Pas de pitié chez les 6e4

Bourzig et Fanny, c’est fini.

La nouvelle est tombée jeudi dernier.
C’est toujours un moment délicat pour les proches, d’assister impuissants à une séparation, et je dois dire que c’est la gorge nouée, que je fis l’appel ce matin-là.
Le plus difficile dit-on, c’est pour les enfants. En l’occurrence, c’était pour les parents que je m’inquiétais. Des parents certainement abattus, déboussolés, devant faire face à la situation nouvelle. Des parents que j’imaginais planchant des heures durant sur le goûter du mercredi suivant, hésitants quant à l’attribution des places, ne voulant surtout pas commettre d’impairs. En effet, comment éviter que les séparés du jour ne se jettent à la figure leurs tartines de Nutella, que le goûter festif ne dégénère en lancer de fraises Tagada, sans compter qu’à chaque instant, l’un des belligérants peut s’effondrer, vaincu et humilié, sous une pluie de Smarties.

Comme tu le sais cher lecteur, je n’aime pas me mêler des affaires d’autrui, mais bon, j’ai un blog à tenir, et je sais que tu es friand de ces petites anecdotes croustillantes (sale voyeur va), aussi je me devais de recueillir le témoignage des protagonistes :
— Alors Fanny, c’est fini avec Bourzig ???
— Vi.
— Bourzig aurait-il fauté ???
— Ben hier, il lui restait un seul chewing-gum, et il l’a donné à Brizouille…

C’était terrible, pourtant Fanny semblait très calme, quel mental, sûre de son bon droit, et je dois reconnaître que de la part de Bourzig, ce n’était pas très fute-fute, il existe des façons bien plus élégantes de rompre.

Mais par souci d’équité, je me devais d’interroger aussi l’élu, pardon, le candidat sortant :
— Hé Bourzig, Fanny c’est cuit ???
— Ouais bof…
Ooooooooooh !!!! Le rustre !!!!! Tout comme moi dis donc !!!!
— Enfin quand même, pour le chewing-gum, t’aurais pu faire un effort, ça peut être très susceptible une joliette…
— M’en fous…

Tout pareil que moi !!!! Mon clone !!!!!!
Hé franchement, ça m’a fait comme des émotions au niveau des sentiments, c’est vrai, j’en aurais chialé tiens.
— C’est pas gentil Bourzig, il faut respecter les filles…
— Ben je la respecte, j’lui ai donné la boite vide…

La boite vide ?? Tiens donc…

Oh putain, bien vu !!! Vu la métaphore Bourziguienne ?? La boite vide ?? Plus de sentiments amoureux ??? Vous pigez le truc ??? Trop top mon Bourzig !!!
— La boite vide ??? Mais qu’est-ce qu’elle va en foutre ???
— Ben c’est pour qu’elle la jette à la poubelle…
Oh le sale morveux !!!! Quelle arrogance !! Tin mais c’est pas vrai ça, encore tout pareil que moi, mais y m’fait suivre ou quoi ???
Et ce sens pratique, ce pragmatisme, incroyable, et ça n’a que douze ans, si c’est pas un surdoué ça.

Mais ayant compris la définitivité de sa décision, je rejoignis la belle et m’enquis de ses émois :
— Alors Fanny ?? La boite vide, pas trop vexant ??? Tu l’as jetée ???
— La boite de Bourzig ?? Ah non, je m’en sers pour les balayures de mon taille crayon… bien pratique d’ailleurs… merci Bourzig…
Ooooooh !!! Comment qu’elle fait sa belle l’autre !!!! Comment qu’elle te le méprise le Bourzig !!!!! Ouah c’est chaud !!!

Ainsi donc, la guerre était déclarée au sein des 6e4, et c’est très ému, que je regardais en fin de séance, Bourzig passer entre les tables, la corbeille à la main, afin de collecter les chutes inhérentes aux découpages intensifs, tâche à laquelle je l’avais affecté pour cause de glandouille excessive. Il tenta d’éviter la table de Fanny mais celle-ci, avec une belle assurance, l’interpella :
— Hé Bourzig !!! Et nous alors ??? On est pas transparentes non mais oh…
Et c’est donc en bougonnant, et la mort dans l’âme, que Bourzig tendit la corbeille à la belle, suprême humiliation, où je la vis mettre un à un, et bien lentement, ses petits bouts de papier, tandis que le préposé au ramassage s’impatientait en marmonnant. C’est alors que dans un geste d’un mépris absolu, Fanny saisit la boîte de chewing-gum, et la vida de ses balayures d’un geste conquérant dans la corbeille offerte, toisant avec une insolence indicible mon cantonnier du jour. Mais c’en était trop pour Bourzig qui, humilié pas la joliette, réagit promptement :
— Hééé !!! Le prof il a dit les papiers !! Pas les balayures !!!
Alors Fanny, me prenant à témoin :
— M’sieur !!! On peut mettre les balayures aussi ???
Oui, l’entourage est souvent sollicité pour arbitrer les débats post-amoureux.

Alors ils me regardèrent, comme suspendus à ma sentence, car je me devais de trancher : balayures ??? Ou pas ??
Sentant ma décision cruciale, car pouvant donner l’ascendant à l’un ou à l’autre, j’hésitai un instant devant un tel dilemme, mais je fis pour conclure, le choix de la neutralité :
— Hé !! Vous commencez à m’emmerder tous les deux !!
C’est avec cette phrase anodine, mais d’une rare intelligence, que je me retirai à pas de velours du conflit ambiant.

Voilà.
Ainsi va la vie des 6e4, où les idylles se font et se défont, à grands coups de chewing-gum, ou de taille-crayon, et j’observais mes tourtereaux, agrippés à l’innocente corbeille, la tirant à hue et à dia, tels leurs aînés le petit dernier, et s’échangeant, à défaut de fournitures de bureau, des regards incandescents.

Snif.

35 réflexions sur "Pas de pitié chez les 6e4"

  1. Mince j’ai tout mouillé mon cahier avec mes larmes… Qu’c’est poignant c’te rupture ! MAis moi j’dis pour qu’ils continuent à s’taquiner comme ça, chui prête à parier qu’ils pourraient bien remettre le couvet

  2. snif

    j’en ai les larmes aux yeux tellement que c’est beau… une séparation pareil décrite avec tant d’amour, de compassion et… de foutage de gueule!! j’suis fan:)!!
    une autre une autre!! c’est pire que Dallas tes 6e4!!!!

  3. Bourzig a bien saisi !… après consommation, le tri séléctif est toujours réservé aux dames et à leurs petites mains délicates c’est la moindre des galanteries !

  4. Les histoires d’amour finissent mal.. Ennn 6ème quaaaaatre!

    rhalàlà! c’que c’est beau la fin de l’article, l’incandescence toussa toussa! pffiou!

  5. Deus ex machina

    C’est pas possible que la fin soit si…peu mouvementée. Il doit y avoir un coup de théâtre en coulisses. D’ici quelque temps je parie qu’ils se remettent ensemble.
    Quant à l’arbitrage, Charly,de la grande, de la très grande diplomatie!

  6. Bien joué Fanny! Ne te laisse pas faire par Bourzig le macho! Une boite de chewing gum vide à qq jours de la St Valentin? Dans qq années, ce sera « chérie, tu peux apporter la bière, le match va commencer ».
    Go Fanny! Go!
    (PS. Salomon-Charly, bravo pour le jugement final…)

  7. le taille crayon pour préliminaire et la boite à « balayure » pour conclusion : ça c’est de la suite dans les idées où je ne m’y connais pas !

  8. Bravo !

    Non, pas aux jeunes, mais au prof ! C’est toujours avec autant de plaisir que je dévore vos feuilletons scolaires. Si tous les profs pouvaient se défouler aussi brillamment sur un blog, beaucoup seraient certainement plus … moins… enfin mieux, quoi !!!
    Longue vie à votre amusant défouloir et une bise à tous les 6èmes 4 !

  9. Pff les grands y font pareil ! Regarde, Nico, Cécilia, Carla, … ‘valent pas mieux !
    Mêmes petites mesquineries finalement !
    Lol !
    Bisette Charly … pinaise moi ché pas, les 4èmes, c’est moins drôle …

  10. Fraicheur de vivre …

    Au lycée c’est autre chose, c’est hollywood, mais pas chewimgum, un jour ils se têtent la pomme, se ventousent le palet à grands coups de langue et miasmes, et le lendemain ils reprennent leur air triste et leur herpès et s’en vont seuls au vents mauvais d’un couloir froid, hurlant leur chagrin misérable et vomissant leur rancœur et les rumeurs les plus humiliantes possibles : » elle était moins douée que sa mère! », « on a pas couché ensemble, il a confondu avec mon nombril » ….

    Un jour Bourzig deviendra grand…. pourvu qu’il tombe dans ma classe! Toujours aussi savoureux Mr Charly !!

  11. Finalement, je pense qu’il faudrait que des juges se préoccupent du sort des corbeilles et de qui en aura la garde.

    Je vais en parler à mon président de la france tiens…

  12. De l’art difficile du compliment

    Comment être sincère tout en restant originale? Te dire que tu manies l’ironie et le sens de la métaphore tel d’Artagnan maniant son fleuret ou bien encore Zidane ses pieds, son ballon et sa tête? Ah mais non, le compliment sur ton écriture juste et drôle, c’est déjà fait. Fichtre. S’émerveiller de tes charmes de gentlemufle invétéré? Diantre, déjà dit aussi. Alors attends, je vais mettre mon chapeau…
    … Ca y est, je peux te le tirer.

    Merci Charly :)

  13. C’ est bon on a compris !

    Et oui roselyne !
    Il ecrit bien… Et c’ est deja dit.
    C’ est un mufle… Et c’ est deja dit.
    C’ est bon, on le sait, Ca va…
    Il ne reste qu’ a employer le « qui aime bien châtie bien ». Vannez le Charly, et sans moderation, il le merite tellement !

    Flo

  14. WAHAAAA!!!

    WAhhaaaa !! putain la classe! (reste naturel)alors que d’humeur chafouine je déambule dans vos propos, quelle n’est pas ma surprise de me voir ouvrir les portee du valhalla pédagoblogue, de votre sacro-sainte blog-roll. Mr Charly, je suis votre obligé.

  15. Ca commence par les crayons, les petites balayures et les regards en biais et dans quelques années c’ est la vaisselle qui volera en éclats de voix tonitruante et les yeux révolver prêts à tuer.

    Ca se voit que t’ as que les 6e4 à étudier cela te laisse une bonne marge de temps de réflexion. De mon temps les profs avaient plusieurs classes, des 6e à la terminale et n’ avaient pas le loisir de s’ attarder sur nos amourettes qui n’ intéressaient personne d’ ailleurs. Pourtant l’ arivée des mini jupes avait fait scandale, mais chapitre sentiment, niet, zéro quedalle, seules nos jambes comptaient, y’en avait que pour nos apparences. Pffff, autres temps autres mœurs mais je préfère quand-même cette époque. C’ est plus franc et plus direct, hein, Charly toi qui t’ identifies à tes petiots, tu sais pourquoi ta femme t’ a largué maintenant!!! Hi hi hi!!! C’ est pas bô de se moquer des misères des autres, et toc!!!
    Bizous pasqu’ on t’ aime et toi non plus.

  16. Le vide attire le plein

    D’abord, merci Charly! Samedi j’ai pas pu me mettre à corriger mes copies, j’étais scotchée à ton blog… hilare. D’ailleurs, je leur ai dit, aux élèves, que c’était de ta faute!
    C’est vrai qu’t’es tendre… avec les mouflets, les minots, les gones-j’sais pas où t ‘habites–avec eux t’as pas peur, ils te coûtent pas cher en essuis glace. -j’en ai qu’un à mon actif, mais c’était un beau!— -et ça fait un bien fou!— -et en plus le mec à qui je l’ai fait, y rigole dans mon dos en lisant, ça fait des bons souvenirs!-

    J’ai une version » côte d’azur « de ta réalité: par exemple, les 5eD cet après midi :
    « Les garçons à la plage
    pendant qu’les filles font le ménage »
    Et le chtit gars qui dit ça, un « ravi » comme on dit ici, y se met à ricaner de tout son être, tandis que ses potes font oui de la tête, en se faisant des signes de reconnaissance et en se mettant, c’est bizarre, à « fumer  » leurs stylos, calés dans leurs chaises comme des nabab entourés de mères, de sœurs, de copines au retour d’une journée de drague et de foot au soleil.
    Eh ben pas de réaction des filles! Y en a pas une qui a eu l’air révolté.
    J’ai bien essayé de foutre la merde, mais sans succès-pourtant j’suis douée-: pas l’ombre d’une contestation, juste un petit « ben oui quoi, c’est pas obligé qu’ c’est les filles qui font le ménage »d’une fille qui veut se faire bien voir.
    C’est pas avec ça qu’on aurait pu gagner le droit d’aller bosser pour s’acheter des essuis glace. Ou ce qu’il y a dessous!
    D’un autre côté, je me fais pas trop de souci: les chtites qui arrivent, elles sont terribles! Comme dit le CPE de mon fils « à 8heures le matin, faut déloger les 6emes en train de se faire des « soupes de langues »-une prépa lycée, merci Proctor pour le tuyau-, ou sauver in extremis un gars de 6eme ou de5eme qui sert de ballon aux filles-abusant généreusement de la rapidité de leur croissance en toutes circonstances-. Leur langage est plus vert que toutes les prairies du monde et plus cru que celui d’un rugbyman bourré. A faire rougir les cheveux.
    Alors je me dis « peut-être que plus tard, pendant qu’ils seront à la plage, elles feront des casses pour se payer des voyages, ou détrousseront des vieux dans des bus, en bandes?-les filles, c’est organisé-peut-être qu’elles auront du temps pour les amants, les livres qui donnent envie de partir, les surprises? « chéri, je t’ai vidé la maison pendant que t’ étais à la plage avé les copains! », « cherche pas la voiture, j’en avais besoin pour le petit »
    Peut-être qu’elles les laissent parler « cause toujours beau merle »…?
    Kestenpenses?

  17. ah les amours de « nos chers petits » (je m’arrête juste deux secondes pour vomir là). Cette semaine Deggie est venue me voir à la fin du cours pour m’annoncer qu’avec Jordan s’était fini. « Non, maintenant je sors avec un homme et tout, en plus il va même plus à l’école, ouaicheu il a 17 ans »

  18. Bon ben Flo…

    … Tu veux du sang, ben t’en fais pas y’en aura, mais faut bien évaluer le terrain avant de dévaler la pente à toute berzingue!

  19. Quand je pense que mon fils est en 6ème 4…
    Peut-être celle-là même dont il est ici question…
    Je sens que je vais revenir vous lire.

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