Charly Le Fourbe

Extrait d’un ouvrage écrit par mon ancêtre, Charly Le Fourbe, lui même professeur,
il y a fort longtemps…

Dans chaque école du diocèse, et généralement en salle des Maîtres, se trouvaient tous les casiers.
Un simple cube fendu sur sa face et en son sommet, et par dessus la fente précitée, un battant escamotable, permettant le passage du pli mais préservant l’intimité du lieu.

Oui, nous, serviteurs du Roi et professeurs émérites disposions d’une boîte aux lettres soigneusement étiquetée.
Ce sont donc soixante boîtes empilées et adossées alphabétiquement au mur du fond de la salle qui attestaient de l’ordre ambiant.

En cette rentrée de l’an de grâce, une dizaine de jeunes professeurs, diligentés par notre bon Roi, vinrent remplacer autant de retraités, exténués et lassés par un si rude labeur.
Il fallut donc changer l’ordre des étiquettes afin de respecter l’ordre imposé par les nouveaux arrivés.
Celles-ci dansèrent et prirent une posture nouvelle mais toujours alphabétique.

Mais c’était sans compter sur les bigotes du couvent Saint Tupperware.
Elles virent avec effroi, on peut l’imaginer, leur casier, ou plutôt leur nom se déplacer, laissant présager une rude adaptation à leur nouvel endroit.
Aussi elles traitèrent l’affaire sur le champ.
Faisant fi de leur bêtise, et frôlant plus que de raison le ridicule, elles exigèrent auprès de l’Abbé Auguste, ecôlatre des lieux, que les étiquettes revinssent à leur origine et que sans cela elles seraient égarées et damnées dans les feux de l’enfer.
Leur requête trouva preneur et ceci fut aussitôt fait.

La belle jouvencelle affectée à la tâche, refit danser les étiquettes jusqu’à l’ordre d’avant.
L’ordre alphabétique fut rompu et prestement remplacé par celui de l’ancienneté.
Ce fut pour chacun d’entre nous une belle surprise quand nous cherchâmes devant ce mur de boîtes où se trouvaient nos noms.
Et chaque jour qui suivit, ce casse tête ne manqua pas d’irriter chacun et même les plus pieux d’entre nous.

Ainsi, en ce jour de septembre, Frère Christophe, curé de Monsours et professeur d’astrologie, déclencha les hostilités.
Il déclara devant les gardiennes du temple et l’Abbé Auguste :
— Pourquoi ne pas classer selon la connerie,
vos casiers seraient tout en haut mes chères amies
Et je lui emboîtai le pas :
— Pardon Messire l’Abbé, pourquoi ne pas opter
pour celui bien plus simple de la débilité ?

Nos piques firent mouche mais malgré nos attaques perfides nous n’eûmes gain de cause et nous nous retrouvâmes devant Messire l’Abbé qui bien que comprenant notre requête ne put que laisser voir son bien grand embarras.

L’affaire en resta là.

Mais je vous le confesse,
Frères humains qui me lisez,
Qu’il arrive que mes fesses
Dans leur casier viennent venter.

La fin est un peu leste, il est vrai, mais l’époque fut gaillarde et Charly Le Fourbe, bien que professeur respecté, fut un paillard éminent, un festoyeur de renom,
et un indécrottable rustre.

8 réflexions sur "Charly Le Fourbe"

  1. Génétique

    Vous ressemblez d’une façon étonnante à votre ancêtre, loué soit-il!
    La Sudiste qui a toujours pensé que l’intelligence va de pair avec le sens de l’humour.

  2. Saint-Tupper priez pour moi, Maistre Charly va me vouer aux gémonies, mais… c’est con non l’ordre alphabétique ? ou alors, si on veut s’éviter la corvée de déplacer 60 étiquettes, mieux vaut embaucher un sieur Zapateros en lieu et place d’une damoiselle Aubade ? Chez nous, (ben oui, nous aussi on a nos cases de courrier) les anciens sont immuables donc immédiatement reconnaissables et les jeuneots se glissent par-ci par-là au gré des mises à la retraite ou des décès et zou, en une semaine c’est mémorisé !
    C’qu’il était prise de tête l’ancêtre bon sang !
    Par contre, il narrait rudement bien ;-)

  3. rampons gaiement

    chez nous, les casiers sont classés par matières…inutile de te dire que personne ne rampe mieux que moi pour atteindre mon casier au ras-du-sol, sans parler du fait qu’il faut se garer si quelqu’un ouvre celui du dessus. çà me rappelle une anecdote. Un pote à moi laissait sa tasse de café entamée dans le casier, quand la secrétaire passait pour le courrier, on l’entendait hululer jusqu’en haut! trop fun (il faut dire qu’il l’aimait pas trop…)bises, charly

  4. Merci

    SUDISTE, je ressemble beaucoup au Fourbe, mais je suis beaucoup moins ripailleur. Vive et le sud et le général Lee !
    REGARDEUSE, bon d’accord, l’ordre alphabétique n’est pas toujous l’ordre bon, mais je ne souhaite pas rentrer dans les ordres.
    TIDOIGTS (j’adore ce mot), pour la secrétaire c’est vache. Je préfère pour ma part, mais c’est Christophe qui me l’a soufflé, laisser dans mon casier un string.

  5. Je ne sais pas quoi dire … il arrive la m^me chose dans tous les collèges de France et de Navarre je crois … mais … Charly le Fourbe raconte d’une façon !!!! C’est excellent !

  6. Si j’entends bien le vieux françois de gaz on peut les tupperwares couvrir et de mollards il faudrait s’abstenir?

  7. MDR, ça me fait penser au lycée où c’était pareil.
    Et quand un prof n’était pas content parce que son casier se retrouvait en bas par exemple eh bien il fallait tout changer de place…
    Et qui c’est qui s’y collait… ben les emplois-jeunes bien sûr…
    Mais qu’est ce qu’on rigolait !!!
    Bisous.

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