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Vamos a la playa (10/11)

10 – Hasta luego !

Ils sont tous là avec leurs sacs, agglutinés autour du bus.
On fait un dernier appel, on remercie les familles d’accueil, d’ailleurs y’avait des mamans mignonnes, bon voilà et on quitte le bled à grands coups de klaxon, vivement qu’on soit rentré, avec un peu de chance, j’pourrais voir Sébastien samedi soir à la télé.
On a mis longtemps pour rentrer au pays.
Ouais, y’avait une astuce.
Le chauffeur devait impérativement se limiter à huit heures de conduite suivies de huit heures de pause.
Donc il a dit qu’à onze heures du matin, y fallait s’arrêter pendant huit heures avant de terminer le voyage.
Tout ça pour pas se faire gauler par les bleus ce dont il n’avait rien à foutre à l’aller.

Vous imaginez une pause de huit heures ?
Les gamins étaient pas contents, nous pas trop, le chauffeur emmerdé, et ça sentait l’embrouille son truc, mais bon.
L’endroit choisi, c’était un hypermarché, une zone commerciale immense, je trouve ces endroits sinistres, et on a libéré les gosses en fixant rendez-vous à 19 heures.
On s’est fait un p’tit resto entre adultes, enfin, un resto de supermarché, une cantoche quoi.
Le chauffeur est parti siester, c’que j’aurais bien fait aussi mais en tant que virilisator j’ai arpenté pendant huit heures au cas ou.
J’sais pas ce qu’ont foutu les mamies mais j’les plus vu de l’après midi.
D’façon elles étaient crevées, elles risquaient pas de fuguer.
J’me suis acheté des gâteaux en souvenir de l’Espagne, et j’me suis bien fait chier.
J’ai vaguement essayé de draguer la caissière qui causait un peu frenchy, mais allez conclure vous dans un endroit pareil.
Ça va vous surprendre mais y’a pas eu de problème, d’ailleurs j’ai quasiment pas vu de gamins pendant mes déambulations, que j’pourrai faire un plan détaillé du lieu d’ailleurs.
Et on s’est tous retrouvé à l’heure dite et on a repris la route.

Les minettes ont viré toute trace de maquillage, sans attendre l’ordre des mamies, y’avait du parent dans l’air.
Pis les tee shirts avaient rallongé d’un coup. Après ça on dira que les parents n’ont pas d’autorité.
Croyez pas c’qu’on vous dit à la télé, 90% des gamins c’est du caviar.
Pour les œufs de lumps, on fait comme on peut.

Les gamins ont fait les cons un moment et puis ça s’est calmé.

Je rêvassais un peu. J’attendais, tel le baleineau de base guettant le plancton (sympa la comparaison non ?), l’occasion de taquiner une dernière fois les mamies.
Et en taquiner une seule aurait suffit à mon bonheur.

L’occasion s’est présentée sous la forme d’une grossièreté qu’a tapé l’plafond du bus, rebondi violemment sur le pare brise et qu’a atterri sur les mamies.
Au lancer, c’était Kévin.
Il a dit : « putain ».
Incroyable non ?
Et oui, ça arrive, même aux meilleurs d’entre nous.
J’ai dit les meilleurs, les autres ça leur arrive jamais.

Une mamie a jailli de son siège, enfin jailli, a bondi hors de son siège, non ça va pas non plus, s’est extrait de son siège, ou plutôt s’est hissé hors du truc là, putain c’est pas évident d’être précis, ça y est j’ai encore dit putain, bon bref, s’est levée et s’est dirigée vers le malpoli.

Le pauvre, j’en étais peiné, ça m’a brisé l’cœur, il s’est pris une soufflante, et que Dieu dans sa grande bonté pardonne à cette pécheresse, un truc à vous décoller les rétines.
Et la, je me pointe, avec un air sérieux, le regard sévère, à coté de mamie, et m’adressant à Kévin sur un ton autoritaire :
— Et pis on dit pas « putain », mais « putain de merde ».
Mamie s’est tournée vers moi, et m’a regardé, les yeux écarquillés, scotchée.
— Non mais ça va pas bien Charly ?
— Ah écoutez, moi j’suis comme ça, j’supporte pas l’approximation, quitte à être grossier, autant l’être bien.
— Mais faut vous faire soigner mon pauvre Charly !
— Excusez l’emportement, mais cette jeunesse qui se vautre dans l’à peu près, dans l’allusif, c’est bien simple, ça m’révulse.
— Bon ben Charly, on en reparlera, en attendant, allez vous asseoir, j’vous amène un p’tit cachet, j’ai c’qu’il faut pour les nerfs.

Voilà. C’est pas compliqué en fait.
Et ce qui m’a fait plaisir, c’est que les gamins, y z’ont bien fait comme j’ai dit.
Après ça, on dira qu’ils écoutent pas.

Mauvaises langues va.

À suivre…

Vamos a la playa (9/11)

9 – Des affaires de ventre.

Aujourd’hui, c’est dernier jour.
On commence à être bien crevé.
Et ici la fête est à son comble.
Pendant la fête des fallas, y construisent des statues géantes en carton, papier, bois ou autre, que c’est énorme ces trucs, et y’en a à tous les carrefours.
C’est un peu comme les corsos chez nous, sauf que ça bouge pas et que c’est dix fois plus grand.
Donc ç’a rien à voir quoi.
Et après une semaine de fête, c’est l’apothéose, et le principe est simple : y font tout cramer.
Y’a des pompiers dans tous les coins parce que ça fait des flammes immenses ces machins.
Mais bon les autochtones sont tout contents et donc, et c’est comme un réflexe, y recommencent avec leurs pétards à la con.

Nous, après, on a tous été au resto. C’était prévu, pour passer cette dernière soirée ensemble.
Une des mamies a commandé un peu de pétrole pour le chauffeur et moi, ça m’a étonné.
Une qu’arrêtait pas de me faire des sourires, qu’c’en était gênant.
J’espère qu’elle s’imagine pas des trucs celle la parce que j’ai beau être prof, j’ai un minimum d’ambition quand même.
Elle s’est mise en face de moi, et pour garder la distance, j’ai sorti une vanne bien salace, que ça l’a pas fait rire du tout et ça m’a laissé peinard pendant une heure.
Rien de tel qu’un peu de vulgarité pour éloigner les emmerdeuses.

J’sais pas si vous êtes timides vous, mais y’a des gamins pour eux c’est un vrai problème.
Mais timides à un point qu’y sont incapables de faire leurs besoins hors de chez eux.
Et donc Nicolas, depuis une semaine, il s’était retenu, sans retenue, mais avec tenue.
Vous allez m’dire, on l’voit venir, l’autre va s’lâcher en plein resto, ben non, le pauvre, pour lui l’apothéose c’était occlusion intestinale.
Bon y souffrait l’gamin et on savait pas c’qu’il avait.
Avec le chauffeur on débouchait la deuxième bonbonne quand la prof d’espagnol m’a demandé de l’accompagner aux urgences avec le moufiot, parce que je suis virilisator.
Donc on est parti dans la nuit avec Nicolas, que ça m’faisait mal au cœur de le voir comme ça.
Et pour se déplacer là-bas on avait que le bus ou les mocassins, et pis de toute façon, avec la fête, on pouvait pas circuler.
Et on a marché, putain, j’aime bien la randonnée mais la, avec 2 grammes par litre, et pis les petites cloches sur les mocassins qu’arrêtaient pas d’bouger, ça m’donnait l’tourni.
Arrivés aux urgences, le docteur a tout de suite pigé et il lui a filé un truc, genre déboucheur, et ça allait un peu mieux.

Mais ça nous avait pris du temps tout ça et on est retourné au resto. Y z’étaient tous partis alors on a ramené le gamin chez sa famille d’accueil et on rejoint les collègues. Ils ont dit que les gamins avaient été lâchés avec pour consigne de rentrer se coucher.
Ouais.
Tu parles qu’y z’ont du s’précipiter au pieu les gamins, sans demander leur reste, un soir de fête.

Alors avec une mamie on est retourné en ville et on est passé chez certaines familles d’accueil pour s’assurer que les gamins étaient bien là.
Ben il en manquait pas mal, y devaient faire la fête en ville. Alors on les a cherché dans tous les troquets, que ça me faisait mal au cœur de rentrer dans les bars sans rien consommer, comme des malpolis, et ça pendant deux heures. On en a retrouvé plein, une vraie guirlande, mamie s’est chargé de leur évacuer le cérumen et il a fallu tous les raccompagner chez eux.
On est rentré à deux plombes du mat, on était vanné.
Avant de rentrer dans sa chambre elle m’a dit merci, qu’c’était bien d’avoir un homme quand y’avait des problèmes, parce que bon elles étaient bien crevées, et qu’elle savait pas comment me remercier, qu’elle avait bien une idée, mais qu’elle osait pas, ça m’a bien peiné, mais j’ai pas insisté, que de toute façon, j’avais la migraine, je suis entré dans ma piaule et j’ai fermé ma porte à clé.
J’ai dormi quatre heures cette nuit la.
Avec la pétoche au ventre.

À suivre…

Vamos a la playa (8/11)

8 – La liberté c’est sympa.

C’que j’déteste le plus dans ces trucs c’est les quartiers libres qu’on laisse aux gamins;
Non pas qu’je veuille les priver de liberté, mais ils sont quand même bien jeunes, certains sont encore de vrais bébés.
Alors de les lâcher dans la nature, ça m’fait un peu souci.
En fait c’est un peu comme si c’était mes gosses, et d’ailleurs, quand j’vois un d’mes élèves se faire bousculer, j’interviens toujours en prenant sa défense, même s’il a tort. C’est injuste, mais c’est MES élèves. Et on touche pas à mes élèves.
Ce qui me plaît bien dans l’idée que ce sont « mes » gosses, c’est que du coup, les mamans, c’est mes femmes.
Et oui, y’avait forcément une embrouille.
Donc si un de vos gamins est mon élève, j’peux tout à fait débarquer chez vous à l’improviste avec une valise et réclamer mes pantoufles.
J’ai le droit.
Vous expliquerez ça à vos maris. Moi je refuse d’en débattre avec eux car le plus souvent ils sont peu partageurs et d’un égoïsme, que ça les rendrait presque méchants, si c’est pas une honte ça.
Tout ça pour dire que si un prof vous dit que votre gamin c’est un peu « son » gosse mesdames, envoyez lui les factures d’orthodontiste, ça lui apprendra.

Mais bon, c’est surtout les filles qui me font souci, parce qu’elles sont bien mignonnes nos choupettes, et à cet âge, maquillage et tenue sexy, ça y va, d’autant que les parents sont pas là, et que pour certaines c’est l’occasion du premier coup de rouge à lèvre, du premier coup de crayon.
Bien qu’on soit plus dans le registre du coup de Stabylo voire du tag sauvage.

Quand j’ai vu Laure, Doria et Asma se pointaient au bus, j’les ai à peine reconnu. Maquillées, grimées, peintes même, comme des filles de mauvaise vie disaient les mamies.
Et c’est parti en vrille, un truc de génération quoi, qu’elles devaient virer tout ça et qu’on partirait pas tant que, et qu’elles se croyaient où.
C’est vrai que les mamies, question maquillage, c’était le minimum. Avec elles, tout se faisait sur la base du savon de Marseille, j’ai rien contre remarquez, mais ç’a tendance à agglutiner les poils de la moustache, et le léger liseré poilu qui contourne l’oreille est comme plaqué, c’est dommage, c’est tout.
Enfin bref, j’leur ai dit que c’était de leur âge, qu’elles avaient qu’à les conseiller plutôt que d’gueuler.
C’est vrai, on peut pas empêcher une nana d’être une nana, c’est pas possible.
C’est comme vouloir empêcher un mec d’être con, c’est pas possible non plus.
Mais ça encore, les garçons, j’peux les conseiller.
Bon moi le maquillage, j’m’en foutais, mais les tee-shirts façon soutien-gorge pas d’accord. Alors j’ai approuvé les mamies comme quoi elles devaient vite aller s’chercher un gilet ou autre. Les mamies étaient bien contentes que j’sois d’accord avec elles.
Ça m’emmerdait, mais la, j’ai pas pu faire autrement.

On s’est rendu dans une ville pour assister à un truc, j’sais plus quoi, une espèce d’intronisation, genre les tasteurs du Poitou, et y’avait une foule, putain, et c’est là qu’on devait lâcher les gosses. Avec un labyrinthe de ruelles, un coup à se pommer. Le chauffeur avait disparu, on a été au resto avec les mamies, après avoir donner les consignes, enfin donner, gueuler, brailler les consignes devrais-je dire.
Bon, comme j’ai pas cessé de me poiler à table, l’après midi j’ai été me balader seul dans les rues.
Prendre la claque du printemps, de l’Espagne, des couleurs, des mots, et mater un peu.
Et je croisais de temps à autre un de nos gugusses. Y z’avaient l’air de bien apprécier, la liberté c’est sympa.

Et j’ai retrouvé Kamel et Grégoire, assis au bord d’une fontaine, en train de bouffer des bunuelos et des churos, avec un litre de Coca.
J’ai été les voir, fait part de mon étonnement de pas les voir dans la flotte, mais y disaient rien, y mataient.
Je suis toujours fier quand je vois mes élèves attentifs comme ça, studieux.
On a parlé nana.
On était à un carrefour de rues piétonnes, bordées de vitrines et le soleil ayant le chic pour dépoiler ces dames, j’avais plein d’exemples à leur montrer.
J’leur ai demandé de bien observer les nanas qui passaient devant les vitrines et de me dire ce qu’elles regardaient précisément.
Un p’tit cours interactif quoi.
Kamel a bien remarqué qu’elles ne regardaient pas ce qu’il y avait à l’intérieur mais bel et bien leur reflet sur la vitre.
Et que certaines faisaient que ça, en passant d’un coté à l’autre de la rue.
J’y ai mis 20/20.
En les regardant, on s’est dit que la nature était belle et qu’il fallait vraiment la préserver, comme quoi tous les chemins mènent à l’écologie.

Pis des gamins m’ont repéré et sont venus vers moi.
Le truc c’est que l’un d’entre eux s’était fait chopé en train de piquer des cartes postales.
Enfin eux disaient qu’il avait rien piqué en fait.
Bon je me suis pointé, sans rire, avec ma gueule de tueur, parce que même coupable, mon gamin, y z’avait pas intérêt à le malmener.

Y’avait un gros type devant le magasin qui tenait par le bras mon Dennis, tout apeuré, j’pouvais pas imaginer qu’il ait fait un truc comme ça.
Je me suis présenté, en espéranto, le type m’a expliqué, en espagnol, Dennis s’est justifié, en français, j’ai traduit au type, en espéranto, qui a compris, en espagnol, et j’ai payé, en euros.
Bêtement d’ailleurs, parce que Dennis m’a ensuite expliqué comment ça s’était passé, qu’en fait il allait payer mais qu’il avait stocké tous ses achats dans ses poches, faute de sac.
C’est bêta.
J’en ai pas parlé aux mamies, mais elles l’ont su par d’autres gamins, et j’ai eu droit à, que la moindre des choses c’était de leur dire, et que vraiment Charly tu es puéril mais à ce point c’est pas croyable, qu’y faut pas croire les gamins, qu’c’est des menteurs, Charly t’es d’une naïveté c’est consternant.
Comme d’hab quoi.
Mais ce qu’elles savaient pas, et y’a que Dennis et moi qu’on le savait, c’est qu’il avait aussi piqué des montres, des trucs de Mickey ou dans l’genre, et qu’y a qu’moi qui l’ai vu.
Et que j’l’ai envoyé les remettre en place et que j’l’ai collé au cul pour m’en assurer et que si j’ai calmé le jeu c’était pour qu’ça parte pas en sucette ce truc.
On s’est expliqué avec Dennis, entre quatre yeux, et j’lui ai passé un savon, mon vieux, j’ai du lui faire sauter la moitié de l’hypophyse.

En parlant d’savon, où qu’elles sont les mamies ?

À suivre…

Vamos a la playa (7/11)

7 – Mon rêve de Mercedes

Ce matin, c’est musée, le musée des ninots, des personnages à taille humaine en carton-pâte, un truc bien local, qui devrait plaire aux gamins.
Moi, du musée, j’ai surtout un souvenir, la nana qui nous a fait la p’tite présentation au début.
Mercedes qu’elle s’appelait. D’ailleurs les p’tits mecs du groupe ont bien percuté aussi.
Ils ont bien compris qu’on avait une bombasse sous les yeux.
Une espagnole comme on l’imagine, comme on la rêve.
Que du noir, les yeux, le regard, les cheveux, les fringues mais putain que c’est beau.
Et pis j’peux bien vous dire que moi, les brunes à cheveux courts, ça m’fait partir à la renverse.
Des garçons sont venus me voir pour partager ça, tin m’sieur, elle est canon la nana, je confirme les jeunes, c’est du rare, de l’exceptionnel, mais soyez plus discrets dans l’regard, ça fait bourrin.
D’ailleurs j’leur ai expliqué vite fait la recette du regard furtif, patiemment élaborée pendant de longues années à la terrasse de tous les bistrots de France et du Berry.
D’ailleurs faut qu’j’vous en parle une prochaine fois, mais bon, c’est très technique quand même.

Et pis j’me suis pris à rêver, pour une nana comme ça, j’suis prêt à tout larguer.
J’m’installe ici, j’trouve un boulot quelconque, cuisinier ou toréador, ou drag-queen, un truc dans mes cordes quoi, j’loue une chambre de bonne, et on se livrerait à une sexualité débridée dans le coffre de sa voiture. Ouais ç’a l’air con, c’est con d’ailleurs, mais c’est son prénom qui m’inspire.
On est comme ça les poètes, avec un p’tit détail, on construit des cathédrales.

Mais bon, du rêve à la réalité y’a qu’un pas, dit-on, et ben là, j’nuancerai, et j’dirai qu’y a deux cons.
Kamel et Grégoire, les deux têtes à claques du groupe, nos hommes-grenouilles, c’est comme ça, quand y’a d’la connerie dans l’air, faut qu’ils respirent bien fort les deux là.
Ils se sont bousculés et ont atterris sur un ninot qu’ils ont consciencieusement pulvérisé.
Dans un musée, putain.
Mercedes a démarré au quart de tour, et le regard noir s’est dirigé vers moi, adulte responsable et attentif, comme si j’y étais pour quelque chose.
Vous pensez bien que tous mes projets sont tombés à l’eau d’un coup, et qu’j’ai bien fait d’pas envoyer ma résiliation de bail.
Le regard noir était en train de virer brasero, j’ai envoyé un gamin chercher la prof d’espagnol, parce que mon espagnolo-franco-anglais, mâtiné d’un fort accent ardécho-bretono-americano-alcoolique, semblait pas la convaincre et que l’espéranto qui en résultait, loin de rapprocher les peuples, aurait pu provoquer la 3e guerre mondiale.
Ou la 4e, j’sais plus, j’tiens pas les comptes en même temps.
Les mamies se sont pointées et j’en ai pris deux valises entières en pleine poire, t’aurais pu les surveiller, tu f’sais quoi, comment on va faire, un truc aussi beau, là j’étais pas d’accord, t’es pire qu’les gamins, c’est pas vrai ça dès qu’y a une nana, et j’en passe.
— Charly vous êtes d’un puéril, c’est à désespérer.

Le directeur du musée s’est approché tout sourire, et nous a expliqué que des gamins, y z’en recevaient toute l’année, que c’était pas la première fois, et qu’en fait y’avait pas d’mal, que c’était une expo didactique pour touriste, et pas le musée du Louvre, et que Mercedes venait d’arriver, en rodage quoi, et qu’il s’en foutait, ce qu’on s’est empressé de faire aussi.
Adieu Mercedes, tu ne connaîtras donc jamais mes talents de pilote.

J’ai juste dit aux mamies :
— Oh, vous nous faites visiter des merdes maint’nant ?
Elles ont juste dit :
— T’es tellement immature mon pauvre Charly, qu’on va rajouter ton nom à la liste d’élèves.

Du coup, on s’retrouve à cinquante et un.

À suivre…

Vamos a la playa (6/11)

6 – Et qu’ça saute !

Aujourd’hui, petite fête locale car c’est la semaine des fallas.
On s’est rendu dans un p’tit bled ou qu’y paraît qu’elle est top la fête.
C’est vrai c’était sympa, les gamins aimaient bien.
Y’avait des défilés, genre majorette, mais aussi des processions, genre enterrement, et l’élection d’une miss, genre moche, la p’tite fanfare, enfin sympa quoi.
Un mélange tradition et modernité mais bien tradition quand même.
La fanfare on l’a entendu bien avant de la voir, parce qu’y t’foutaient un bordel avec leur trompette. j’sais pas c’qu’y jouaient, mais c’était pas des harmonies habituelles, non, on était même bien au delà de la musique expérimentale, plutôt dans l’exploration acoustique.
Les Beethoven, les Stravinsky, y t’les ont foulé au pied joli, et les Mozart et compagnie comment qu’y t’les ont réduit à l’état de fifrelins.
On était loin des gammes majeures et mineures, des trucs pareils, ça peut provoquer des mutations génétiques.

On s’est rendu sur la place, y’avait une scène avec les p’tites miss, tous les gamins suivaient malgré la foule, j’avais envoyé le chauffeur dégoter deux bièras, y f’sait beau.
Les fallas, c’est au mois de mars, ça annonce le printemps.
J’peux vous dire qu’on l’a entendu l’annonce.

Vers midi, la fête bat son plein.
Comme y sont heureux les autochtones, qu’y z’ont le cœur en fête, et c’est une tradition à cette époque, y font exploser des pétards.
Eux, y z’appellent ça des petardos. Moi j’dirais plutôt bombas, parce que putain le boucan qu’ça fait leurs trucs.
C’est bien simple, quand ç’a commencé à péter, j’ai gueulé aux gamins de se jeter à terre, les mamies, à qui j’avais rien dit, ont fait pareil, avec le chauffeur on s’est planqué sous la buvette.
Vous avez vu le soldat Ryan ? Le début ? Et ben vous multipliez par dix.
J’ai même demandé au chauffeur c’que foutaient les renforts, qu’on allait pas tenir longtemps comme ça.
Les p’tites miss sur la scène, elles étaient plaquées contre le mur, tu parles d’une fête votive, un boxon ouais.
Et la fanfare jouait toujours et y’a un type qu’est monté chanter sur scène, genre opéra.
Comment qu’y t’les a mis minables les Caruso, Mariano et compagnie, et qu’y t’les a roulé dans la farine les Raimondi, les Carreras, quand à Pavarotti, c’est bien simple,
il l’a traîné dans la boue.
Avec le chauffeur, on a rampé jusqu’aux gamins, j’ai fait relever tout le monde, en langage des signes, et on s’est vite tiré de là.
Ils avaient tous mal au cœur, du bruit, des vibrations, des odeurs, de la fumée.
Arrivés au bus, y manquait trois gamins. Ben on s’bousculait pas pour retourner sous les bombes.
Mais en tant que virilisator, j’m’y suis collé.
En fait, j’ai fait très simple, j’suis monté sur scène et j’ai passé un message.
Dans c’bordel les gamins ont entendu et m’ont rejoint au pied de la scène.

Ils étaient tout choqués les minots et bien contents de me voir, et moi aussi.
Y m’ont dit qu’ils avaient peur de s’faire engueuler par les mamies.
J’leur ai demandé quelle était la plus jolie fille de la classe, ça les a étonné, mais ils ont répondu sans hésiter Doria, j’leur ai dit d’penser à elle pendant la ronflée, y m’ont dit qu’ils le feraient.

Arrivés près du groupe, le chauffeur m’a fait signe et m’a entraîné derrière le bus.
Il a sorti deux canettes de bière de son sac. Sympa.
Il avait réussi à en acheter malgré le souk.
On a bu nos canettes presque fraîches, sans rien dire, du bonheur quoi.

Ça gueulait dur derrière le bus, les minots en prenaient pour leur grade.
Mais les mamies avaient eu la pétoche je crois.
Tu parles d’une fête de bourrin.

On a roté un bon coup, et on les a rejoint.

À suivre…

Vamos a la playa (5/11)

5 – Les enfants de Cousteau.

Levé sept heures, les mamies sont déjà debout, j’les entends qui chuchotent pour pas réveiller l’homme.
Une salle de bain pour cinq, ça fait long à attendre, et c’est qui qu’est passé l’dernier ?
— Charly, on vous dispense de vos remarques et passez un peignoir vous êtes ridicule.
Et j’peux vous dire qu’y a pas qu’les mecs qui laissent des poils sur les lavabos.

Programme de la journée : visite d’un lac souterrain, peu profond mais glacé, avec des barques à fond plat manœuvrées à la godille.
À la godille.
Charmant.
J’sais pas qui a eu cette idée à la con, mais embarquer nos cinquante excités sur des radeaux dans une grotte éclairée par des torches faut vraiment être con, ou prof, c’est pas possible autrement.
Parce qu’à votre avis, y’en a qui sont passés à la baille ?

Deux.
Les cons. Poussés soi-disant.
Putain, on les a repêché avec une gaule, vite dépoilé, et comme c’était deux gars, les filles ont eu pour consigne de se retourner, mais perverses comme elles sont ces nanas, elles zieutaient quand même.
Les gamins ont pas voulu que les mamies les touchent, et le mec que je suis peux le comprendre, alors c’est bibi qui les a frotté pour pas qu’y s’gèlent les miches et que leur cerveau soit irrigué.
Sortie d’urgence de la grotte, enfin d’urgence, à la rame quoi, et dès la sortie y’en a cinq qui se barrent pour cloper.
Impossible de partir sans eux donc il a fallut les trouver, comptez une demi-heure, avant de démarrer en trombe, enfin en trombe, en bus quoi.
On était quand même inquiet parce que nos hommes-grenouilles claquaient des dents grave, alors on les a couvert de tout ce qu’on trouvait.
Même d’injures, c’est vous dire.
Arrivés en ville, les urgences, en bus sur l’parking de l’hôpital, j’vous passe les détails.
Enfin bref, rien de bien méchant. Mais les deux scaphandriers se sont pris une avoinée de derrière les fagots par les mamies et s’ils claquaient encore des dents, c’était plus d’froid.

Du coup l’après midi on savait plus quoi faire.
Et pis j’sais plus qui a proposé de visiter le musée de la ville.
Putain.
J’sais pas qui a eu cette idée à la con, mais…

À suivre…

Vamos a la playa (4/11)

4 – Charly s’met minable.

On a du arriver vers dix heures du soir dans le sud de l’Espagne.
Les familles d’accueil étaient là. On a fait comme la croix rouge, on leur a distribué les colis, enfin les loustics quoi, et on a rejoint notre hébergement.
Chez l’habitant, une mamie encore, décidément j’ai pas d’bol, qui louait des chambres. J’entravais que coinche à c’qu’elle disait et la prof d’espagnol pareil parce qu’y parait qu’y a des différences de vocabulaire selon les régions.
Elle nous avait préparé à manger, de la bonne cuisine traditionnelle, à base de gras, et surtout, avec le chauffeur on l’a repéré tout de suite, une bouteille de pinard.
On a fait les mecs polis au début, va s’y sers toi, non j’t’en prie après toi, et puis on a fini par la descendre c’te boutanche, comme des malpropres.
Les mamies ont appelé le principal-adjoint pour dire qu’on était bien arrivé. et elles ont discuté du programme de la semaine.
Enhardi par la lampée de pétrole que j’venais d’m’envoyer, j’me suis permis d’leur dire que l’important dans ces voyages, c’est pas d’leur bourrer le crâne aux gamins, mais d’leur bouger l’cul, qu’ils sortent de leur télé, video et autres, et qu’ils s’aèrent les neurones, qu’y s’ventilent les chakras, comme un décalaminage quoi, un curetage, un détartrage cervical en quelque sorte, et y’en avait besoin.
— Mon pauvre Charly, vous me faites de la peine, et cessez donc de boire vous êtes pathétique.
Mais sur la lancée, j’ai continué.
Et puis c’est sympa l’exotisme ? Non ? Prendre la claque de la vie, en pleine tronche, c’est pas sympa ? Hein ? Et la taloche de l’amour ? Le coup de pied au cul de l’amitié ? Le croche-patte de la tendresse ? La clé de bras d’l’affection ?
Elles m’ont regardé sans rien dire. Et elles ont repris leur conversation.

C’est bien la peine de faire part de mes réflexions, en plus que des intelligentes, pour être ignorer tel un vulgaire prof de ZEP.

Bon, pour en r’venir au pinard, y’avait pas d’étiquette dessus donc j’pourrais pas vous dire la marque mais y cognait dur l’tonton, et avec le chauffeur, on a commencé à piquer grave du nez, plus la fatigue, on commençait à trouver les mamies sexy.
Et ça chez moi, c’est un signe : faut aller s’coucher.
— Charly, inutile de monter cette bouteille dans votre chambre, elle est vide, vous me faites pitié tiens.
Ouais ok, donc on a été s’pieuter, j’étais bien torchon, et j’ai du mettre maxi cinq secondes pour m’endormir.
Vous savez, la bouche d’aération bien ouverte avec la glotte qui fait :
rrrrrrrrrrooooon… Pfffffffffffff… rrrrrrrrrrrrrooooooon… pffffffffffffff…
Mais bon, on y était à la playa, on y était…

À suivre…

Vamos a la playa (3/11)

3 – Charly fait sauter l’bouchon.

Barcelone en début d’après midi, c’est un sacré boxon circulatoire.
J’venais d’pioncer quatre heures d’affilé quand j’me suis réveillé.
Les mamies s’engueulaient autour d’une carte, j’ai demandé au chauffeur ou on allait, y m’a dit qu’une mamie voulait faire un détour pour visiter un truc dans un p’tit quartier.
J’ai essayé de regarder la carte avec les mamies, pour les aider, mais j’me suis fait jeté, soi disant qu’elles se débrouillaient très bien toutes seules, qu’elles étaient pas connes quand même.
Ça, j’ai pas voulu en débattre, du coup, j’ai été me ravitailler en barres chocolatées chez les gamins.
Y pétaient la forme eux.

Le problème avec les p’tits quartiers, c’est qu’c’est plein de p’tites rues.
Est arrivé ce qui devait arriver, à force de faire le con avec son bus l’autre, on s’est retrouvé coincé dans un virage. Impossible de manœuver.
Le bordel. Dix minutes après, ça klaxonnait à tout va dans l’quartier. Une mamie est sortie pour gueuler qu’ça changeait rien de klaxonner mais visiblement y pensaient l’contraire.
Le chauffeur transpirait à grosses gouttes, il a fait trois fois l’tour du bus pour trouver une solution. Et quand j’dis le tour, c’est pas à pied qu’il le faisait, mais en longeant les vitres du bus en varape.
Les gamins s’bidonnaient et ont voulu prendre l’air une minute. Y se sont pris une branlée par les mamies qu’étaient bien tendues et énervées.
Moi, j’suis parti cloper deux rues plus loin en m’disant qu’j’les sortirai de cette merde quand j’aurais fini mon clope.
Les flics sont arrivés, à pied bien sûr puisqu’on avait bloqué tout l’quartier.
Les gamins avaient trouvé un nouveau jeu, y passaient d’un coté à l’autre du bus pour décrocher l’chauffeur. Et y z’ont réussi ces cons.

Quand j’ai fini d’rigoler, j’me suis pointé la gueule enfarinée, j’ai dit aux mamies d’aller s’asseoir et de la boucler, j’ai dit au chauffeur de respecter strictement mes consignes et de la boucler aussi, j’ai fait évacuer une vingtaine de bagnoles, comme si c’était un casse tête, les flics y mouftaient pas, j’ai fait manœuvrer le bus au millimètre et vingt minutes plus tard l’quartier était dégagé et on a repris la direction de l’autoroute parce qu’on était encore loin du but.

Les mamies n’en revenaient pas, leurs yeux brillaient de reconnaissance, les gamins m’ont applaudi, y m’ont filé des carambars et j’ai dit au chauffeur de s’arrêter sur l’autoroute pour que j’puisse boire une bière. Il était d’accord et les mamies aussi.
Sympa la bière.
Les collègues étaient toutes gentilles avec moi et elles n’arrêtaient pas de s’raconter l’histoire, mais moi ça m’intéressait plus.
Et pis j’ai préféré accompagner les gamins fumer une clope.

À suivre…

Vamos a la playa (2/11)

2 – Les voyages forment la vessie

Ça, j’me suis bien fait chier.
Impossible de papoter avec qui qu’ce soit, les mamies causaient patchwork et le chauffeur écoutait d’la zique.
Alors j’me suis dit, j’vais aller faire chier un peu les gamins.
J’ai poussé deux trois gueulantes pour les pieds sur les fauteuils et les papiers parterre mais ça m’a fait du bien, ça m’a requinqué.
Faut dire qu’j’avais rien pris à bouffer en m’disant qu’j’achèterais un truc sur l’autoroute, quand on prendrait de l’essence.
Mais ces putains de bus, y z’ont une autonomie de 800 bornes, j’vous dis pas la dalle.
J’ai essayé de négocier un arrêt pipi, mais le chauffeur m’a demandé de patienter encore un peu. J’avais la haine.
J’ai été voir les merdeux et j’leur ai demandé de gueuler bien fort et tous ensemble pour demander qu’on s’arrête.
Ils l’ont fait. Tu parles, l’autre y s’est garé 100 mètres plus loin, les tympans explosés, et pas content.
J’lui ai fait mon sourire bien con.

Pis j’voulais fumer une clope, y’a une collègue qui m’a dit, pas devant les gamins alors j’ai été dans un p’tit sous-bois à coté.
Tu parles, y’avait déjà dix gamins qui clopaient en cachette, vous l’direz pas aux parents m’sieur, j’ai gueulé un coup mais j’les ai laissé finir leur clope en échange d’un paquet de Chamallow et d’un Coca.
Y z’étaient d’accord.
Comme ça j’ai pu bouffer un peu et boire un coup.

Du coup, une heure après, j’avais encore envie d’pisser.
J’ai même pas demander au chauffeur de s’arrêter, j’ai directement été voir les gamins.

À suivre…

Vamos a la playa (1/11)

1- L’annonce faite à Charly

Les voyages scolaires, ça m’a jamais vraiment concerné puisque ce
sont les profs de langue qui s’y collent et que pour les accompagnants,
y prennent en général des collègues avec qui y sont super potes.
Cette
année la, la prof d’espagnol, parce qu’y en a qu’une, a choisi ses
trois copines de SVT, maths et j’sais plus quoi pour un voyage d’une
semaine dans le sud de l’Espagne.
Seulement voilà, le principal-adjoint
ne l’entendait pas de cette oreille. Il a imposé un homme parmi les
accompagnants, pour viriliser l’effectif qu’il a dit.
Et à votre avis, c’était qui virilisator ?
C’était bibi.
J’sais
pas pourquoi moi, mais en tout cas, j’étais dans le couloir en train
d’mater l’cul de tati quand le principal-adjoint m’a interpellé :
— J’vous dérange pas ?
— Non non, je réfléchissais…
— Une semaine en Espagne ça vous dit ? Cinquante élèves à accompagner, vous serez quatre adultes, départ dans deux semaines.
— En Espagne ? Mais j’parle pas espagnol…
— Oui et alors ?
— Et alors ?… ben… alors rien.
Quel con, j’pensais qu’pour accompagner des gamins à l’étranger c’était mieux d’parler la langue, et ben non.
Ah y’a des fois, j’me bafferais tiens.

J’vais voir les collègues, pas contentes les mamies (oui évidemment,
j’ai pas précisé mais c’était pas des bombes atomiques), se voir
imposer une paire de couilles, ça renaudait dur à la sacristie. Parce
qu’entre collègues, faut pas rêver, on s’fréquente pas tous.
Bon, elles m’ont donné la date de départ, l’heure, un document à compléter et après ça, plus un mot jusqu’au jour dit.

J’vous balance le programme :
Départ lundi 5 heures du mat, 16
heures de bus, 50 gamins, 3 mamies, 1 chauffeur qu’avait une tête à
sentir des pieds et 1 extraterrestre (bibi).
Voilà. Me dites pas qu’j’suis un veinard sinon j’ferme le blog…
J’vous en foutrais moi…

Allez, en route et… VAMOS A LA PLAYA !!!!

À suivre…