop la maxime ! Elle déchire trop grave !!

  13. Lino

    non seulement mufle mais en plus délateur….je ne vois pas l’intérêt de salir le mythes de lino en révélant son penchant pour les canards et les petits câlin.
    il est certain que l’appel du pied (très peu dicret d’ailleur) à une protestation massive sur la non pourritude du blog montre bien un manque affectif dans la jeunesse, du justement à ce penchant à la délation. JE NE RENTRERAI DONC PAS DANS LE JEU? EFFECTIVEMENT TON BLOG IL EST TOUT pourrite!!!!!!!!

  14. finalement, tout le collège puis le lycée va la moquer, la traiter de cochonne, elle, par un réflexe classique va jouer la cochonne, faire des gâteries à son premier copain en 2nde, commencer les partouzes en 1ère STT et finalement, se lancer dans le X en terminale…
    tout ça par ta faute…

  15. Mmmouais !!… un muffle ça croit toujours qu’on se moque pasque ça fait que se moquer !… et avec le coup du retour de la force de l’adversaire, ça en prend plein la tronche et ça sait plus si c’est par devant ou par derrière !!!

  16. Moi qui pensais les enseignants parfaits, incapables de méchanceté envers leurs chers élèves, je tombe de haut…
    Surnom qui la suivra à vie et que tout le monde connaîtra -notamment après son mariage où le témoin parlera de ce prof qui a permis de lui attribuer son surnom de Cochonne —
    On imite encore le cochon à 13 ans?!

  17. Quel altruisme

    Comment ça un blog tout pourri… C’est quoi cette fausse phase d’autodévaluation pour que tout le monde y fasse des compliments et te dise que tu es le boss…
    Bref moi j’aurai dit un truc genre kronk kronk…
    Mais au collège jamais je n’aurais eu l’idée de faire le cochon… Les filles d’aujourd’hui !

  18. Excellent !!!

    ce blog est une trouvaille ! merci La Morue, qui l’a mis dans ses liens….

    Non seulement c’est super intéressant, mais il est bourré d’humour et de figures de style toutes plus réjouissantes les unes que les autres !
    Chapeau, monsieur Charly !!!

  19. Il se mettrait à faire des rimes!
    non, pas çà!
    les filles qui trouvent rigolo d’imiter le cochon!
    ma foi!!!!!!!!!!!!!!!

  20. rah le charlie

    Dis moi comment tu fais ta tête ,spéciale ,je voudrais me faire des amis !
    t’as trop lu gotlib toi voilà ce que ça nous donne mesdames , messieurs dans l’enseignement!!(fausse ire)
    tu m’as rappelé de bons souvenirs de tracasseries (mignonnes ,selon nous de nos professeurs!)
    Je peux te dire mon ptit charlie qu’à l’époque t’aurais moins rigolé d’avoir une moqueuse ,une vraie ,en face de toi ! ils s’en souviennent encore feu mes e »nseignants!(ah c’était pas des bruits de cochon) non c’était beaucoup plus cinglant!
    Tu es GENIAL ,j’adore te lire il faut QUE TU PUBLIES ! merde chiotte!

  21. respecte

    Sacha merde ,c’est pas vrai qu’il a le sourire coincé sous la pluie glacée !
    Des pommes ……………………..Des poiaaaaaares !!!!!!!!!!!!!!!!

  22. Cela fait quelques jours — semaines, déjà! — que je me promène sur ce blog.
    Un irrésistible sourire sur les lèvres!
    Tout cela est tellement vrai, je crois entendre avec beaucoup d’humour et de finesse les récits des épopées de ma mère lorsqu’elle dispense ces cours et je me souviens du temps où moi aussi j’étais sur les bancs du collèges à tendre désespérément la main pour parler.
    Bravo, en tout cas. J’aime les rires en vrac, les phrases finement ouvragées et le rythme qui fait oublier l’heure (et le travail !).

    Claire

  23. Une fable puisée à la fontaine de Charlie, une eau de source vive bien sûr.
    Dieu que les enfants sont cruels entre eux, se moquer de leur camarade en terme si disgrâcieux et l’ autre nouille émotive et sensible, non mais, comme dans les feuilletons à l’ eau de rose.
    Je te signale Charlie qu’ il y a chaque année un concours national du cri du cochon qui passe à la télé chez JP Pernaud et que Coralie peut encore améliorer ses prédispositions de Peggy et devenir vedette nationale avec tous les honneurs dûs à cette nomination.
    M’ enfin Charlie t’ aurais pu rappeler à Coralie que dans le cochon tout est bon ce qui n’ est pas le cas des hommes!!! Hi hi hi!!!
    Bisous et bon ouikine.

  24. Gruiiiiiiik c’est quand on tue (mal) le cochon; sinon un cochon satisfait ça fait gggrrrooonch (deux fois voire plus).
    Dis Charly pourquoi tu parles de Lino au présent et de Sacha au passé?
    Et puis sans aucun rapport aucun, tu as vu qui est Mister France 2008?…
    Enfin tu écris toujours aussi bien .
    Bye.

  25. Un futur 6è ….

    On m’a envoyé cette petite histoire par mail ce matin, et j’ai immédiatement pensé à Charly le Prof. Bon, d’accord, rien à voir avec le cochon. Pas de 6è4 à l’horizon. Mais un futur 6ème, c’est sûr !
    Une chose est sûre tout de même : Cette histoire plaira à tous ceux qui se régalent de ce blog, comme moi. La voici donc :
    « Maîtresse d’école, Quel métier !!

    C’est l’histoire d’une institutrice de dernière année de maternelle, au milieu de janvier, le mois le plus dur pour tout le monde…
    Un des gamins lui demande de l’aide pour mettre ses bottes pour aller en récréation et, en effet, elles sont vraiment difficiles à enfiler.
    Après avoir poussé, tiré, re-poussé et tiré dans tous les sens, les bottes sont enfin chaussées et le gamin dit :
    « Elles sont à l’envers, maitresse ».
    La maitresse attrape un coup de chaud quand elle s’aperçoit qu’en effet il y a eu inversion des pieds…
    Bref, nouvelle galère pour les enlever et rebelote pour les remettre, mais elle réussit à garder son calme jusqu’à ce que les bottes soient rechaussées, aux bons pieds.
    Et là le gamin lui dit avec toute la candeur qui caractérise les enfants :
    « C’est pas mes bottes ».
    A ce moment, elle fait un gros effort pour ne pas lui mettre une baffe, fait un tour sur elle-même en se mordant les lèvres, se calme et lui demande pourquoi il ne l’a pas dit avant…
    Comme le gamin voit bien qu’il a contrarié sa maîtresse, il ne répond pas.
    Elle dit alors :
    « Bon, allez, on les enlève » et elle se met à nouveau au boulot.
    Le deuxième pied est presque sorti quand le gamin poursuit :
    « C’est pas mes bottes, c’est celle de mon frère, mais maman a dit que je dois les mettre ».
    Là, elle a envie de pleurer mais, une nouvelle fois, elle se calme et entreprend de lui re— re— mettre ses bottes.
    L’opération est enfin réussie et la maîtresse se sent fière d’avoir réussi.
    Pour aller jusqu’au bout, elle le met debout, lui fait enfiler son manteau, lui met son cache-nez et lui demande :
    « Où sont tes gants? ».
    Et le gamin de répondre le plus simplement du monde :
    Je les ai mis dans mes bottes. »

    C’est mignon, non ????
    Ah, ces gosses !!!!!!!!!!

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