Tous les articles par Charly Le Prof

T’as les boules ?

Une des activités préférées de certains élèves, lors des séances informatique, consiste à enlever et à piquer les boules des souris.
Et ça, c’est super marrant.
C’est toujours sympa de commencer une séance avec cinq élèves qui font remarquer qu’il n’y a plus de boule dans leur souris.
Ce qui aurait tendance à me rendre un poil irritable.
À la fin de chaque séance informatique, je demande donc aux élèves de retourner les souris afin de constater la présence de la boule.
Ce qui donne des dialogues de ce type :
— Avant de sortir, montrez moi vos boules, s’il vous plait !
— M’sieur, la mienne est là !
— Très bien. Inès, contrôle si Kévin a sa boule.
Mais pour palier aux disparitions, avec un collègue, on a constitué un stock de boules, récupérées sur du vieux matériel.
On est bien content de nous.

L’élève de base, mettra un point d’honneur à changer les paramètres du bureau de Windows.
Me demandez pas pourquoi, j’en sais rien.
Ce sera tantôt l’écran de veille, tantôt le fond d’écran, voire le bouton démarrer, qui nous rend songeur lorsque qu’on le découvre rivé en haut à droite. Ce qui évidemment, est beaucoup plus pratique.
C’est toujours sympa de commencer une séance et qu’un élève de 6e, démarrant son PC, vous annonce qu’il a une nana à poil en fond d’écran.
Allons bon.
— T’as pas eu peur ?
— Ben non…
— T’es pas choqué ?
— Ben un peu quand même…
— Tu veux qu’on t’accompagne à l’infirmerie ?
— Oh ben non… quand même…
— Bon. Qui était sur ce poste…
À chaque séance, il faut indiquer sur un plan de salle, le nom de chaque élève et le poste utilisé. Dans ce genre de situation, ça permet de retrouver le coupable.
Mais évidemment, celui-ci niera farouchement.
— J’ai rien fait m’sieur, c’est arrivé comme ça ! j’vous jure !
Prends moi pour un con.
Comme si les images pornos, et seulement celles-ci, avaient une tendance à se télécharger et à s’installer automatiquement en fond d’écran.
J’savais pas.
Donc faut l’savoir, et faire attention.

Lors de certaines activités, je demande aux élèves d’effectuer une recherche sur le web. Ils travaillent en groupe de 10 à 15 élèves.
Et là, y’a intêret à être vigilant.
C’est une lutte à mort qui s’engage.
Leur mission : voir du cul.
La mienne : les en empêcher.
Leurs atoûts : bonne connaissance du milieu, rapidité, réactivité, solidarité, libido agressive.
Les miens : léger strabisme divergent assurant une vision à 180°, détecteur intuitif d’embrouille, puissance vocale approchant les 110 décibels, disjoncteur électrique (le seau d’eau virtuel).

Mais bon, c’est insuffisant, ils sont le plus souvent vainqueurs.

La colère de Robert

Robert déboule en salle des profs.
Il semble très en colère.
L’émotion est vive. Jugeons-en plutôt.

— Y m’ont collés une heure supplémentaire !
— Non, c’est pas vrai !
— Si, et juste le vendredi, tu vois, de 4 à 5.
Putain, j’suis dégoûté.
Tu t’rends compte, j’viens travailler pour une heure !
Ah les cons !
— Et ça t’fais combien d’heures du coup ?
— 8,5.
— C’est vrai qu’c’est pourri. 8,5 heures. Quand tu penses que dans l’privé, y font ça en une journée, et que les mecs s’révoltent même pas !
— J’vais m’foutre en arrêt maladie, ça va pas trainer. Les gamins, j’vais te les foutre devant l’ordinateur, Ils iront sur internet. Rien à foutre. On n’est pas des chiens quoi !
— Appelle le rectorat.
— Mais non, la première heure sup, tu peux pas la refuser !
— C’est une honte.
Remarque, en même temps, ça te f’ras des ronds en plus.
— Attends, tu crois qu’je bosse pour le fric moi ?
— Ben, tu bosses pour quoi ?
— La transmission du savoir, pourquoi ?
— Et ben tu vois, tu peux transmettre une heure de plus.
— Très drôle. Ça m’amuse pas du tout.
J’vais leur foutre le SNES au cul, tu vas voir.
— Qu’est-ce que tu veux qu’y fasse le SNES ?
— Dis, j’leur paye ma cotisation, peuvent bien s’fendre d’un entretien avec le principal !
— Putain, j’y pense, ma cotisation au SNES. J’l’ai pas payé. Y m’ont envoyé un rappel.
Y paraît qu’à la deuxième injonction, y peuvent te virer du syndicat.
— Tu déconnes ? Non, c’est pas possible ça.
— De fait, dans la fonction publique, y’a que du syndicat qu’on peut t’virer.
— Sans syndicat, qu’est-ce qu’y nous reste ?
— Putain moi, j’prends le maquis !
— Et pour ton heure sup ? Tu vas faire quoi ?
— J’vais en profiter pour nettoyer ma kalachnikov.

Le collège mets le voile

Salle des profs, quelques grappes de collègues.
Ça discute à voix basse.
Je m’approche d’un groupe, la discussion s’interrompt.
Une collègue semble gênée.
— Oh, qu’est-ce qui se passe ?
— Ben, un drôle de truc.
— On peut savoir ? C’est peut être personnel remarque…
À voix basse.
— Non. C’est une élève de 5e, qui a été surprise en train de faire… heu… une felassion
à un gars de sa classe. Mais bon, t’évite d’ébruiter le truc…
— Ben voilà aut’chose ! Qui les a vu ?
— Ben, on sait pas trop. Un aide-éducateur, j’crois.
— Et qu’est-ce qui se passe dans ces cas là ?
Une question bien idiote, comme ci le cas était prévu dans le règlement intérieur.
— D’après ce que je sais, les parents sont convoqués en urgence.
Avec leur accord, les élèves devraient être transférés dans d’autres établissements.
J’pense que dès demain, on les verra plus ici.
— Mais la gamine, elle a été contrainte ?
— Visiblement, elle a dit que non, que c’était son p’tit copain.
— Pas de sanctions ou autre ?
— Non non. Là, c’est la chape de plomb. T’imagine la réputation ?
— Tu sais qu’y pourrait y avoir des suites judiciaires ?
— Non, ça va se régler dans la plus grande discrétion. On peut le comprendre.
— Et c’est qui ces gamins ?
— Tu les a pas j’crois.
— Ah, ou sont passées nos chères petites têtes blondes !
— T’imagine pour les parents…
— J’ose à peine… Et pour le principal, annoncer ça.
— C’est marrant cette gamine, j’aurais pas pensé tu vois…

Moi non plus.
De toute façon, au collège, on respecte les aspirations de chacun.
Mais quand même, on évite de pomper.

Mots d’élèves

Mais oui, j’suis un prof sympa.
Allez, un peu de narcissisme, ça fait du bien.

1) Monsieur le prof,
On vous adore.
Vous êtes un prof génial et exceptionnel !
Cette année a été merveilleuse avec vous mais aussi avec tous les 3B.
Ne changez pas car vous êtes super !
Espérons que tout vous réussisse car vous le méritez vraiment beaucoup !!!
Ce serait bien que tous les profs aient votre humour et votre gentillesse.
Vos prochains élèves auront de la chance de vous avoir
et je suis un peu jalouse d’eux !
J’aimerais bien faire encore une année avec vous car je vous adore !
Je suis ravie de vous avoir rencontré !
1000 fois merci !
Que du bonheur pour la suite et j’espère vous revoir (même vous croiser quelque part).
à bientôt.
Au revoir.
Merci de nous avoir appris tout cela, car avec vous, ça m’a plu la techno…

2) Je vous adore. Vous êtes trop sympa.
Vous êtes le seul prof à sortir tout le temps des blagues.

3) Au revoir. Vous allé me manqué !
J’espère que vous vous souviendré de moi, comme moi je me souviendrais de vous.
Au revoir.

4) Merci pour tout se que vous nous avez appris et
tout le bonheur que vous nous avez donnez.

5) Hello mister !!!
C’est trop dommage que vous partez.
C’était une année géniale, super et trop bien.
Vous allez nous manquez.
Vous reviendrez nous voir, hein ?
Merci et à bientôt.
Vous êtes « the prof ».

6) Merci beaucoup pour cette année.
J’ai jamais eu un prof sympa comme vous
qui nous laisse nous exprimer comme ça. Merci!!!!

7) Un super grand merci.
C’est le seul cours ou quand j’étais triste, j’arrivait à oublier.

8) Heureusement que vous êtes pas comme M… qui pue.

9) Monsieur
Toute la classe vous adore.
Vous êtes le plus sympa des profs du monde (et le meilleur).
Vous êtes le médaillé d’or des profs et le plus marrant.

Les dessous de table

C’est en fait la seule revendication d’un collégien.
Pouvoir mâcher.
Un ethnologue ou un pédagogue pourrait certainement nous instruire sur cette activité néanderthalienne.
Pour ma part, je suppose qu’à l’immobilité contrainte, l’élève oppose la mastication comme libératrice de l’énergie contenue. Une soupape, en quelque sorte.
Seules les dentitions appareillées, sous prescriptions, en ont l’interdiction formelle.
Il est curieux de les voir se livrer à ce machouillage studieux.
Il s’agit en fait d’un processus de broyage systématique, compulsif et consciencieux.
Son but étant d’extraire les agents de saveur, toujours trop vite dissipés, jusqu’à l’obtention de la matière brute, insipide.
L’objectif atteint, la tension s’atténue, laissant place à un automatisme machouilleur presque classique.

Mais qu’advient-il du chewing-gum en fin de vie ?
Attardons-nous un instant sur leur destination de prédilection.
À ce stade, une visite sous les tables s’impose.
Suivez le guide.
Là, devant vous, surgissent des cimetières entiers, chaos de couleurs et de formes.
Un monde à l’envers, ignoré de tous, un univers de montagnes et de vallées multicolores, un décor de science-fiction, bariolé, se déroule sous les yeux.
Chaque colline est marquée, signée d’une ultime empreinte, celle du pouce écraseur ou de l’index étaleur.
La datation est bien sur possible, puisque fonction de la dureté.
Mais redressons-nous.

L’addition de multiples gommes dans une même bouche est un vrai défi.
Le volume obtenu provoque une amplitude de mouvement peu commune.
Le décrochage du maxillaire inférieur constitue un risque réel mais visiblement envisagé avec cran.
L’énergie produite est clairement mesurable.
Seulement voilà.
— T’as quoi dans la bouche ?
— Un chewing-gum
— Tu vas jeter ça, s’il te plaît.
— Mais m’sieur, je viens de l’commencer !
— J’veux pas savoir. Va jeter ça.
La mine s’assombrit. La colère n’est pas loin mais reste contenue.

Ainsi débute la phase de deuil.
La corbeille est en vue.
Le geste se fait lent, la démarche lourde.
Gagner du temps. Le chemin est long jusqu’à la corbeille.
Le masticage s’accélère, il s’agit d’extraire au plus vite la saveur.
La production salivaire se fait intense.
Surtout ne rien laisser
— Tu veux bien te dépêcher ?
Non, c’est clair, pas de sursis.
La corbeille est là. C’est trop bête.
D’un geste rageur, jeter la gomme presque neuve. Un gâchis.
Le retour est humiliant.
Il faut se venger. Le retour sera plus long que l’aller. Un p’tit mot aux copains en passant.
C’est de bonne guerre.
Et là, l’illumination.
— Mais m’sieur, vous mangez un chewing-gum là !
— Non, moi c’est de l’aspirine.

L’euphémisme scolaire

— Salut Maryse. Tu remplis les bulletins ?
— Oui, je m’y colle, j’ai 18 classes à faire.
— Tu fais quelle classe là ?
— Les 3eC
— Ben j’vais les faire aussi tiens.
C’est bien ces saisies en réseau.
— Ouais, tu sais moi l’informatique. Ça me prend un temps fou. J’préférais à la main.
— T’en es à qui ?
— J’commence juste. C’est Aboudi le premier.
— Oh putain, quel emmerdeur ce gamin !
— Il est pénible avec toi aussi ?
— M’en parle pas. Il est infréquentable ce type.
— Et tu marques quoi pour lui ?
— Si j’me lâchais, j’marquerai bien… heu…
Votre fils est un véritable connard, feignant, menteur, vulgaire, faul-cul.
Une merde quoi. Aussi, je ne prendrai pas la peine de vous donner des conseils.
PS : Bon courage
— T’écris pas ça quand même ?
— Non. Ça c’est le produit brut.
Après, je distille.
J’extrais.
J’émulsionne.
J’déglace.
j’conserve le suc.
Bref, je sers un truc comestible et accessible tout public.
— Et ça donne quoi ?
— Jessy a des difficultés avec le groupe classe et exprime son désarroi de façon intempestive.
Ses résultats sont en baisse mais semblent se stabiliser entre 2 et 3 (sur 20).
Jessy semble donc avoir trouvé sa vitesse de croisière.
Cependant, il doit franchir un palier et tenter le 4 au 2e trimestre.
— Pas mal. Y’a tout. Le constat, le comportement, l’objectif. Et le tout est très positif.
— N’est-ce pas ? Et toi, tu lui mets quoi ?
— J’lui mettrais bien quelque chose ou j’pense, mais bon.
Jessy a eu des comportements inadmissibles ce trimestre. Il faut réagir !
Toutefois, les résultats sont en hausse puisque la barre du 5/20 a été franchi.
S’agit-il du déclic attendu depuis son CP ? À Jessy de confirmer.
— Ouais, bien. Mais tu trouves pas qu’on fait des commentaires un peu longs ?
— Ça, les parents devraient le savoir, plus c’est long moins c’est bon.
— En plus, j’me demande si on est pas limité à 256 caractères. P’t’être même 128.
— Ah bon ? Putain, faut tout que j’recommence !

Les plombs ont sauté

Je pensais que pour enseigner il fallait être patient. J’étais d’une naïveté.
Les élèves me racontent souvent les pétages de plomb des collègues.
Que leur prof d’anglais, à bout, a jeté une chaise par la fenêtre.
— Rassurez moi, y’avait quelqu’un dessus ? et dessous ?
Que le prof de français, excédé, a quitté le cours, expliquant qu’il avait aut’chose à foutre.
Que le prof de SVT a donné une claque et que c’est pas normal.
Ça en général, c’est des emmerdes assurées. Le collègue a dit que c’était juste une pichenette. Les gamins ont maintenu que c’était une bonne grosse tarte.
Ils m’en ont fait la démonstration en cours, sur l’un d’entre eux.
J’en conclue que c’était une bonne grosse pichenette.
Que le prof de techno regarde les fesses des filles.
Ce à quoi j’ai répondu qu’avec l’âge, la vue baissait…
Qu’un autre prof d’anglais fout dehors un 6e au prétexte qu’il plane en lui disant : va jouer avec tes copains les pigeons.
Élève qu’on a effectivement retrouvé dans la cour, courant après les pigeons.
Enfin, là, ça s’est terminé chez le principal avec les parents.
Qu’un prof de SVT remplie des bouteilles de coca de quelques gouttes d’un mélange détonnant, qui fait gonfler les bouteilles jusqu’à l’explosion. Auparavant, bien sur, il les jette par la fenêtre.
Les explosions s’entendent dans un rayon de cinq kilomètres.
Le collègue a expliqué que c’était pour une démonstration.
On l’a cru. Mais il a eu la consigne de se calmer.
Vexé que sa pédagogie soit contestée, il a récidivé.
J’ai assisté, à sa demande, à une explosion. C’est vrai qu’on voit bien la bouteille gonfler mais on s’est vite planqué derrière les vitres de la classe !
Un super collègue.
Qu’un prof d’anglais, celui de tout à l’heure, traite ses élèves de cons.
Et ben vous le croirez ou non, mais c’est interdit.
Les parents sont montés au créneau.
Il s’en est expliqué avec le principal.
J’me souviens que ce collègue m’avait dit : ils ont dû mal comprendre.
Ça doit être ça oui.

La mayonnaise ne prend pas

Y’a pas plus réfractaire à la mixité qu’un élève de collège.
Ils ont le plus souvent des tendances à la coagulation par affinité.
L’affinité est variable.

C’est le quartier d’origine, le pays, la classe sociale, le travail, la glandouille, l’humour, la religion, le sport, la musique, l’âge, le sexe. La liste est longue.
En ce sens, ils ne sont pas différents des adultes.
Ainsi, en début d’année, si vous avez trois supporters de l’OM dispersés dans la salle, vous pouvez être sur qu’au bout de quelques séances, la tribune ouest du stade vélodrome sera reconstituée.
Et toute l’année il faudra se justifier de préférer Lyon.
De la même façon, vous ne trouverez jamais des glandeurs disséminés dans une classe.
Les glandeurs ont la particularité de former des grumeaux compacts.
Et comme les grumeaux d’ ailleurs, ils sont assez lourds et on les trouve plutôt au fond.
Devant sont placés les fayots, formant de petites poches, juste sous les yeux.
Sur la droite un nid. Ça pépie, ça jacasse, ça roucoule. C’est le fan-club de Matt Pokora.
Sur la gauche, les vindicatifs, les récalcitrants, ceux qui veulent en découdre, qui niquent la police.
Une classe est un ensemble de zones de fortes concentrations typées et juxtaposées. Mais qui choisir comme copain ? Ou copine ?
En effet, un glandeur qui aime le foot, choisira t’il le groupe glandeur ou le groupe foot ?
C’est à ce stade que se fait, ce que j’appelle, le choix de l’option.
Regardons de plus près la constitution des groupes à option.
Vous trouverez, par exemple, un groupe foot option glandouille, ou bien, un groupe foot option algérie. Qui peut glandouiller aussi à l’occasion.
L’option est-elle obligatoire ? Oui et non. Un footeux-glandeur intégrant un groupe foot-travail n’est en aucune façon tenu de travailler. Mais il en résulte que son appartenance au groupe lui sera disputée.
Il doit mieux définir son objectif et plutôt s’orienter vers un groupe glandouille à option quelconque.
Rappelons à ce stade, qu’un groupe se constitue autour d’un cœur de cible.
Il peut aussi, éventuellement, négocier avec le groupe rugby, assez proche, si celui-ci dispose de l’ option glandouille, mais passera, de toute façon, sûrement pour une tapette. Un groupe travail-fayotage peut-il glander ? Bien sur. Il s’agit là d’une dérogation temporaire tout à fait habituelle. A l’opposé, un groupe glandouille-branlette peut tout à fait se mettre au boulot. Mais ceci reste exceptionnel car le groupe n’y survivrait pas. Un glandeur souhaitant travailler, donc trahir, s’expose à de graves difficultés et se retrouve tout bonnement bannis.
En même temps, il l’a bien cherché.
Chaque élève fait donc preuve, dans ce domaine, d’une certaine prudence. Au dessus des groupes, on trouve bien évidemment l’ensemble classe, mais, juste en dessous, des sous-classes génériques et largement consensuelles.
Ainsi, la sous-classe Clara Morgane est commune à tous les garçons. De même que la sous-classe Star Academy est commune à toutes les filles.
Il est important de bien les connaître car elles peuvent dépanner à l’occasion, pour recréer, par une simple remarque, l’unité de l’ensemble.

Les dents de la mer

La généralisation des appareils dentaires est un véritable fléau national.
Le but de ces dispositifs n’est pas tant de traiter un problème de santé publique que d’améliorer l’esthétique. Mais la technique utilisée produit un effet provisoirement inverse.
Ainsi, même la plus jolie des élèves verra son capital beauté largement entamé.
Et que dire de la moins jolie…

Les orthodontistes semblent s’en donner à cœur joie.
Tout cet arsenal metallurgique me laisse songeur.
Vous imaginez l’effet que pourrait produire un aimant puissant au milieu d’une salle de classe ? Certains appareils sont véritablement impressionnants.
Âmes sensibles s’abstenir.
Ensembles mécano-soudés, tringlerie, visserie, écarteurs, ressorts et tendeurs.
Certains de ces dispositifs ne dépareraient pas dans une cabane de trappeur.
Ils permettraient à coup sur de piéger un ours.
Dieu merci, je n’ai jamais été mordu. Évidemment, le sourire s’en trouve altéré.
Il perd sa fonction première.
Il devient vaguement inquiétant, un brin pervers, voire franchement répugnant.
Face à une classe qui sourit, il convient de rester zen.
Une attaque groupée serait fatale. Tous les interstices créés par ces structures métalliques sont autant de réservoirs bactériens propices à l’épanouissement d’une flore indigène particulièrement odorante.
Mais comment leur dire ? Et doit-on leur dire ?
Si l’envie vous prend d’approcher l’un d’entre eux, de face, à bonne hauteur, vous saurez soudain ce que ressent le marin exposé aux vents violents du cap Horn.
Et c’est vrai qu’ça fouette.
Le visage.
Que dis-je, ça lacère.
Car entendons-nous bien, on n’est plus ici dans le registre de la simple brumisation, ou même de la vaporisation parfumée, mais bel et bien dans celui de l’attaque acide.
Mais ça dynamise aussi.
Ça tonifie.
À la manière de ces senteurs du large qui sont autant d’appels à le prendre. Bien sur, on ne peut échapper à un léger mouvement de recul.
Comme une rebuffade.
Un ultime appel à la vie.
À la recherche désespérée de l’oxygène vital.
Mais une fois le recul trouvé, la bonne distance, une décision s’impose.
Dorénavant, dans mes classes, le chewing-gum est autorisé.