L'amour enfin retrouvé chez les 6e4

Chez les 6e4, le printemps est aussi à l’ouvrage.

Et pour les garçons, c’est une épreuve bien difficile que celle de résister à l’appel de toutes les gracieuses de la classe, déclinées en robes et jupes colorées, trésors troublants se mouvant en d’exquises volutes, exposant leurs minuscules gambettes, aux extrémités délicatement engoncées dans de splendides espadrilles jaunes.

Ou vertes.

Oui, qui pourrait imaginer que dans ces chatoyantes babouches, espace détente de l’orteil fourbu, vit un monde de douceurs et de félicités, où la vie prend tout son sens et les sens toute leur vie ???

— Alors Bourzig ??? Une p’tite copine en ce moment ??
— Ben non… pis là, j’ai foot le soir…

Oui, il y a des priorités dans la vie, et c’est vrai que l’on n’a pas toujours les disponibilités pour s’occuper de ces dames, c’est regrettable mais c’est ainsi.

— Mais dis Bourzig, c’est le printemps, faut taquiner la gisquette, et Fanny ???
— Ouais bof… et pis Fanny, elle est amoureuse d’Houzi, des 6e7… alors les filles…

Des 6e7 ??? Mais c’est quoi ce bordel ??? Alors qu’on a tout ce qu’il faut en 6e4 ???

Sans plus attendre, je demandai confirmation de l’ignominie auprès de la joliette :
— Fanny, je viens d’apprendre pour Houzi, je ne te cache pas que je suis plutôt déçu, un 6e7… je te pensais plus ambitieuse…
— Oui mais il habite juste en dessous de chez moi, c’est plus pratique.

Plus pratique ?!?! Et l’amour bordel !!!!!

Ainsi donc Mata Hari s’était réincarnée en choupette et sévissait au cœur même des 6e4, convolant avec l’infamie : un élève standard de 6e7. Je ne savais pas cette dernière capable d’une telle forfaiture, et je dois avouer ma bien grande tristesse de voir ainsi notre Fanny refuser ses faveurs à mon équipe de bras cassés, préférant l’amour de proximité, que dis-je, de bas étage, à l’exotisme enivrant de la rue d’à coté, contrée où se reposaient après une journée de dur labeur, mes trois mousquetaires.

Je me devais de réagir et de rapatrier ces amours égarés, afin de maintenir l’homogénéité du groupe classe. Aussi je décidai d’incliner le cours des choses, je bottai donc le cul au destin :
— Houzi ??? Jacques Houzi ??? Des 6e7 ???
— Vi.
— Ah bon… c’est marrant… je croyais qu’il était avec Éva des 6e2 (tu suis lecteur ??)…
— Ah oui ???
— Oui mais bon, j’ai dû me tromper, y se faisaient des bisous au fond de la cour, mais c’était certainement amical, rien d’inquiétant donc, voilà…
— …

(Saches, cher lecteur, que ces méthodes me répugnent, mais tu me pardonnera cette vile crapulerie mais j’ai un blog à tenir, alors si les filles commencent à courir à droite à gauche, je fais comment moi ???)

Et j’ajoutai ceci :
— Quand on pense qu’un garçon comme Bourzig est célibataire… mais dans quel monde vit-on…

Alors Fanny, interloquée, ouvrit nerveusement sa trousse, et sorti le taille crayon, vestige de son amour passé, et mille souvenirs défilèrent devant ses yeux, ces si chers instants, quinze jours de nectar de bonheur. Puis, sans doute le cœur gros, elle regarda là-bas au loin, au fin fond de la classe, par delà les bons élèves, ce héros tant aimé, le sieur Bourzig, visiblement très occupé à ne rien faire, se balançant nonchalant sur sa chaise, avec cette tranquille assurance du redoublant qui sait qu’il ne peut pas tripler, et cette vision emporta la belle et sa décision.

Quant à moi, j’informai illico mon glandeur sur balançoire de cette nouvelle opportunité :
— Dis Bourzig, pour Fanny, c’est bon hein, tu peux attaquer, à fond.
— Ah bon ?? Ouais… j’vais voir… avant d’aller au foot…

Alors mon cœur s’emplit de joie de voir enfin ce couple reconstitué, tel un surimi d’amour, une offrande déposée en humble contribution aux féeries du printemps.

Et c’est en rejoignant ma voiture, que je vis à la sortie du collège, mon Bourzig achever de conquérir la belle, dessinant des myriades de figures avec son vélo, démarrant sur la roue arrière, puis virant en de majestueuses glissades, avant que de piler juste devant Fanny, laquelle hébétée, n’en pouvait plus d’amour d’autant de dérapages. Puis Bourzig, pour parapher son œuvre, démarra un sprint effréné afin d’afficher sa vitesse de pointe, ce qui finit de combler Fanny, une Fanny pantelante, au bord du chemin et de l’évanouissement, car mille fois reconnaissante de toutes ces ardentes déclarations, tandis qu’au loin là-bas, debout sur les pédales et au milieu des gaz d’échappement, s’évaporait le chevalier au biclou rouge.

27 réflexions sur "L'amour enfin retrouvé chez les 6e4"

  1. C’est vraiment beau, le printemps !

    Ahhh!!! Le printemps !!!
    Les arbres qui bourgeonnent (les ados aussi d’ailleurs…), les parties de foot qui laissent les belles seules sur la touche, les déjeuners sur l’herbe avec plein de fourmis qui chatouillent les guiboles, le soleil pour dorer nos corps plein de désir et d’amour et nous laisser la trace de bronzage de l’espadrille jaune… ou verte…
    Ahhhh!!
    Mais surtout, oui, surtout, la perspective des amours retrouvés de Fanny et Bourzig…
    C’est vraiment beau, le printemps !

  2. Salut…même combat en CM2… Sauf que je n’ai rien à faire. Ca fait 5 ans qu’ils sont dans la même classe… alors quasiment toutes les combinaisons ont été tentées… (attention je parle pas de positions… c’est tous juste s’ils se font des bisoux). Il resterait bien Richard et Magaly… mais autant dire que ce serait le couple du siècle… mieux assortis que Lorie et Garou et plus improbable que Céline et René. Allez je m’atèle à la tâche.

  3. Quand même ! utiliser de si basses méthodes …

    Mais bon : « la fin/faim justifie les moyens »

    Et toi ? c’est à qui que tu fais des 8 à vélo ?

  4. Dira t on plus tard Monsieur Charly?

    C’est là que je mesure l’étendue de mon ignorance en matière de profitude.
    Ca va chercher des trucs , je te jure, la psychologie de la cohésion!!!.

  5. Nos héros sont enfin de retour.Le « surimi d’amour », très beau.C’est vraiment le printemps…

  6. Ouah, l’énorme travail de classement des textes entrepris ….
    Ben, quelque part (où ça?), ça m’inquiète… De toutes évidences, Isabelle — ou une autre — n’est pas dans les parages, puisque t’as le temps de classer!

  7. C’EST DU BEAU…

    C’est peut-être plus facile pour toi de gérer les histoires d’amours de tes élèves que les tiennes ?
    Toujours aussi sympa à lire..

  8. Et ça te dirait pas de venir dans mon bahut pour caser Mrs Keupoftea avec Mr Quétal? Comme ça ils me lacheraient la grappe, ces deux-là :)
    Sinon, ben jte félicite pas : inciter à la débauche ces êtres fragiles qui ont encore des coquilles d’œuf mouillées derrière les oreilles, bah brave, hein?! Quelle honteuse déchéance…

  9. Sacré Charly! t’es une vraie p’tite mère pour tes 6e4!!! c’est trop mimi!!!

  10. Hé m’sieur chui tout embété

    Ouais passe que, bon, Fanny, elle m’a demandé de pas aller au foot demain, et moi, j’ai match mercredi, alors si je veux pas être sur le banc, fô que j’y sois, à l’entranement. Elle veut que j’aille chez elle, me faire montrer son album de tokyo hotel ! Merci, m’sieur pour les conseils à deux balles. J’fais quoi ménant moi ? J’aimeré bien vouzy voir à ma place. Les tokyo hotel… Qu’esse vous voulez que j’échange mes paninis euro 2008 avec ses tokyo machins ?
    Alors la prochaine fois, meussieur, les conseils avec les meufs, vous les gardez pour vous, hein, on est au 21e siècle !
    De façon, les profs c’est que des ringards.

    Et je signe avec un Z.

  11. Cher M. LeProf
    Par la présente je tiens à vous signifier toute mon indignation. Des heures durant, j’ai pleuré. Des jours durant, je me suis lamenté. Pourquoi ? Pour l’amour de ma belle, de celle qui m’élevait au 7e étage, j’ai nommé la délicieuse Fanny, la fleur des 6e4. Car Fanny m’a été enlevée. Par cet enculé de Bouzig, pensais-je. Que nenni. Je découvre présentement que je ne suis que la malheureuse victime d’un honteux complot visant à satisfaire d’infâmes lecteurs qui se repaissent de vos vilainies !
    La vengeance ne saurait tarder !
    Salutations distinguées,
    Houzi des 6e7

    PS : Vous pensez que j’ai moyen avec Eva ?

  12. On en revient au bon vieux règne animal qui a perduré 4 milliards d’ année, le chef de meute qui régente la hiérarchie sentimentale et vitale pour la survie du groupe, le paon qui fait sa roue de bicyclette pour charmer sa conquête déjà conquise puiqu’ elle n’ a pas le choix du conquérant, ben voui quoi, t’ as raison, de toute façon ceux qui se choisissent ne font pas mieux.

    On voit ce que donne aujourd’ hui la débauche du vaste choix, bah pas lui, non pas lui, pas lui non plus et puis la belle au bois qui dormait se réveille à 40 ans, veut faire un enfant avant qu’ il ne soit trop tard, va chez Carrouf commander une fiv pour avoir un rejeton 6 mois plus tard et divorcer avant même d’ être mariée et rererefaire sa vie avec un enfant qui l’ encombre dans sa vie perso et professionnelle. Pffff…

    Bravo Charly t’ es fin sociologique toi au moins.

    Bisou.

  13. T’as raison !

    Le coaching est très en vogue, moi je suis sûre que t’es un précurseur dans le domaine « loving coaching at collège »…

  14. dix ans plus tard

    Elle est pas belle la vie ?
    Le printemps, les amours…les emmerdes !
    Tain !!… le jour où j’ai voulu lui montrer mes tokios, j’aurais mieux fait de le laisser aller au foot !

  15. Oui, c’est vrai que pendant ce temps-là, Charly, il esquive le racontage de ses amours !!

  16. Bien sûr que si il nous les livre ses amours, Charly… relisez bien le début du post : cet homme est en réalité un fétichiste de l’espadrille…

  17. Tournez ménage…

    Mr jacques Houzi??, il était pas maqué avec mlle Eva Cuassion?? Charly tu es la fabienne Egal, que dis je, la Evelyne Leclerc des colléges.C’est émouvant….

  18. Espadrilles ???

    Je viens de rattraper mon retard en « Charly les prof », ouf… ça fait du bien ! J’apprends que les filles mettent des espadrilles dans ta région !?! Moi qui pensais qu’à cet âge, seules les « Converse » avec « All star » marqué sur la semelle étaient dignes d’intérêt… Tu parles bien de chaussures légères en coton, avec des semelles en corde tressée qui nous viennent du Pays Basque ??? Chui épatée !Tchao, à plus !

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